1962-2022 : BON ANNIVERSAIRE HULK !

Un jour, il va falloir faire un sort à Glenn Talbot, un personnage qui connaît un destin des plus rocambolesques dans la série Incredible Hulk. Mais en relisant quelques épisodes, je me suis arrêté sur le numéro 200 (sous une couverture dessinée par Rich Buckler et encrée par John Romita, spécial dédicace à notre Mallrat national), qui est plutôt pas mal dans le genre récit « anniversaire ». Et Talbot y tient un rôle secondaire, et pourtant essentiel.

Pour faire très court (parce que j’y reviendrai à l’occasion), à ce moment de la série, Glenn Talbot a été retrouvé par le Général Ross de l’autre côté du « Rideau de Fer », mais le militaire revient traumatisé, dans un état semi-végétatif, à cause de « blocages mentaux » que le scénariste, Len Wein, détaille au compte-goutte au fil de la série.

À ce jeu du subplot transformé en torture chinoise, le scénariste nous laisse entendre que le blocage mental a une cause sinon médicale, du moins physique. En gros, y a un truc dans les boyaux de la tête, et ça coince chez Talbot. Le Général Ross et Doc Samson (qui a retrouvé ses pouvoirs et sa tignasse verte un peu plus tôt dans la série mais ça, pareil, on a encore quelques mois pour en parler), décident qu’il n’y a qu’une manière de procéder : récupérer Hulk.

Ce qui, après un Incredible Hulk #199 complètement frénétique, où Sal Buscema et Joe Staton s’en donne à cœur-joie dans la description d’une course-poursuite plus survoltée que jamais, nous amène à la première surprise du numéro : Hulk avec un casque.

Pour passionnant, sympathique, bien rythmé, amusant et décalé qu’il soit, ce numéro 200 demande quand même du lecteur un accrochage de crédulité bien haut, largement hors de portée de main, histoire de ne pas la reprendre trop vite. Parce que bon, déjà, toute la petite troupe a inventé un casque qui permet à l’esprit de Banner de contrôler Hulk. On se demande pourquoi personne ne s’y est attelé plus tôt. Qui plus est, le projet de Ross et Samson consiste à réduire Hulk à la taille microscopique afin de l’envoyer dans la cervelle de Talbot afin de déboucher les tuyaux et de rendre au soldat sa vraie personnalité (d’aucuns penseraient qu’il est quand même plus supportable en légume, mais ceci est une autre histoire…). Les lecteurs se demandent pourquoi nos amis bidasses vont s’embêter avec un casque destiné à contrôler le Titan Vert alors qu’il aurait suffi de recourir aux services de Hank Pym ou de Reed Richards, qui brillent ici par leur absence, mais bon, Len Wein a l’occasion de se faire un remake du Voyage Fantastique, pourquoi s’en priverait-il ?

Au-delà de toutes ces questions de logique qui rendent le postulat un brin bancal, ce numéro anniversaire a le mérite de mettre sur le devant quelques idées qui feront florès par la suite chez Bill Mantlo ou Peter David. Par exemple, l’esprit de Banner aux commandes, qui annonce le Hulk intelligent en blouse blanche de Mantlo. Ou le bisou que pose délicatement Betty sur la joue de BannerHulk, qui laisse déjà entrevoir l’acceptation chez celle-ci de la fusion des deux êtres, à laquelle on assistera dans les épisodes de David et Keown. Tout l’épisode est saugrenu, mais porteur d’idées prometteuses (sauf qu’à l’époque, en 1976, on ne s’en rendait pas compte, bien sûr).

Donc BannerHulk est réduit à une taille ridicule et commence à arpenter le cerveau « cauchemardesque », dixit Wein, de Talbot. Il est bientôt confronté à ses anciens ennemis, qui sont en fait des illusions. L’activité électrique dans la tête de Talbot est telle que le casque fonctionne mal, Hulk finissant par l’arracher. Libéré du contrôle de Banner, le Titan Vert s’énerve, devient plus fort, écrase ses adversaires et découvre le véritable ennemi, la cause de l’état catatonique du soldat, une bestiole certes miniature elle aussi mais qui, à l’échelle, paraît monstrueuse, à la fois d’apparence et de taille.

Bien entendu, ça ne retient pas Hulk, qui aplatit le monstre, libérant ainsi Talbot du « blocage mental » dont Wein nous cause depuis plusieurs épisodes. Si le soldat semble sauvé, un nouveau problème se pose : sans le casque, Hulk ne peut maintenir sa taille longtemps, et commence lentement à grossir, menaçant la vie de Talbot. Et comme Banner ne le contrôle plus, impossible de le diriger vers une voie de sortie naturelle, genre les oreilles, afin qu’il puisse être agrandi dans un coin. Samson n’a plus le choix : il actionne le rayon réducteur toujours braqué sur le (désormais minuscule) Titan Vert, qui reprend son rétrécissement.

Bon, les lecteurs savent que si l’on parle d’infiniment petit dans l’univers de Hulk, une certaine Jarella n’est jamais bien loin. Et effectivement, Len Wein ouvre un nouveau cycle d’aventures pour les épisodes à venir.

Mais pour l’heure, il vient de livrer un chapitre teigneux, speedé, énervé et musclé de la carrière du Goliath Vert, mêlant certains des aspects les plus ridicules et les plus amusants du genre, soulevant des interrogations et proposant des pistes. Cet Incredible Hulk #200 peut-être lu comme une énième bastonnade réjouissante, mais tient une place un peu spéciale dans l’évolution du personnage.

Jim

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