J’ai récemment (et enfin !) lu la suite de Ghost Rider / Wolverine / Punisher: Hearts of Darkness. Il s’agit là aussi d’un prestige format, The Dark Design, toujours écrit par Howard Mackie, alors scénariste de la série mensuelle Ghost Rider, mais cette fois dessiné et encré par Ron Garney et Al Milgrom.
L’histoire est assez simple : Blackheart, le fils de Mephisto, a pris possession de la petite ville de Christ’s Crown, où vit Lucy, la gamine que les trois héros bourrins ont sauvée dans le volume précédent. En une nuit, il a corrompu une partie des habitants (et l’entière architecture, faisant ressembler la bourgade du Midwest à une version démoniaque de New York), tué une autre partie, et les survivants, dont Norma Jean, une cousine de Lucy, s’efforcent de protéger l’enfant qui s’est découvert des pouvoirs de guérisseuse.
Lucy a également la capacité d’envoyer des messages télépathiques, que Frank Castle a pris pour des cauchemars. Tous trois arrivent sur place pour aider les résistants. Le Ghost Rider est le premier sur les lieux, mais il est malheureusement corrompu par l’un des pousse-mégots de Blackheart. Affaibli, il est protégé par la communauté qui résiste encore et toujours au démon, puis soutenu par les deux autres justiciers qui retrouvent la trace du petit groupe dans un réseau d’égout sans cesse changeant au gré des humeurs de Blackheart, fort occupé à s’engueuler avec son papounet.
Bien entendu, le Ghost Rider repousse la corruption par la volonté (sans s’en débarrasser : je ne sais pas si Mackie a fait quelque chose de cette intrigue dans la série régulière), et les trois héros sont à nouveau soumis à la tentation, cette fois-ci sous la forme d’un retour à leurs origines et à la perspective que tout leur destin soit changé. On se doute qu’ils vont secouer le joug démoniaque, libérer la gamine, et emporter la partie.
Il reste bien des trucs irrésolus à la fin du récit (l’ont-ils été par la suite, ailleurs ? Ou bien Christ’s Crown ressemble-t-elle encore à Apokolips ?), et notamment les héros s’en vont, emportant leur jeune protégée, sans se préoccuper du sort de Blackheart. Qu’ils croient mort, mais le fils de Mephisto, qui a plus d’un tour dans son sac, profite de l’occasion pour poignarder son géniteur et prendre sa place, annonçant dans la dernière page un changement de shérif à la tête de l’enfer.
Graphiquement, pour qui a apprécié la vague de dessinateurs réalistes « in your face » des années 1990, c’est un régal. Rien d’original, puisque Ron Garney, ici, imite Andy Kubert imitant Jim Lee. Mais il sait faire, le bougre, avec des ombres évocatrices (Al Milgrom à l’encrage assez bien, s’inscrivant dans les codes graphiques d’alors…), des personnages musclés aux mâchoires crispées, des jolies pépées au tempérament houleux, des scènes de baston plutôt spectaculaires…
Alors oui, souvent, Garney en profite pour remplir facilement ses planches en les articulant autour de grandes cases, si bien que les bastons ne sont pas découpées ni chorégraphiées mais prétextes à des images généreuses. Ça fonctionne cependant très bien, avec des couleurs aux contrastes violents signées Paul Mounts, qui crée ainsi une atmosphère lourde et angoissantes, et un lettrage de Richard Starkings et de son équipe de Comicraft, qui s’inscrit bien dans la continuité de ce que Joe Rosen avait proposé pour le premier volet.
Jim