Il fut un temps où les idées saugrenues étaient réservées à des mondes alternatifs ou à la série What If. Aujourd’hui, c’est la norme, et tout cela se déroule dans les séries réelles, ce qui diminue la force de ces séries anthologies qui présentaient des péripéties lorgnant bigrement vers le fantasme de fanboy, mais il y a trente ou quarante ans, pour de pareilles fadaises, il fallait se réfugier dans les pages de What If. Par exemple, dans le quarante-quatrième numéro de la deuxième série.
Kurt Busiek et Luke McDonnell (qui s’encre lui-même pour un rendu très sympathique) y imaginent que le symbiote, ramené par Spider-Man de la planète du Beyonder, après avoir été arraché à son premier hôte, se précipite dans le clocher d’une église où il se réfugie, attiré par les forts sentiments de haine et de vengeance d’un homme.
Dans « notre » monde, pour reprendre la terminologie du Gardien, cet homme, c’est Eddie Brock, journaliste frustré nourrissant un ressentiment intense envers Peter Parker. Mais dans l’univers qu’il nous est donné d’explorer, l’homme en question, c’est Frank Castle, qui se recueille dans l’église et laisse exploser son chagrin. D’ailleurs, en dépit de ce que le coloriste fait sur la première page concernant la tignasse du personnage Frank croise à la sortie de l’édifice, le lecteur comprend que l’affaire s’est jouée à quelques secondes.
D’ailleurs, les auteurs ne perdent pas de temps non plus. Ils nous montrent un Frank Castle qui apprend très vite à contrôler ses pouvoirs, découvrant que si la texture du symbiote peut générer de la toile, elle peut aussi fabriquer des armes de toutes sortes.
Reconnaissable à son costume noir orné d’une tête de mort, le Punisher, même sous cette nouvelle apparence, attire l’attention de ses ennemis, qui le reconnaissent, et de ses alliés, qui s’inquiètent plus que jamais. Ainsi, Daredevil remarque, grâce à ses sens développés, que quelque chose ne tourne pas rond.
Fatalement, la confrontation avec Spider-Man arrive bien vite, le justicier triomphant du héros sans trop de souci, la violence du flingueur étant démultipliée par celle du symbiote. Le périple de Spidey est l’occasion pour les auteurs de faire le tour de l’univers Marvel de l’époque, avec des Fantastiques différents (c’est la période Englehart).
Même Microchip et son fils s’inquiètent, affirmant à Frank Castle qu’il ne contrôle plus son symbiote. Le justicier est dans le déni, mais la répétition, dans la voix off, de son obsession de contrôle prouve bien qu’il commence à perdre pied.
L’histoire prend un tournant fatidique quand le Punisher s’en prend au Kingpin, défendu par Typhoid Mary et Daredevil, qui passait par là et a vu de la lumière… ou plutôt entendu les cris et les fusillades. Le Punisher parvient à leur échapper après avoir tué le Caïd du Crime.
L’histoire se résout sur le clocher de l’église où tout a commencé. Pris à partie par Spider-Man (qui retrouve son beau costume bicolore), Daredevil et Moon Knight, le Punisher, dominé par Venom, tente de les empêcher d’utiliser les cloches afin de séparer l’entité. Mais Spidey, grâce à une machine fournie par les Fantastiques, détache en partie Venom de Castle.
Commence alors un combat mental opposant Castle à Venom, dans une scène onirique et symbolique renvoyant directement à l’expérience militaire de Frank. C’est contre ses démons intérieurs qu’il lutte à ce moment.
L’histoire se conclut alors qu’il a repris le contrôle du symbiote. Les autres héros sont obligés de le croire sur parole. Quant au Gardien, il se demande si désormais Venom est devenu un instrument de justice… ou bien de vengeance ?
Jim