1974-2024 : BON ANNIVERSAIRE LE PUNISHER !

Deuxième série régulière après Punisher (et troisième titre après la mini-série de Grant, Zeck et Vosburg), Punisher War Journal est animé par le scénariste Carl Potts pendant deux ans. Ses scénarios sont d’abord illustrés par Jim Lee, dont le départ se fait sentir (Jim Lee réalise quelques autres couvertures, qui accueilleront aussi d’autres images sympathiques, notamment par Adam Kubert).

Avec Punisher War Journal #25, daté de décembre 1990 et orné d’une couverture par Michael Golden, premier épisode qui n’est pas écrit par Potts, un tournant est négocié. En douceur, puisque c’est Mike Baron, qui a présidé au lancement de Punisher et qui connaît bien le personnage, qui reprend l’écriture.

Graphiquement, outre la présence de Golden, c’est l’arrivée du dessinateur Mark Texeira, signant ici « Tex », qu’il faut retenir. Il impose son style énergique, teigneux, presque brouillon parfois, comme si tout était dessiné au premier jet. Si l’illustrateur recourt à la photographie et revêt ses planches d’un vernis réaliste surtout sensible sur les visages, il livre également des planches respirant une forme d’improvisation, tout le temps à la recherche de l’impact visuel. Une tension encore réalisme et caricature qui rend son travail unique.

Texeira n’hésite pas à varier la taille des cases, quitte à déséquilibrer les planches, consacrant des vignettes étroites aux scènes de décor et de localisation, au profit de grandes images où respirent les personnages : cela va à l’encontre de règles intuitives de narration. Pour lui, seuls comptent les personnages, le reste est secondaire, esquissé, torché presque. Un peu comme un romancier qui ferait une description d’une ligne avant de se consacrer aux dialogues.

Tout commence alors que le Punisher descend des policiers corrompus qui émargent en détournant des quantités de drogue. Cependant, l’un des défenseurs de l’ordre est le neveu d’un sénateur qui lance aussitôt une vendetta d’envergure contre le justicier. Détail intéressant, l’identité de Castle se diffuse à ce moment, ce qui sous-entend que l’info avait été étouffée ou effacée entre-temps (rappelons que Castle passe en procès dans Spectacular Spider-Man, par Mantlo et Milgrom, ce qui sous-entend que la correspondance entre le vétéran et le flingueur était avérée et publique depuis longtemps).

La trilogie qui s’étale sur Punisher War Journal #25 à 27 a fait parler d’elle à l’époque. Certains y voyaient une forme d’ironie et de surenchère, d’autres un tournant dans la définition du personnage. Et encore aujourd’hui, beaucoup se souviennent de « The Sicilian Saga ». Dont personnellement j’étais près à parier qu’elle durait plus longtemps, genre six chapitres. Comme quoi…

Obligé de se mettre au vert un moment, Castle part en Sicile, sur les terres de son père. On apprend donc que la famille du justicier, les Castiglione, est d’origine italienne. La voix off nous renseigne, éclairant le fait que les circonstances de la migration du père Castiglione ne sont pas claires, et qu’il a toujours conservé un silence pudique face à son fils. En Italie, alors qu’il crois pouvoir se reposer un peu, Frank retrouve une tombe Castiglione détruite, et renoue avec une vieille dame, Esmeralda, qui connaît l’histoire familiale.

Là, les choses s’accélèrent : les Castiglione étaient rivaux d’une autre famille, les Bessucho, qui a plus ou moins gagné la guerre et règne en partie sur la Sicile. Où qu’il se trouve, le Punisher se fourre dans les ennuis.

Au fil des trois épisodes, on découvre que les Bessucho sont liés au trafic d’armes, qu’ils ont des clients moyen-orientaux, que Microchip, juif de confession, cherche à alimenter des factions libyennes (« Les Libyens ! ») afin d’entretenir la guerre intestine qui ravage l’OLP, que les Bessucho, déjà acoquinés au sénateur revanchard, engagent un mercenaire, le Saracen, et qu’Esmeralda est en couple avec Rocco, le dernier survivant des Castiglione, et donc l’oncle du Punisher !

Mike Baron réserve quelques scènes de dialogue amusantes entre Frank Castle et son Tonton Rocco, qui reproche au jeune impertinent de poser trop de questions.

La troisième partie signe le duel attendu entre le Punisher et le Saracen, à l’occasion d’une baston musclée où, une nouvelle fois, Castle perd sa famille, Rocco et Esmeralda mourant dans un tir de mortier.

Fatalement, bien vénère, le Punisher parvient à réduire l’opération du Saracen à néant et à tuer le sénateur dans un aéroport en se faisant passer pour lui, promettant aux anciens associés quelques règlements de compte bien sentis.

En lisant ces trois épisodes (que j’aimerais bien voir compilés un jour, ne serait-ce que pour le festival visuel de Texeira), je constate les tics d’écriture de Mike Baron, qui me semblent bien mieux fonctionner ici que dans Flash. D’une part, tout va très vite. Les épisodes sont d’une densité incroyable et les événements s’enchaînent à grande vitesse. Ça passe très bien avec un personnage comme le Punisher, entièrement consacré à l’action, qui n’a pas de vie privée et dont la série ne comprend pas beaucoup de personnages secondaires.

D’autre part, il y a une prise directe avec l’actualité. On sent chez le scénariste sa formation de journaliste qui remonte, influençant le contenu. Et d’une certaine manière, je vois en Mike Baron une sorte d’ancêtre de Nick Spencer, lui aussi habitué à des enchaînements de péripéties rapides et surtout des références socio-culturelles.

Après cette saga sicilienne, Tex restera trois autres épisodes, plus oubliables, mais laissera quand même sa marque sur la série.

Jim

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