Alors je n’ai pas tout la chronologie du Punisher en tête, mais je pense que la suite est à trouver directement dans Spectacular Spider-Man #81 à 83. Des épisodes qui m’avaient marqué quand je les ai lus dans Nova à l’époque.
Chronologiquement, le truc qui ne colle pas, c’est le diptyque publié dans Daredevil #183-184, le fameux « Child’s Play / Jeu d’enfants ». Cependant, ce récit était prévu au départ bien des années plus tôt, et avait été annulé car la Comics Code Authority n’avait pas donné son aval. De la sorte, le récit se déroulait à l’origine avant l’arrestation du Punisher.
Quand le récit est enfin approuvé, Roger McKenzie a depuis longtemps quitté la série. Miller reprend ses pages, bidouille quelques cases et reconstruit un épisode nouveau (auquel il rajoute des pages : les comics sont passés entre-temps de 17 à 22 planches, autant de raisons qui font que le récit sur la drogue s’agrémente de considération sur la vie sentimentale de Matt, qui demande Heather en mariage.
C’est sans doute ce décalage de continuité (à savoir : un Punisher libre d’agir alors qu’il a été arrêté dans Amazing Spider-Man Annual #15) qui conduit Miller, sous la houlette de Denny O’Neil qui n’est plus son scénariste mais son responsable éditorial, à blesser le Punisher à la fin du deuxième volet (qui constitue la grande partie inédite du récit). Ainsi, cela justifie le fait que le justicier soit détenu, en tout cas, ça raccroche globalement les wagons.
Donc, le Punisher est arrêté, parce qu’il refuse de tirer sur un policier. Il estime être dans le même camp que la police. Et c’est en prison que nous le retrouvons dans Spectacular Spider-Man #81. C’est Mantlo qui rédige la série à l’époque, pour une très chouette prestation où il rend hommage à Ditko à plusieurs reprises, notamment avec Ed Hannigan, et où il construit toute une intrigue trépidante de guerre des gangs opposant Doctor Octopus au Owl. Et au milieu, Black Cat qui, blessé, mobilise l’attention de Parker, ce qui rapproche les deux héros : un couple qui rappelle plus que jamais Batman et Catwoman, dans la lignée de ce qu’avait posé Marv Wolfman avant son départ, dans Amazing Spider-Man.
Après sa page d’introduction qu’on a évoquée un peu plus haut, Spectacular Spider-Man #81 s’ouvre sur une scène d’introduction détaillant l’évasion de Boomerang avec un co-détenu que l’on identifie tout de suite comme étant le Punisher.
Mais c’est le Punisher qui s’évade seul, laissant son associé de fortune aux bons soins de l’administration pénitentiaire. En partant, il exprime la nature de sa mission : liquider le Kingpin.
L’épisode se consacre à la santé de Felicia Hardy, aux introspections de Spidey (ce qui vaut quelques cases permettant de faire le lien avec Amazing, alors dominé par la figure de Roger Stern) et aux actions de Cloak & Dagger, qui envisagent de remonter la filière de la drogue, ce qui les dirige eux aussi vers le Kingpin. La dernière page nous rappelle que le Punisher est en maraude, et nous montre qu’il a récupéré son costume et son arsenal.
Le justicier figure en couverture de Spectacular Spider-Man #82, et occupe les premières planches. Il comprend que Frank Castle commence à perdre la raison, tirant sur à peu près n’importe qui pour peu que la personne ait un comportement répréhensible à ses yeux (à la manière d’un Robocop mal programmé, mais quelques années avant) : un mari violent, un taxi fraudeur, un passant qui jette son journal à côté de la poubelle… Visiblement, ce monsieur n’est pas bien dans sa tête.
Notons qu’Al Milgrom, qui représente une ville sous la pluie (avec un encrage chargé de Jim Mooney qui correspond à merveille à l’ambiance noire et à la dépression qui guette le justicier) s’en donne à cœur-joie et semble particulièrement inspiré par la représentation de la psychose naissante. Des pages qui, me semble-t-il, ont été coupées dans Nova, cet épisode étant fusionné avec le précédent dans la version française.
Comme dans le Cercle Rouge, les protagonistes suivent un chemin fatidique et finissent par se retrouver chez Wilson Fisk, qui n’avait pourtant pas prévu de fiesta.
Mais le Caïd du Crime a de la ressource, et il affronte seul le justicier. Mantlo et Milgrom n’oublie pas que sous ses allures de bibendum, Wilson Fisk est un combattant aguerri qui ne recule ni devant Spider-Man ni devant Daredevil. Si la représentation que Milgrom en donne renvoie à la version Romita, la caractérisation est celle définie par Frank Miller.
Et quand on prend en otage son épouse Vanessa, on prend des risques. Faut pas chercher Pépère.
À la fin de l’épisode (purée, qu’est-ce qu’on en racontait comme choses, en vingt-deux pages, à l’époque), Spidey, Cloak & Dagger trouvent un Punisher inconscient sur le tapis du Kingpin.
Le troisième volet de cette informelle trilogie est dessiné par Greg Larocque, toujours sous l’encrage de Jim Mooney. Le Punisher est arrêté et passe en justice.
L’épisode se consacre surtout aux rapports entre Peter et Felicia (qui se remet de ses blessures après avoir été prise entre deux feux lors de la guerre entre Octopus et Owl), mais le dernier tiers du chapitre est dédié à Frank Castle, dont Ben Urich fait un résumé rapide.
La caractérisation de Jonah Jameson à cette occasion est intéressante : lui qui n’a jamais aimé les justiciers s’intéresse de près à cette affaire. Il désapprouve les méthodes du Punisher et saisit l’occasion pour justifier sa campagne perpétuelle contre Spider-Man, ce qui ne manque pas de secouer Peter, qui n’avait jamais songé que lui aussi pourrait craquer.
La fin de l’épisode se consacre au procès proprement dit. Bill Mantlo était juriste, en plus d’être scénariste. Plus précisément, il suivait des études de droits durant les années 1980 et venait d’être diplômé quand il a eu un accident qui a mis un frein à sa carrière. Nul doute qu’une telle séquence retranscrit sa passion pour la loi et témoigne de sa connaissance des mécanismes à l’œuvre lors d’un procès.
Le réquisitoire du procureur Tower (dont les cheveux sont blancs dans le comic, au lieu d’être blonds) demande un jugement et une condamnation à la prison. L’avocate de la défense, quant à elle, plaide la démence afin de faire interner son client dans un asile.
Mais Frank Castle refuse de reconnaître qu’il est fou. Il explose en pleine cour, affirmant que le système ne fonctionne pas et que les criminels continuent à circuler tandis que les citoyens honnêtes doivent se terrer chez eux ou bien mourir, comme sa famille.
Mais le justicier finit par craquer et par s’effondrer. Quand j’ai lu le récit (dans Nova #80 et 81, en 1984, donc largement avant la version de Grant et Zeck), j’ai vécu ça comme une sorte de fin honorable du personnage, de conclusion logique, comme si l’idée avait été poussée à bout (d’autant que les coupures imposées par Lug rendait ce craquage final encore plus saisissant et surprenant). Et effectivement, c’est la fin d’un cycle qui avait été entamé par Conway. Le prochain chapitre dans la carrière du personnage, si je ne me trompe pas, ce sera trois ans plus tard la mini-série de Grant et Zeck, qui retrouve Frank Castle en prison. Et qui contribuera fortement à relancer sa popularité.
Jim