1963-2023 : BON ANNIVERSAIRE LES AVENGERS !

Nous sommes donc en février 1971 (du moins sur la couverture des parutions, soit à la toute fin de l’année 1970). Pendant que les Justiciers croisent le chemin des Champions d’Angor, que se passe-t-il chez Marvel ?

Vengeurs / Ligue de Justice, rencontre cryptée, seconde partie :

Dans Avengers #85, daté, donc, de février 1971, les Vengeurs reviennent du monde d’Arkon, qu’il viennent de visiter.

Thor utilise la magie de son marteau pour ramener tout le monde à bon port, mais l’opération rate.

Quatre membres de l’équipe, Goliath, Scarlet Witch, Quicksilver et Vision, se retrouvent sur un monde qu’ils ne reconnaissent pas, où ils existent à un état fantomatique et qui est en proie à une grande catastrophe : immeubles en ruines, cadavres dans les rues, soleil écrasant. Pietro remarque qu’ils ne sont pas à la bonne date, mais projetés quelques semaines dans l’avenir.

Wanda recourt à sa magie afin de finir l’opération lancée par le marteau et d’arriver à bon port. Ouf, les voilà à New York. Ils vérifient la date auprès d’un kiosquier, et constatent que tout va bien. Hélas, ils sont allés trop vite en besogne, n’ont regardé que la date du journal sans s’arrêter sur les différents articles de la une qui leur auraient peut-être mis la puce à l’oreille.

Or, quand ils rentrent dans leur Manoir, une surprise les attend, sous la forme de héros qui ressemblent à leurs adversaires du Squadron Sinister (d’où méprise et baston, mais aussi surprise pour les gans), et que le lecteur curieux (le fameux lecteur avisé qui ose s’aventurer dans le catalogue de la concurrence et que nous avons évoqué plus haut) reconnaît. C’est ainsi qu’ils croisent d’abord Nighthawk, duplicata aviaire de Batman, puis Lady Lark, double de Black Canary, Hawkeye dont le nom ne laisse aucun doute (d’autant que l’appellation est libre puisque Clint a troqué son carquois contre la tenue de Goliath), Tom Thumb et American Eagle, ces deux derniers étant des références plus tordues à Atom et Hawkman / Superman : Roy Thomas fait appel aux bons souvenirs des plus vieux fans, qui se rappelleront que le premier Atom était un héros de petite taille et que l’aigle américain est depuis longtemps associé au surhomme de Metropolis, ce qui rend Blue Eagle moins facilement transposable (d’autant que le personnage appartient clairement à la catégorie des héros patriotiques : une équipe à lui seul).

Alors bien entendu, pif paf pouf, ça bastonne, les deux équipes se prenant mutuellement pour des assaillants. La baston dure jusqu’à une communication vidéo de Doctor Spectrum (l’équivalent de Green Lantern), Hyperion (le pendant de Superman) et Whizzer (l’homologue de Flash), qui s’apprêtent à lancer une fusée de la plus haute importance.

Une révélation en accompagnant une autre, les Vengeurs comprennent que le lancement de la fusée solaire est sans doute lié à la destruction de la planète dans un futur proche, à laquelle ils ont assisté au début de l’épisode. Le combat se poursuit contre l’Escadron, mais les héros décident d’aider cette Terre parallèle qu’ils ont découverte, avec l’aide récalcitrante de Nighthawk.

L’épisode se conclut à ce moment, annonçant une deuxième partie d’un diptyque qui promet d’être mémorable. Contrairement à ce que Friedrich et Dillin ont fait chez DC sous la supervision de Julius Schwartz, Roy Thomas étend son récit, qui visiblement a besoin de place afin de déployer son potentiel.

Mais force est de constater que les auteurs (aidés ici par Len Wein qui joue les intermédiaires entre les deux scénaristes) utilisent les mêmes ressorts narratifs : découverte d’un monde alternatif, menace d’une destruction planétaire et, bien entendu, apparition de doubles déformés évoquant les héros de la concurrence. Pour l’univers DC, l’existence de Terres parallèles fait partie des fondements de cette vaste fiction complexe, mais pour l’univers Marvel, c’est assez nouveau. L’existence de futurs alternatifs possibles ainsi que de dimensions voisines est acquise, mais il est fort possible que l’apparition du Squadron Supreme, lui-même version divergente du Squadron Sinister déjà croisé par les héros, soit le premier pas vers un Multivers dûment constitué, où vivent des versions alternatives de mêmes protagonistes. L’autre gros repère sur ce chemin, c’est Fantastic Four #118, daté de janvier 1972, soit moins d’un an après, dans lequel Ben Grimm et Lockjaw font un crochet par un monde alternatif dans lequel Reed Richards est devenu la Chose et où Ben Grimm convole avec Sue Storm : j’y vois les deux bases du Multivers Marvel, mais j’oublie peut-être une autre occurrence évidente.

Dans Avengers #86, cette fois illustré par Sal Buscema et Jim Mooney, les Vengeurs s’allient à Nighthawk et à ses équipiers afin de sauver cette Terre parallèle en empêchant le décollage de la fusée solaire.

L’épisode débute par un long récapitulatif de cinq pages, suivi par la confrontation entre les héros et les trois justiciers locaux supervisant le lancement. Re-baston, jusqu’à ce que Nighthawk se montre.

La coalition réfléchit au lancement, ce qui est l’occasion pour les lecteurs de découvrir l’existence de Brainchild, un enfant dont les parents ont été irradié, ce qui a valu au bambin une intelligence précoce et un physique déformé. Le personnage est à la croisée de plusieurs traditions éditoriales : ses origines de science-fiction renvoient aux histoires courtes liées à l’atome dont le catalogue DC faisait son miel dix-douze ans auparavant, mais Brainchild est également un mutant, sujet au regard soit méprisant soit pitoyable d’autrui, et en cela il renoue avec la longue lignée de super-vilains frustrés et blessés dans leur orgueil, dont l’Homme-Taupe est l’exemple le plus connu, directement en prise avec la figure du monstre génial mais revanchard dont Stan Lee a rempli plein de pages dans les années 1950.

Et pendant que, sur leur Terre d’origine, Iron Man, Thor et Black Panther tentent de retrouver leurs équipiers, ceux-ci, avec l’Escadron, tentent de raisonner Brainchild, alias Arnold Sutton. Occasion d’ailleurs pour constater que Roy Thomas et Stephen King ont les mêmes références littéraires.

Brainchild (qui renvoie sans doute à Brain Wave, adversaire de la Justice Society depuis 1943) est un enfant suicidaire ayant décidé de mourir avec le reste des Terriens en transformant le soleil en super-nova, dans l’espoir d’en finir avec toutes les brimades subies.

Alors que les héros ont empêché le décollage et s’apprête à prendre son repaire d’assaut, Brainchild utilise ses pouvoirs mentaux afin de les opposer à diverses menaces, qui s’avèrent des illusions. Quand Goliath, utilisant le corps inconscient d’un Hyperion assommé, parvient à renverser l’enfant prodige, ce dernier, choqué par sa défaite, retombe en enfance.

Doctor Spectrum utilise alors sa gemme stellaire afin de restituer à Brainchild son apparence d’enfant de dix ans. Et alors que la menace sur cette Terre parallèle est écartée, les Vengeurs perdus se dématérialisent soudain, avant de revenir sur leur monde d’origine et de retrouver leurs équipiers.

Bien entendu, Vision, qui pense toujours trop, se demandent s’ils sont réellement rentrés dans leur monde d’origine, ou bien s’ils n’auraient pas été secourus par les Vengeurs d’un troisième monde à la recherche de leurs propres amis disparus. Et ce crypto-cross-over, qui au départ est une plaisanterie de potaches entre auteurs et un gros clin d’œil à destination des lecteurs de Justice League of America et d’Avengers, s’avère un premier pas dans un Multivers en pleine expansion.

Jim

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