1974-2024 : BON ANNIVERSAIRE LE PUNISHER !

On parlait récemment de ces chères années 1990, tant décriées et en même temps objet d’une certaine forme de nostalgie, liée en grande partie à l’effervescence du marché à l’époque, à la profusion de titres, aux audaces éditoriales et narratives associées à de pétaradantes entreprises commerciales…

Le prestige format Ghost Rider / Wolverine / Punisher est à mes yeux l’une des grandes incarnations de cette époque. Il y a tout : des personnages vedettes qui incarnent, chacun à sa manière, la tendance outrée du « grim & gritty » qui s’est imposé dans la décennie précédente ; un format que j’aime beaucoup, le prestige format donc, ces albums format comics à dos carré et couverture souple, ici agrémenté d’une wraparound cover qui se déplie, formant une vaste fresque en quatre parties, une sacrée curiosité à l’époque qui a contribué à attirer l’attention ; une équipe d’auteurs tenant le devant de la scène, avec Howard Mackie, scénariste de la série mensuelle Ghost Rider, John Romita Jr alors en feu et Klaus Janson toujours aussi efficace tant pour les scènes d’action que pour les séquences plus calmes.

L’histoire est simple, le récit est assez bourrin, mais pour l’avoir relu hier soir (ça traîne pas : la fluidité et l’accent mis sur l’action fait que ça se lit vite), le plaisir est toujours là.

L’histoire débute, après une séquence pré-générique montrant un rituel satanique dans la bourgade de Christ’s Crown, alors que Danny Ketch quitte New York pour se rendre dans la petite ville. Il trouve une chambre à louer chez une habitante, qui s’étonne de l’affluence, sachant que deux autres chambres sont déjà louées.

L’identité des deux autres visiteurs, monsieur Logan et monsieur Frank (lui-même sous une fausse moustache : ah, ce déguisement est bien rentabilisé), est bien vite dévoilée, en tout cas aux lecteurs qui les reconnaissent, ce qui n’est pas le cas de Danny.

On apprend alors que Danny s’est rendu à Christ’s Crown après avoir reçu une lettre lui affirmant que les secrets du Ghost Rider lui seront bientôt dévoilés. Il s’avère que les deux autres locataires ont reçu des missives comparables promettant pour l’un d’identifier les meurtriers de sa famille (ce qui éveille ses soupçons puisqu’il sait s’en être déjà occupé) et pour l’autre de lui dévoiler les secrets de son squelette d’adamantium (ce qui semble ne pas le préoccuper). Mais curieux, ils sont tout de même venus.

C’est une histoire de Ghost Rider. Howard Mackie soigne son personnage. De la sorte, Danny Ketch est le seul à s’intéresser sincèrement au mystère proposé. Dans la même logique, le jeune homme n’est pas réellement connu des deux autres héros, qui ne feront pas le rapport (en tout cas pas de manière explicite) entre leur colocataire et le Ghost Rider qui ne manquera pas de surgir. Cela préserve l’identité du jeune héros et cela le place un peu en retrait, un peu à part dans l’intrigue.

Très vite, l’auteur de ces missives apparaît, Blackheart, le fils de Mephisto (que Romita Jr a créé dans Daredevil), et leur fait le coup de la tentation. Son but, avoué (car s’il a bien des défauts, le garçon n’est point menteur), est de les enrôler dans sa guerre contre son père. Mais les héros refusent.

Face à l’obstination des justiciers, Blackheart passe à la vitesse suivante, en hypnotisant la population de la ville, ce qui met la puce à l’oreille du trio, d’autant que la petite Lucy, la fille de leur hôtesse, est présentée comme la seule âme innocente de Christ’s Crown (pensez donc : le reste de la population se livre à des invocations diaboliques, ça pèse sur le karma, ces affaires-là). Pour compliquer l’affaire, il dérobe la bécane infernale de Danny, l’empêchant de se transformer.

Wolverine et le Punisher veulent sauver l’enfant puis libérer les habitants de l’influence qui les contrôle. Danny, quant à lui, cherche un moyen de se transformer en Ghost Rider sans sa moto. Les propos de Blackheart l’amènent à penser que la transformation n’est pas provoquée par un contact avec sa machine, mais peut être déclenchée indépendamment : le pouvoir est en lui.

Je n’ai plus trop la série de Mackie en tête : sa lecture remonte à de longues années, et je ne me rappelle plus l’ordre des péripéties ni l’évolution dans les pouvoirs du héros, mais la relecture de ce prestige format me donne l’impression qu’il constitue une étape dans le parcours de Danny Ketch. En soi, ce récit peut être lu à part, mais constitue semble-t-il un plus pour les lecteurs de la série mensuelle.

Une fois transformé, le Ghost Rider rejoint les deux autres justiciers pour un affrontement musclé face à Blackheart. Le combat se déplace très vite en Enfer, où ils tentent de reprendre la petite Lucy des griffes du démon.

Romita Jr assure comme un beau diable. Les poses stéréotypées et répétitives ne sont pas encore légion, et le dynamisme de ses cases de baston fait plaisir à voir. Il rappelle parfois, par le naturel de certaines anatomies, un Garcia-Lopez, mais aussi John Romita, son propre père, notamment dans la représentation de Wolverine.

Au niveau design, c’est pas toujours ça, les démons dessinés par Romita Jr étant des silhouettes à contour interchangeables, qu’on a déjà vu mille fois dans d’autres de ses productions. Mais il y a une belle énergie dans les planches.

À la fin du récit apparaît Mephisto, dans le design étrange que Romita Jr lui avait déjà donné, et qui n’a pas perduré (mais qui date bien le récit de son époque). Le démon est content de la manière dont l’affaire tourne : son fils est devenu un manipulateur sans pitié, comme il l’espérait. Le mystère de Zarathos, l’entité derrière le Ghost Rider, s’épaissit, Howard Mackie entretenant le suspense autour de son personnage.

Les héros reviennent sur Terre avec la petite Lucy, seule âme innocente rendue à sa mère (et à sa bourgade de satanistes). La morale finale, axée sur la protection des innocents, ne s’encombre ni de pudibonderies ni de scrupules, à l’image des héros de l’époque.

Il existe un deuxième récit assemblant les trois personnages, publié trois ans plus tard, en décembre 1994. Également écrite par Howard Mackie, cette nouvelle aventure est cette fois dessinée par Ron Garney. Je ne l’ai pas, il faudrait que je la trouve, j’aime bien Garney.

Jim

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