Le défilé de Halloween de Rutland, première partie :
La petite ville de Rutland, dans le Vermont, est connue des amateurs de comics et de super-héros à cause de son défilé de Halloween, vaste parade où des gens déguisés en super-personnages font l’événement. La tradition remonte à 1959 et elle a connu en Tom Fagan un ardent défenseur. Écrivain et fan de comic books, il travaille pendant des années dans le milieu de l’édition. Il écrit de nombreuses lettres afin de promouvoir l’événement, certaines trouvant même leur chemin dans les pages de courrier des lecteurs, notamment dans Detective Comics #327, en 1964.
Au fil des ans, Fagan prend de plus en plus d’importance dans l’organisation du festival et du défilé. Ami de nombreux auteurs, il partage avec eux une passion de lecteur et de collectionneur. Ces amitiés finissent par l’amener à inviter des auteurs aux festivités annuelles autour de Halloween et à mettre à la disposition des participants les vingt-quatre pièces d’un manoir suffisamment grand pour accueillir tout le monde. C’est l’occasion de cosplays amusants (Roy Thomas en Spider-Man et sa première épouse Jeanne en Sue Storm) et de crypto-cross-overs (Yellowjacket face à The Fly…).
Fatalement, la Rutland Halloween Parade devait un jour ou l’autre apparaître dans les pages mêmes des comic books. Et tout commence dans les pages d’Avengers #83, daté de décembre 1970 et intitulé « Come on in… the Revolution’s Fine ».
L’action débute quand Janet revient au Manoir des Vengeurs et découvre que l’endroit est occupé par Scarlet Witch, Black Widow, Madame Medusa et une nouvelle venue, la Valkyrie.
Celle-ci explique ses étranges origines : laborantine méprisée par sa hiérarchie masculine, elle se réveille un jour nantie de pouvoirs et décide de prendre les choses en main et de donner un tour super-héroïque au mouvement de libération des femmes.
Chose étrange, elle parvient sans mal à dépasser les doutes et les méfiances des héroïnes réunies et les emporte sur son chariot tiré par deux étalons volants. Vers où ? Vers Rutland, dans le Vermont.
Là-bas, des hommes et des femmes costumés sirotent des sodas en savourant le confort d’une bâtisse accueillante, quand sonnent à la porte les véritables Vengeurs, venus résoudre une mystérieuse affaire d’enlèvement. Tom Fagan y est représenté dans le costume de Nighthawk, membre du Squadron Sinister (et donc considéré comme super-vilain : rappelons que les héros n’ont pour l’heure rencontré que la version maléfique de l’Escadron et que la confrontation avec le Squadron Supreme devra attendre encore quelques courts mois). Pour Fagan, c’est normal : Nighthawk est une créature de la nuit, ce qui convient parfaitement à Halloween. Dans la réalité, Fagan porte un costume de Batman à l’occasion des défilés, il est donc logique que la rédaction de Marvel l’affuble de la tenue que porte l’équivalent du Chevalier Noir de ce côté-ci de l’Omnivers. Par la suite, dans la vraie vie, Fagan sera photographié en costume de Nighthawk également.
Pour la petite histoire, Roy Thomas et son épouse Jeanie (parfois orthographié Jean ou Jeanne selon les sources et articles), déguisés respectivement en Spider-Man et en Sue Storm (Jeanne Thomas est brune, mais elle est ici représentée en blonde), font leur apparition. Le scénariste fait demander à sa belle « Oh, les Avengers ! Mais où est donc Madame Peel ? », remarque que rabroue gentiment Roy. C’est tout de même maladroit, pour un épisode censé défendre les femmes, de mettre une bêtise dans la bouche de sa propre moitié, même sous la forme d’un clin d’œil pop-culturel. (On peut sans doute lire la petite blague dans l’autre sens : Jeanie fait une référence amusante que Roy ne comprend pas, petite pique à l’égard des « pourceaux mâles chauvinistes », mais même dans ce sens-là, ce n’est pas très explicite.)
À l’invitation de Fagan, les Vengeurs prennent part au défilé. Bien entendu, dans la foule, nous retrouvons leurs ennemis de toujours, les Maîtres du Mal, qui projettent effectivement un enlèvement, visant le docteur T. W. Erwin, de l’université de Miskatonic, spécialiste du « temps parallèle ». L’équipe de criminel, composée de Klaw, de Whirlwind, du Radioactive Man et du Melter, donne un peu de mal aux héros.
C’est à ce moment qu’arrivent les Liberators. Elles ont un plan en tête mais la bagarre entre Avengers et Masters of Evil est inattendue. Les héroïnes se lancent dans la mêlée, et leur intervention permet de sauver la mise aux héros. Mais la Vakyrie s’empresse d’écarter violemment les héros. Les femmes se regroupent alors près du savant visé par les criminels.
C’est alors qu’on comprend que la Valkyrie convoite le « projecteur à temps parallèle » du docteur Erwin. La Valkyrie ? Non, en réalité l’Enchanteresse, qui a pris une forme nouvelle afin d’enrôler les héroïnes dans sa croisade. Et en réalité, derrière tout cela, il y a l’histoire d’une femme déçue et blessée qui cherche à se venger des hommes.
L’Enchanteresse projette de détruire ses ennemis, mais Scarlet Witch retourne son sort contre elle. L’épisode se conclut dans une de ces scènes de dispute dont Roy Thomas fait son miel régulièrement, et démontre cependant que les idées de la Valkyrie progressent dans l’esprit des équipières. Le scénariste, comme Denny O’Neil dans Green Lantern / Green Arrow, démontre aussi qu’il n’est pas toujours très à l’aise avec des idées progressistes qui semblent pourtant séduire sa génération d’auteurs, et si l’épisode est rapide, enlevé et généreux, il ne manque pas de retourner contre lui-même les arguments de son pitch.
Et Rutland, pendant ce temps ? Hé bien le festival continue, comme en atteste Batman #237, un numéro daté de décembre 1971.
Jim
Le défilé de Halloween de Rutland, première partie : Avengers #83
Le défilé de Halloween de Rutland, deuxième partie : Batman #327
Le défilé de Halloween de Rutland, interlude : Marvel Feature #2
Le défilé de Halloween de Rutland, troisième partie : Amazing Adventures #16, Justice League of America #103, Thor #207
Le défilé de Halloween de Rutland, quatrième partie : Avengers #119