NEW X-MEN #114-116 (2001) :
Cassandra Nova : « Forget your dental practice, Mr. Trask. Your future lies in genocide."
Suite au comeback raté de Chris Claremont en l’an 2000 (une véritable bérézina ayant duré moins d’un an, là où le 1er film X-Men a eu beaucoup plus de succès) et l’éphémère gamme « Counter-X » (supervisé par Warren Ellis en guise de showrunner), Joe Quesada (alors fraîchement promu Editor-In-Chief) et Bill Jemas (le papa de l’univers Ultimate) se sont tournés vers Grant Morrison, alors auréolé de ses divers succès chez DC/Vertigo des 80’s/90’s (Animal Man, Doom Patrol, JLA, The Invisibles), ainsi que son compère Frank Quitely (Flex Mentallo, We3, All-Star Superman). Sa mission ? Rendre les comics X-Men cool à nouveau (et aussi & surtout rehausser leur qualité).
Plutôt qu’Uncanny X-Men (laissé à Joe Casey), Morrison reprend l’autre série phare (dont le lancement, pratiquement 10 ans auparavant, servit de chant du signe à un Chris Claremont mal traité, après des décennies de bons et loyaux services, parce que Harras préférait capitaliser sur ses X-poulains).
Après une mini-série Marvel Boy (et un Fantastic Four 1234 plus anecdotique en comparaison) faisant office d’apéro prometteur (opérant une réactualisation d’un archétype d’anti-héros à la Namor, à l’aune d’un début de millénaire post-Télétubbies & pré-11 septembre, ou bien post-Babylon 5 & pré-Battlestar Galactica pour les fans de SF sur petit écran), cette équipe créative estampillée « Vertigo » (avec le prestige qui va avec) s’est donc attelé à la (X-)tâche. Une relance ô combien événementielle, ayant pour ambition de renouveler les titres X sur tous les plans, de la tonalité jusqu’au costumes (plus « movie-friendly »), en passant par la « Mutanité » (rien que ça, soit un vaste programme ambitieux).
Comme l’indique son manifesto, l’écossais procède à un travail d’inventaire (trier le bon grain de l’ivraie), en s’inspirant de l’approche de Claremont/Byrne (voulant émuler cette stimulante impression d’imprévisibilité tous les mois), sans oublier l’aspect « soap opera » (avec un focus sur un tout nouveau triangle amoureux, avec un griffu plus en retrait pour changer) et en s’éloignant de l’aspect purement super-héros pour privilégier la science fiction et le clash des générations (personnifié par Quentin Quire, personnage phare d’un arc clé de ce run), ainsi que l’entrée en scène de nouveaux venus tels que Cassandra Nova (des jumeaux opposés avant même leur naissance, une idée qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’Hellblazer #39 de Jamie Delano).
En plus de cette innovation (caractérisant d’autres titres contemporains tels que Soldier X & XForce/X-Statix), l’aspect « retour aux bases » est aussi présent, en replaçant le focus narratif sur l’école de Westchester (comme Wolverine and the X-Men dix ans plus tard), en distribuant des tenues assorties à l’équipe (jaune & noir comme aux origines, mais plus proches du look de motards), et en redonnant un degré de dangerosité à d’anciennes menaces un peu désuètes (les Sentinelles et le Moule Initial).
Grant Morrison : « New X-Men avait commencé dans mes carnets de notes comme une manière de suite à l’utopiste joyeux des Invisibles et au futur plus militant de Marvel Boy. C’était un passage de trois ans sur un groupe de personnages populaires, racontant l’ascension et la chute d’une culture mutante, en la traitant comme toute minorité cherchant la reconnaissance. Je me sentais mal à l’aise dans cette nouvelle décennie, et même si je reste très fier de mon travail dessus, New X-Men devint plus une prison qu’une cours de récré.
« J’avais choisi de représenter les X-Men non plus comme des victimes « craintes et détestées » par un monde refusant de les comprendre, mais comme les fiers représentants du prochain stade de l’évolution du monde. Nous les détestions pour la même raison qu’en secret nous détestons nos enfants : parce qu’ils sont destinés à nous remplacer. Le point de départ du récit était la découverte d’un « gène de l’extinction » s’activant pour effacer l’humanité en quelques générations, et faire de la place pour l’expansion des mutants. C’était à leur tour d’hériter de la Terre. »
« Je m’étais imaginé la culture mutante non comme un idéal monolithique d’idéologies en conflit entre « bons mutants » et « mauvais », mais comme un spectre de points de vue, d’images de soi et d’idées contradictoires sur le futur. Le dessinateur Frank Quitely et moi tentions d’imaginer l’émergence d’une nouvelle contre-culture, avec des créateurs de mode mutante inventant des chemises à six bras ou de la haute couture pour invisibles, des musiciens mutants sortant des disques ne pouvant être écoutés que par ceux dont l’ouïe allait dans les ultra et infrasons, des peintres se servant de couleurs accessibles uniquement aux yeux mutants. »
« Au lieu d’une équipe, ou d’une tribu, nous postulions toute une société de l’homo superior en voie d’émancipation rapide. New X-Men traiterait de l’aube d’un futur avec des musiques nouvelles, des rêves nouveaux et de nouvelles façons de voir et de vivre. L’institut Xavier serait un avant-poste de l’avenir dans le présent ainsi q’un quartier général et une école. Je pensais pouvoir y parler des aspects positifs et négatifs de l’irruption de la culture geek dans le mainstream. »
« Afin de couper l’herbe sous le pied du paramilitarisme rampant qui hantait les incarnations précédentes de la série, nous avions choisi de réimaginer les X-Men comme une force bénévole de secours d’urgence, à la Gerry Anderson. Ils avaient juré de mettre leurs pouvoirs au service des humains et des mutants dans une période de difficile transition. Mais, très rapidement, le projet se trouva confronté aux retombées artistiques du 11 septembre. »
"L’histoire se concentra alors sur ce dont les gens étaient capables lorsqu’il s’agissait d’annihiler leurs propres enfants, ces magnifiques et étranges Coucous de Midwich nouvelle manière, appelés à les remplacer, à redorer leurs murs et à déplacer les meubles. Au fil de ses quarante épisodes, New X-Men était devenu un journal de ma méfiance envers la culture de la conformité post 11 septembre, semblant partie pour consumer avidement ceux qui étaient étranges ou différents. »
Une chose est sûre, cet objectif de redonner un coup de fouet créatif aux X-Men aura porté ses fruits (quitte à s’aliéner pour cela une partie plus « conservatrice » de la fanbase), du moins sur le court terme, jusqu’à ce que les nombreux apports de ce run soit détricotés, avant que certains personnages emblématiques fassent leur retour par le biais d’autres X-scénaristes très friands de ce run mémorable).