1963-2023 : BON ANNIVERSAIRE LES X-MEN !

Sur les conseils du Doc, et surtout motivé à l’idée de lire un récit écrit par Roger Stern et dessiné par Dave Cockrum, j’ai acheté Les Icônes Marvel #4, consacré aux mutants.

Ce qui ne m’a pas empêché, également, de savourer le plaisir de resurvoler des épisodes que je connais bien, que ce soit celui de Kirby encré par Stone, celui d’Adams (quelle période, quand même : Roy Thomas était inspiré et il a balancé énormément d’idées qui restent à la fois très lisibles et complètement modernes encore aujourd’hui…), celui de Cockrum (quelle énergie, quels personnages charismatiques) ou celui de Byrne (quand on connaît la genèse de ce chapitre, ça reste épatant).

Le récit est complètement anecdotique : Bishop est dans la Salle des Dangers et revit des moments difficiles, astuce classique pour permettre de mieux connaître un personnage nouveau. Graphiquement, c’est du Tim Sale classique, qui maîtrise sa grammaire visuelle. Joli, oubliable. Tellement oubliable que j’ai l’impression que c’est inédit. Ça a été publié où, précédemment, en France ?


Tiens, d’ailleurs, vous tous qui êtes la mémoire vivante de la VF… Cet Uncanny X-Men Annual #18, ainsi que le précédent, que j’évoque un peu plus loin, vous savez s’ils ont été traduits ? J’ai l’impression que non, mais je me trompe sans doute…

L’histoire m’a complètement échappé, à l’époque de sa sortie. Ou bien l’ai-je lue en VO puis oubliée ? Voire achetée, rangée en prévision d’une lecture ultérieure, puis… oubliée ? En tout cas, j’ai l’impression de la découvrir.

L’écriture est donc signée Roger Stern. Nous sommes en 2008 et le scénariste, qui a laissé de grands épisodes de Doctor Strange, Avengers, Spider-Man (que ce soit Spectacular ou Amazing) ou Superman, est désormais catalogué comme archiviste, livrant des épisodes permettant de jeter un coup de projo sur un héros ou un groupe, ou de faire le bilan d’une période en évoquant la continuité (cette chose sale que les jeunes scénaristes ne touchent qu’avec un bâton désinfecté). X-Men: Odd Men Out contient deux histoires, la première écrite par Stern et la seconde, rédigée par Michael Higgins, également encrée par Joe Rubinstein et présentant une rencontre entre les New Mutants et un androïde du Mad Thinker. Les deux récits ont été compilés dans un numéro hommage à Cockrum, décédé en 2006 : j’ignore quand ils ont été réalisés, ni même s’ils datent de la même période (le second semble plus rapide, voire plus maladroit, et j’ai bien l’impression qu’il est plus récent).

Donc, Charles Xavier vient rendre visite à son vieil ami Fred Duncan, agent du FBI plutôt pro-mutant et désormais à la retraite. Il s’agit d’un vieux personnage, dont l’existence remonte à X-Men #2. Sa mort a été évoquée dans Uncanny X-Men Annual #17, sorti en 1993 et qui présente le personnage du X-Cutioner, à savoir un ancien collègue qui utilise les fichiers sauvegardés de Duncan afin, officiellement, de venger sa mort (une très chouette idée qui, me semble-t-il, n’a jamais été poussée à fond, car le personnage n’a pas été tellement exploité…).

L’épisode est une rencontre entre deux vieux amis qui partagent leurs souvenirs et font le point depuis leurs dernières entrevues. Hank McCoy, Scott Summers, Jean Grey et Logan apparaissent en gardes-du-corps, même si l’on apprend, avec Xavier, que Duncan, devenu consultant en sécurité, est bien équipé en matière de surveillance.

Ensemble, ils évoquent le passé : le premier contact entre eux deux, la fondation des « premiers » X-Men, leurs premiers combats, la méfiance montante des autorités mais le soutien sans faille de Duncan, agent de liaison officielle. C’est très agréable de voir Cockrum évoquer cette première période, qui correspond à la carrière du premier groupe, d’autant qu’il est très bien soutenu par l’encrage de Joe Rubinstein, qui compense certaines faiblesses du dessinateur. Les couleurs sont certes exubérantes, ajoutant des brillances un peu partout et accumulant les effets ton sur ton, mais je m’attendais à pire : le papier des Icônes Marvel boit un peu ce traitement, qui aurait fait encore plus mal aux yeux sur du papier brillant.

La construction de l’épisode, qui évoque bien entendu Uncanny X-Men #138 par sa volonté de passer en revue, chronologiquement, les événements de la série tels qu’ils furent publiés dans les revues. Par exemple, aucune évocation d’Amelia Voght (les puristes pourront argumenter que cet X-Men Odd Men Out fait figurer Fred Duncan, dont la mort est évoquée dans Uncanny X-Men Annual #17 daté d’avril 1993, alors qu’Amelia est montrée aux lecteurs dans Uncanny X-Men #300, daté… de mai 1993, ce qui peut vouloir dire que Stern place le récit dans la période qui succède immédiatement au départ de Chris Claremont, donc avant tous ces événements). À la lumière de ce qui été évoqué plus haut au sujet de l’édition de ces deux récits qui dormaient dans les tiroirs de la rédaction, il n’est pas saugrenu de penser que le récit de Stern ait été commandé pour l’une des multiples parutions mutantes qui se sont multipliées au début des années 1990, par exemple pour un Annual, ou bien pour la série X-Men Unlimited, dont le premier numéro est justement daté de juin 1993. Cela pourrait expliquer les choix narratifs du récit, ainsi que la présence de Bob Harras dans les crédits.

La narration s’arrête également sur le rôle de Duncan. Stern profite de l’occasion pour expliquer les raisons pour lesquelles l’agent du FBI, jadis prompt à soutenir la cause mutante, n’apparaît plus dans la série, au profit d’autres personnages comme Henry Gyrich ou Valerie Cooper : le scénariste décrit de quelle manière il a été écarté du cercle décisionnaire. Cependant, il fait de Duncan l’un des personnages clés d’une péripétie évoquée dans la série claremontienne, à savoir l’effacement de la banque de données gouvernementale consacrée aux mutants.

Raccrochant les wagons de la continuité et donnant une réelle présence à l’agent, le scénariste évoque aussi les péripéties vécues par Xavier dans l’espace : son idylle avec Lilandra, sa possession par un Brood, son clonage, son exil avec les Starjammers, sa guerilla pour l’aider à reconquérir le trône et sa lutte contre des espions Skrulls. Bien entendu, et même s’il a dû en voir de toutes les couleurs, Duncan a du mal à y croire, pardi. Stern s’amuse du caractère outrancier de certaines aventures racontées dans la série, et en creux des exagérations parfois répétitives propres au genre, feuilletonnesque.

Le récit se conclut sur un sourire partagé entre les deux amis de longue date. La scène se conclut sur une réflexion, classique mais évocatrice, de la nécessité de se dresser face à la haine et à l’hypocrisie, et sur l’idée, également incontournable, que le mal prospère quand les hommes de bien ne font rien. Stern donne ici l’impression de concilier la version Lee / Kirby des X-Men et la version Claremont, mettant en avant l’éventail politique couvert par la série.

Lire cette histoire en 2008 (et a fortiori en 2023 grâce à cette édition française) prend un tour ironique, que l’on soit conscient ou pas des péripéties derrière la publication de ce récit qui semble avoir dormi de longues années dans un tiroir. En effet, les souvenirs partagés entre Xavier et Duncan s’arrêtent, comme nous l’avons vu, avant les grandes refontes amenées après le départ de Claremont. Cette histoire de retrouvaille met donc en valeur le travail du légendaire scénariste qui a contribué à faire des X-Men la locomotive que l’on sait, et si sa publication est un hommage à Cockrum, ça l’est tout autant à Claremont. Cela prend, dans une certaine mesure, l’allure d’un pied-de-nez fait à Bob Harras, dont le nom figure dans les crédits.

Jim

2 « J'aime »