L’éditeur français Urban Comics publiera la série Zenith de Grant Morrison et Steve Yeowell (les deux créateurs de Les Invisibles) à partir de septembre 2016.
Considéré par beaucoup comme la première réflexion marquante de Morrison sur le genre, Zenith raconte l’aventure d’un superhéros pop-star égocentrique qui devient le sauveur de l’humanité sous l’œil vigilant du super-soixante-huitard St John.
De la réglementation des naissances dont est issu Zenith au crossover cosmique; en passant par la corruption du pouvoir et la crise d’identité ; le scénariste écossais disloque le concept du Héros dans une Angleterre profondément marquée par le régime Thatcher.
yep…
J ai eu de la chance qu en 88 (?) on me ramene le 2000 AD avec le début de la phase 2… j ai ensuite eu la chance de troucer les TPB 2 et 3 à angouleme en 89…mais je n ai reussi a tout trouver que recemment (enfin tout… il me manque le dernier paru… apres la conclusion)
…. **[size=150]E[/size]**n 1990 le scénariste Grant Morrison expliquait à qui voulait l’entendre, via la revue Speakeasy où il écrivait alors une rubrique régulière, que quiconque aurait lu le roman de l’écrivain américain Robert Mayer, intitulé Super-Folks (Pour en savoir +), lors de sa sortie en 1977, aurait certainement pu écrire depuis une grande BD, voire trois grandes bandes dessinées.
Sans oublier de mentionner une citation de Nietzsche, qui se trouve en exergue dudit roman, une épigraphe qui se retrouve aussi dans l’édition étasunienne de Marvelman (alias Miracleman) d’Alan Moore (mais ironiquement absente des pages de Warrior l’hebdomadaire où a paru à l’origine la reprise de Moore).
Il n’en fallait pas plus pour que certains commentateurs y voient une attaque à l’encontre du scénariste de Northampton.
Si je cite cette anecdote ce n’est pas pour attiser une querelle entre les pro-Morrison et les anti-Moore (ou inversement (sic)) mais plutôt pour mettre en relief mon point de vue sur la question de la création, ou de l’invention, dans le domaine de l’imagination.
Si on veut bien croire qu’effectivement Alan Moore a lu Super-Folks, et qu’il a d’une manière ou d’une autre, fertilisé son potentiel créatif, force est de constater qu’il n’est surement pas de le seul à l’avoir lu entre 1977 et disons 1982 (date à laquelle le scénariste réinvente le Marvelman de Mick Anglo).
Mais il est par contre le seul (à ma connaissance) à avoir écrit Marvelman, Watchmen et Superman: Whatever Happened to the Man of Tomorrow ?, dont l’inspiration viendrait directement du roman de Mayer.
Du moins, si on lit entre les lignes l’article du scénariste écossais.
Pour le dire autrement, imaginer c’est pour moi, associer des expériences mémorisées communes, mais de façon originale ; ce qu’on ne peut denier à aucune des BD écrites par Alan Moore que j’ai citées.
Originales elles le sont, et en plus, elles se démarquent franchement de Super-Folks.
Et Morrison n’a pas fait autre chose avec Zenith, en s’inspirant de ce que d’autres avaient fait avant lui.
Récupérant le genius loci de la Maison des idées (Maximan avatar explicite de Captain America notamment, et quelques « effets de réel » qui ont fait le succès de la Marvel dès les années 1960) qu’il acclimate au ton de l’hebdomadaire britannique qui accueille son personnage – 2000 AD (Pour en savoir +) – ton qui sera aussi celui de certaines des œuvres américaines les plus marquantes de la décennie, Grant Morrison donne pourtant naissance à une série tout à fait originale.
Appréciation qu’il faut bien évidemment remettre dans le contexte des années où elle parait.
Dans son ouvrage SupergodsMorrison décrit Zenith comme un 45 tour des années 1980 – « stupide, sexy, et jetable », Alan Moore remixé par Stock Aitken Waterman précise-t-il.
Coïncidence, il n’hésite pas non plus à introduire dans Zenith quelques Yog-Sothotheries de bon aloi, comme Moore l’avait fait dans Watchmen avant lui.
Mais le code créatif de Zenith si je puis dire, ne serait pas complet (le sera-t-il jamais ?) si j’oubliais de citer une autre influence majeure, et pour cause son créateur a participé aux designs du personnage de Morrison, et aurait dû dessiner la série : Brendan McCarthy.
Lors de la compilation de la série par l’éditeur Titans Comics (cinq recueils entre 1988 et 1990), que je n’ai pas lu mais dans laquelle a paru une version du personnage envisagé par Morrison et que j’ai retrouvé sur la Toile, il est patent que le résultat que nous connaissons a subi entre-temps l’influence de McCarthy.
Morrison/McCarthy/Yeowell
Lequel dans des propos qu’on lui prête, et qu’on peut lire sur la Toile, n’hésite pas à dire que Zenith s’inspire aussi de l’une de ses propres créations – Paradax! (Pour en savoir +) - en tant qu’elle mettait en scène dès 1984, dans les pages de Strange Days (une revue de l’éditeur américain Eclipse Comics), un jeune homme doté de super-pouvoirs plus préoccupé par sa propre personne et l’acquisition d’une renommée monnayable, que de « sauver le monde ».
Une caractérisation rare à l’époque chez un super-héros, et que l’on retrouve tel quel chez Zenith quelques années plus tard.
Mais me direz-vous (peut-être), le Peter Parker de Steve Ditko & Stan Lee en 1962 était lui aussi un jeune homme avide de monnayer ses super-talents.
Certes, mais chez Parker ces traits de caractère disparaîtront en quelques pages pour faire place aux (grandes) responsabilités qui incombent aux (grands) pouvoirs dont il dispose là où, Paradax et Zenith, resteront des jeunes gens égocentriques et insouciants, sinon de leur valeur marchande.
Et puis chez Parker, contrairement à Paradax! ou Zenith, la question du sexe et de l’alcool est absente.
Toutefois la série Zenith se démarque sans problème de son modèle ou supposé tel, en tant que Morrison n’élude pas le folklore super-héroïque, à l’inverse de Brendan McCarthy.
Et c’est ce qui fait aussi l’originalité de la série.
En effet, Grant Morrison promène tout au long de ce premier tome traduit par Laurent Queyssi, un pur corps d’égoïsme et de vanité dans un environnement où l’espace de jeu s’ouvre à un contrat et une esthétique de type super-héroïque.
Ce qui n’est pas un hasard puisque Morrison ne recycle pas seulement avec brio les idées des autres, il recycle aussi les siennes.
Ainsi de Fantastic Adventure, un projet de 1985 proposé à l’éditeur anglais IPC sous la forme d’une revue, dont le sommaire devait contenir trois types de récits consacrés l’un à l’Âge d’or des super-héros, l’autre aux héros de type Marvel, et enfin une histoire d’un super-héros alcoolique qui sort de sa retraite pour un dernier combat ; intitulée** justement Zenith**.
Le trait minimaliste du dessinateur Steve Yeowell, et le noir & blanc ajoute à la singularité de l’ouvrage.
Sans oublier le rythme de l’histoire influencé par sa publication dans un hebdomadaire où seulement quelques pages étaient réservées à Zenith au milieu d’autres séries.
En conclusion, un premier tome très enlevé, où pointe déjà la plupart des marottes du scénariste, et qui malgré les presque trente années de publication d’une offre pléthorique en la matière, garde toute son originalité.
Je découvre pour ma part « Zénith » avec cette belle édition Urban, inespérée il y a encore peu : on a beau avoir lu des kilomètres de BD estampillées Grant Morrison réalisées depuis, et on a beau avoir à faire à des thématiques récurrentes chez lui depuis maintenant 30 ans, on est bluffé par la fraîcheur et la pêche du résultat, fût-il daté.
Il y a même le petit supplément de la générosité dans la profusion d’idées, peut-être en partie imputable au jeune âge du scénariste à l’époque, qui fait largement oublier les quelques lourdeurs et maladresses d’écriture (qui perdureront sur quelques-uns des premiers épisodes de son run sur « Animal Man », avant une claire élévation du niveau de jeu sur « Doom Patrol » et les autres travaux contemporains de la chute de « Animal Man »…).
Très très chouette plaisir de lecture, je reviendrai plus longuement là-dessus plus tard ; je ne regrette pas d’avoir attendu cette édition, l’album est magnifique en plus (je trouve).