1974-2024 : BON ANNIVERSAIRE LE PUNISHER !

J’ai pas ce genre de souvenirs de Miller. Je ne sais pas pourquoi ça fait ça, là.

J’ai ressorti mes deux éditions, à savoir le TPB Sensational Spider-Man de 1988 et The Complete Frank Miller Spider-Man de 2002.


Deux choses les distinguent : les couleurs (le vieux TPB reprend les couleurs à trames d’époque : perso, j’adore, c’est tellement « roots ») et le format (la grosse intégrale est plus grande).
Effectivement, Miller utilise des cases où les personnages s’agitent soit dans le noir total (ce qu’il a fait bien souvent dans Daredevil) soit sur un fond blanc recouvert, au stade des couleurs, par un aplat uniforme. Alors avec le format de base et les couleurs d’origine, les trames remplissent bien. Sur le format plus grand, avec des couleurs retravaillées à la trame pas visible, c’est peut-être un peu plus frappant. Mais rien qui ne me semble vraiment différent de ce qu’il fait d’ordinaire (cela dit, je n’ai pas rouvert mes Daredevil pour comparaison).

Et puisqu’on parle de cet Annual, on notera que le What If #58, dans lequel Dixon et Purcell explorent un monde où le Punisher tue Spider-Man, ils font références aux manchettes dessinées par Miller :

Bien entendu, chronologiquement, ça ne colle pas : cette une du Daily Bugle est parue bien longtemps après l’affaire du Jackal, mais le clin d’œil est sympathique.

Jim

Et des références, comme le rappelle Marko :

Jim

J’ai donc relu ce Wolverine / Punisher : le sanctuaire du mal, que j’ai en VF depuis longtemps mais dont une seule péripétie me revenait à la mémoire : la recherche de la terre mythique d’Erewhon.

Le principe est simple : le Punisher est à la recherche d’un génie du braquage, surnommé Napoléon. Il détruit son réseau et le traque personnellement (ce qui occasionne quelques scènes amusantes où l’humour noir des dialogues est bien retranscrit par la science de la narration que maîtrise Lee Weeks).

Le premier épisode est entièrement consacré à l’activité du Punisher qui traque d’abord le Napoléon des voleur puis un autre individu jusqu’à l’arrivée de Wolverine qui, de son côté, cherche le même homme afin de le ramener à la justice (sans plus d’informations.

Bien sûr, bagarre, action, engueulade, jusqu’à ce que les deux justiciers fassent la paix. C’est amené avec un certain décalage : ils se calment parce qu’ils sont fatigués et que leur proie vient de se barrer. Il y a dans la construction comme une sorte de commentaire implicite des rencontres entre héros. C’est pas flagrant, Milligan reste dans le suggestif, mais on sent qu’il s’amuse avec les codes et que le vrai sujet est ailleurs.

Et quel est-il, ce vrai sujet ? Plutôt un commentaire sur la société. Car Erewhon est un ville au milieu de nulle part (« Erewhon », c’est presque « Nowhere » à l’envers) habitée par des bandits ayant payé le droit de vivre en paix loin des emmerdements et de la justice. Mais rapidement, l’endroit prend les allures de colonie pénitentiaire ayant édicté sa propre loi. On parle, dans cette mini-série de règles, de politique, de foi, de religion, bref, d’un système social qui tente de se pérenniser, de se reproduire. On y parle également de sacrifice, de ces morts qui calment le peuple et assurent la paix sociale.

Pour explorer ce monde, la figure d’un petit comptable insignifiant est convoquée, personnage intéressant et véhicule d’humour, mais qui permet aussi de mettre en action les ressorts sous-tendant la société.


Et pour enfoncer le clou, Milligan convoque le spectre du nazisme, comme pour nous signifier que le régime hitlérien a fait des petits : peut-être pas seulement dans des républiques bananières d’Amérique du Sud, mais peut-être aussi un peu partout. Comme pour nous dire que, finalement : « les Nazis ont gagné ». Et que tout système politique vit au dépend de ses administrés, et que le pouvoir appartient à celui qui en connaît les rouages, ces derniers reposant sur la peur.

La parabole politique frappe dure, cogne assez juste, à mes yeux, avec ce qu’il faut de satire et d’outrance. L’absurde est d’autant mis en évidence que les eux héros, à la fin, s’en vont, sans réellement avoir résolu quoi que ce soit, laissant cette société à ses tracas internes. Plus ramassé, par exemple sous la forme d’un prestige format ou d’un gros graphic novel, ça aurait peut-être été plus efficace. Là, c’est un peu long, seul reproche. Reste le dessin formidable de Lee Weeks, bien encré par Tom Palmer, qui rend l’ensemble agréable à suivre.

Jim

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Illustration du Punisher, par Greg Larocque, avec des textes de Roger Stern, parue dans Amazing Spider-Man Annual #15, 1981 :


(Une page avant, on trouve, dans la même rubrique et par les mêmes auteurs, la « fiche » du Jackal, associé à la première apparition du personnage : )

Jim

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Le site Marvel of the 1980s rapporte avoir trouvé dans un Marvel Age (sans préciser lequel) ce qu’ils estiment être un dessin préliminaire de couverture pour Peter Parker The Spectacular Spider-Man #80, crédité soit à Ed Hannigan (habitué des couvertures et précédent dessinateur de la série) soit à Al Milgrom :

Cela dit, on sait que la couverture publiée, c’est ça (évacuant la présence du Punisher, trop inquiétante ?) :

Quand on y regarde de plus près, on voit que la première page de cet épisode, dessinée par Al Milgrom et encrée par Jim Mooney, est composée précisément de la manière indiquée :

Qu’en conclure ?
Que la couverture a été refusée au profit d’une autre ? Mais que son design n’a pas été abandonné pour autant et qu’elle a été intégrée à la pagination en guise de page d’introduction ?
L’épisode compte une autre pleine page, opposant Spidey à Cloak & Dagger (les petits chouchous de Mantlo qu’il soigne particulièrement dans cette série), aisément dispensable : le script était-il trop court ?

Jim

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Ah oui. J’ai oublié de le préciser.

Alors je n’ai pas tout la chronologie du Punisher en tête, mais je pense que la suite est à trouver directement dans Spectacular Spider-Man #81 à 83. Des épisodes qui m’avaient marqué quand je les ai lus dans Nova à l’époque.

Chronologiquement, le truc qui ne colle pas, c’est le diptyque publié dans Daredevil #183-184, le fameux « Child’s Play / Jeu d’enfants ». Cependant, ce récit était prévu au départ bien des années plus tôt, et avait été annulé car la Comics Code Authority n’avait pas donné son aval. De la sorte, le récit se déroulait à l’origine avant l’arrestation du Punisher.

Quand le récit est enfin approuvé, Roger McKenzie a depuis longtemps quitté la série. Miller reprend ses pages, bidouille quelques cases et reconstruit un épisode nouveau (auquel il rajoute des pages : les comics sont passés entre-temps de 17 à 22 planches, autant de raisons qui font que le récit sur la drogue s’agrémente de considération sur la vie sentimentale de Matt, qui demande Heather en mariage.

C’est sans doute ce décalage de continuité (à savoir : un Punisher libre d’agir alors qu’il a été arrêté dans Amazing Spider-Man Annual #15) qui conduit Miller, sous la houlette de Denny O’Neil qui n’est plus son scénariste mais son responsable éditorial, à blesser le Punisher à la fin du deuxième volet (qui constitue la grande partie inédite du récit). Ainsi, cela justifie le fait que le justicier soit détenu, en tout cas, ça raccroche globalement les wagons.

Donc, le Punisher est arrêté, parce qu’il refuse de tirer sur un policier. Il estime être dans le même camp que la police. Et c’est en prison que nous le retrouvons dans Spectacular Spider-Man #81. C’est Mantlo qui rédige la série à l’époque, pour une très chouette prestation où il rend hommage à Ditko à plusieurs reprises, notamment avec Ed Hannigan, et où il construit toute une intrigue trépidante de guerre des gangs opposant Doctor Octopus au Owl. Et au milieu, Black Cat qui, blessé, mobilise l’attention de Parker, ce qui rapproche les deux héros : un couple qui rappelle plus que jamais Batman et Catwoman, dans la lignée de ce qu’avait posé Marv Wolfman avant son départ, dans Amazing Spider-Man.

Après sa page d’introduction qu’on a évoquée un peu plus haut, Spectacular Spider-Man #81 s’ouvre sur une scène d’introduction détaillant l’évasion de Boomerang avec un co-détenu que l’on identifie tout de suite comme étant le Punisher.

Mais c’est le Punisher qui s’évade seul, laissant son associé de fortune aux bons soins de l’administration pénitentiaire. En partant, il exprime la nature de sa mission : liquider le Kingpin.

L’épisode se consacre à la santé de Felicia Hardy, aux introspections de Spidey (ce qui vaut quelques cases permettant de faire le lien avec Amazing, alors dominé par la figure de Roger Stern) et aux actions de Cloak & Dagger, qui envisagent de remonter la filière de la drogue, ce qui les dirige eux aussi vers le Kingpin. La dernière page nous rappelle que le Punisher est en maraude, et nous montre qu’il a récupéré son costume et son arsenal.

Le justicier figure en couverture de Spectacular Spider-Man #82, et occupe les premières planches. Il comprend que Frank Castle commence à perdre la raison, tirant sur à peu près n’importe qui pour peu que la personne ait un comportement répréhensible à ses yeux (à la manière d’un Robocop mal programmé, mais quelques années avant) : un mari violent, un taxi fraudeur, un passant qui jette son journal à côté de la poubelle… Visiblement, ce monsieur n’est pas bien dans sa tête.

Notons qu’Al Milgrom, qui représente une ville sous la pluie (avec un encrage chargé de Jim Mooney qui correspond à merveille à l’ambiance noire et à la dépression qui guette le justicier) s’en donne à cœur-joie et semble particulièrement inspiré par la représentation de la psychose naissante. Des pages qui, me semble-t-il, ont été coupées dans Nova, cet épisode étant fusionné avec le précédent dans la version française.

Comme dans le Cercle Rouge, les protagonistes suivent un chemin fatidique et finissent par se retrouver chez Wilson Fisk, qui n’avait pourtant pas prévu de fiesta.

Mais le Caïd du Crime a de la ressource, et il affronte seul le justicier. Mantlo et Milgrom n’oublie pas que sous ses allures de bibendum, Wilson Fisk est un combattant aguerri qui ne recule ni devant Spider-Man ni devant Daredevil. Si la représentation que Milgrom en donne renvoie à la version Romita, la caractérisation est celle définie par Frank Miller.

Et quand on prend en otage son épouse Vanessa, on prend des risques. Faut pas chercher Pépère.

À la fin de l’épisode (purée, qu’est-ce qu’on en racontait comme choses, en vingt-deux pages, à l’époque), Spidey, Cloak & Dagger trouvent un Punisher inconscient sur le tapis du Kingpin.

Le troisième volet de cette informelle trilogie est dessiné par Greg Larocque, toujours sous l’encrage de Jim Mooney. Le Punisher est arrêté et passe en justice.


L’épisode se consacre surtout aux rapports entre Peter et Felicia (qui se remet de ses blessures après avoir été prise entre deux feux lors de la guerre entre Octopus et Owl), mais le dernier tiers du chapitre est dédié à Frank Castle, dont Ben Urich fait un résumé rapide.

La caractérisation de Jonah Jameson à cette occasion est intéressante : lui qui n’a jamais aimé les justiciers s’intéresse de près à cette affaire. Il désapprouve les méthodes du Punisher et saisit l’occasion pour justifier sa campagne perpétuelle contre Spider-Man, ce qui ne manque pas de secouer Peter, qui n’avait jamais songé que lui aussi pourrait craquer.

La fin de l’épisode se consacre au procès proprement dit. Bill Mantlo était juriste, en plus d’être scénariste. Plus précisément, il suivait des études de droits durant les années 1980 et venait d’être diplômé quand il a eu un accident qui a mis un frein à sa carrière. Nul doute qu’une telle séquence retranscrit sa passion pour la loi et témoigne de sa connaissance des mécanismes à l’œuvre lors d’un procès.

Le réquisitoire du procureur Tower (dont les cheveux sont blancs dans le comic, au lieu d’être blonds) demande un jugement et une condamnation à la prison. L’avocate de la défense, quant à elle, plaide la démence afin de faire interner son client dans un asile.

Mais Frank Castle refuse de reconnaître qu’il est fou. Il explose en pleine cour, affirmant que le système ne fonctionne pas et que les criminels continuent à circuler tandis que les citoyens honnêtes doivent se terrer chez eux ou bien mourir, comme sa famille.

Mais le justicier finit par craquer et par s’effondrer. Quand j’ai lu le récit (dans Nova #80 et 81, en 1984, donc largement avant la version de Grant et Zeck), j’ai vécu ça comme une sorte de fin honorable du personnage, de conclusion logique, comme si l’idée avait été poussée à bout (d’autant que les coupures imposées par Lug rendait ce craquage final encore plus saisissant et surprenant). Et effectivement, c’est la fin d’un cycle qui avait été entamé par Conway. Le prochain chapitre dans la carrière du personnage, si je ne me trompe pas, ce sera trois ans plus tard la mini-série de Grant et Zeck, qui retrouve Frank Castle en prison. Et qui contribuera fortement à relancer sa popularité.

Jim

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Alors, le Pupu se libère à la fin du DD 182.

C’est aussi comme ça que je le comprends (oui, j’en parle dans la semaine, de diptyque et demi)

C’est quand même plus beau sur les anciennes pages, avec du papier mat. Le glaçage, ça ne réussit pas.

Ah oui, tu as raison : j’avais oublié la scène avec Turk et Grotto, je ne songeais qu’à celle à où il attaque un fourgon de drogue.
Merci.

Et la trame : ça donne de la matière, même si c’est pas fait pour ça.
Mais je suis d’accord : c’est ce que j’évoquais au sujet des deux éditions d’Amazing Spider-Man Annual que j’ai ressorties. Les couleurs d’époque et aussi le format d’origine ne mettent pas trop en évidence les cases parfois rapides.

Jim

Evidemment !

J’ai l’impression que le plastique, c’est pas fantastique pour les trames.

Alors en fait, sur un papier bien blanc, j’aime bien les trames. Elles se voient mieux, ça peut en décontenancer certains, y a pas d’effets de moirage, de flou, de dégradé qu’on peut trouver sur les mauvaises impressions d’époque. Par exemple, j’ai racheté les trois tomes de « La Mort du Chasseur », chez Comics USA, parce qu’ils ont les couleurs d’origine. Et sur le chouette papier qu’ils avaient, ça rend pas mal.
Mais désormais, les couleurs sont bien souvent refaites. Avec fidélité, la plupart du temps, et talent, bien souvent. Mais ces couleurs sont vraiment nettes, ce ne sont pas des trames, parce que l’exigence de l’impression est plus grande (enfin si, ce sont des trames, mais tellement serrées que ça ne se voit pas…). Et c’est à mon sens à ce niveau que ça se joue : les couleurs d’époque étaient criardes et simples parce que l’impression était médiocre. Aujourd’hui, la simplicité des palettes peut laisser apparaître d’autres défauts ou particularités, comme justement l’absence de décors (ou le fait que les couleurs soient des aplats, sans relief ni dégradé ni modelé…). La collision entre des méthodes liés à la piètre impression et un papier désormais soigné, ça crée un contraste qui change la perception.

Jim

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Dans l’ordre de publication (Castle fait effectivement profil bas entre Mantlo & Zeck) :

Merci.

Jim

Oui grant explique le comportement du punisher dans spectacular par le fait d avoir ete drogué a son insu

C’était une époque où les auteurs et leurs responsables éditoriaux faisaient l’effort de rendre cohérents les passages d’une histoire à l’autre.
On a oublié cette sensation…

Jim

Surtout que la mini punisher c est un projet qui date dans l esprit de grant
et assassin s guid pareil date du moment ou la mini est greenlighté

C’est le truc qui est toujours saisissant dans le monde de l’édition : le temps élastique derrière l’existence des bouquins.

Jim

virenque

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Je vais laisser Soyouz revenir sur le contenu de Daredevil #183-184, mais je vais me permettre de faire le point sur les coulisses ayant mené à la création de ce diptyque.

D’après plusieurs sources, le récit devait à la base figurer dans Daredevil #167-168. La série est à l’époque bimestrielle. Denny O’Neil vient de rejoindre la supervision éditoriale, travaillant en commun avec Jo Duffy sur l’épisode 163 (celui avec Hulk, daté de mars 1980) et opérant en solo à partir du 164 (celui où Urich a la confirmation de l’identité du héros, daté de mai 1980), dont la couverture, qui évoque le passé de Daredevil, est encré par Wally Wood, l’un de ses derniers travaux.

Le dernier numéro écrit par Roger McKenzie est le #166, celui du mariage de Foggy, pour lequel Miller est crédité pour avoir participé à l’intrigue. C’est donc dans les deux épisodes suivants que l’équipe projette de publier le récit consacré à la drogue. Un sujet qui tient à cœur le responsable éditorial, qui l’a déjà abordé dans les légendaires épisodes de Green Lantern / Green Arrow, une petite décennie plus tôt. Donc on peut imaginer que McKenzie et O’Neil soient sur la même longueur d’ondes à ce propos, et qu’il n’y ait pas de tensions entre les deux.

Mais justement, selon les différents témoignages, la Comics Code Authority rejette l’épisode. L’histoire est annulée et remisée dans un placard. En remplacement, Daredevil #167, daté de novembre 1980, contient un récit assez émouvant sur la perte d’identité administrative écrit par David Michelinie et également illustré par Frank Miller : le rythme bimestriel de la série lui a sans doute permis de trouver le temps de dessiner son propre fill-in.

Sachant que l’épisode contient une back-up, on peut même penser que le scénario avait été rédigé à une époque où les épisodes faisaient dix-sept pages et traînait dans les tiroirs d’O’Neil, la back-up sur les pouvoirs du héros servant à obtenir la pagination nécessaire.

Quant à l’épisode 168, daté de janvier 1981, il est passé à la postérité pour être celui qui marque les débuts de Frank Miller en tant que scénariste et l’arrivée d’Elektra dans le petit monde de Daredevil.

Mais ces deux épisodes n’étaient pas prévus. Le résultat du refus de la Comics Code Authority, c’est aussi le départ de McKenzie. Avait-il prévu de quitter la série sur un dernier diptyque marquant ? Ou bien cet énième obstacle a-t-il eu raison de sa patience ? Ou modifié ses relations avec l’éditorial ? J’imagine qu’un Marko ou un Mallrat sauront nous en dire plus.

Daredevil passe mensuel avec son numéro 170 de mai 1981. C’est l’arrivée du Kingpin dans la série. C’est aussi le moment où Miller n’est plus en mesure de mener deux séries de front, ce qui annule son projet de reprise de Doctor Strange avec Roger Stern (qui ont aussi songé à lancer une série Nick Fury). Le dessinateur est donc soumis aux impératifs de la périodicité mensuelle, d’autant que la pagination est passée de dix-sept à vingt-deux pages avec son premier épisode. La moindre occasion de gagner du temps sera saisie.

Et celle-ci se présente quand O’Neil, opiniâtre, parvient à faire passer le récit sur la drogue et à obtenir le sceau du Comics Code. Le diptyque prévu sera publié dans Daredevil #183-184, datés de juin et juillet 1982, soit plus d’un an et demi après la date prévue à l’origine. Sur la couverture du premier volet, il est écrit « Again… the Punisher! », or il s’agit là de la première rencontre entre le justicier expéditif et le héros aveugle, même si le premier commence à être connu. Plusieurs points devront être réglé. En premier lieu, la pagination. Quand le récit a été mis en chantier, les comics Marvel ne comptaient que dix-sept pages, base sur laquelle McKenzie a travaillé. Il faut donc que Miller réalise plusieurs pages complémentaires afin d’arriver à la pagination voulue (les cinq dernières planches sont assurément nouvelles : sur celles du début, c’est plus difficile à déterminer). Ces pages seront consacrées à des intrigues en cours, y compris les relations entre Matt et Heather. Mais le dessinateur, qui sort d’un épisode double avec Daredevil #181 et la mort d’Elektra, peut profiter de ce recyclage pour souffler un peu.

Les pages les plus anciennes sont reconnaissables au fait qu’elles sont plus denses, qu’elles contiennent plus de cases et que le découpage est plus sobre. Certains tics graphiques sont associables à une « première manière » : le costume de Daredevil est plus sombre, plus chargé d’encre, et Miller ressort le « déguisement à casquette » qu’il avait déjà utilisé dans ses premiers épisodes.

Les différents remontages amènent l’équipe à sacrifier des planches. Ainsi, la dernière page de ce qui aurait dû être Daredevil #167 à l’époque (et qui n’apparaît même pas dans les Frank Miller Visionaries que j’ai, par exemple) est supprimée, même si certains éléments seront remontés dans de nouvelles planches, ou carrément redessinés quand la méthode « je découpe et je colle » ne suffit plus.

L’autre souci, c’est le Punisher. Prévu dès l’origine du projet, il doit apparaître. Mais, on l’a vu plus haut, il est en prison depuis la fin d’Amazing Spider-Man Annual #15. Or, comme le fait remarquer Soyouz :

En effet, dans l’épisode précédent, alors que Matt se morfond après le décès d’Elektra, Miller consacre trois scènes à Frank Castle. La première est une discussion en prison.

La seconde est une séquence d’évasion en ombres chinoises, où les maladroits Turk et Grotto font les frais de la ruse du Punisher.

La troisième montre le justicier, ayant récupéré ses armes et son costume, intercepte un convoi de drogue, ce qui prépare à la confrontation à venir.

De cette manière, O’Neil et Miller peuvent justifier la présence du Punisher dans l’intrigue sans contredire la continuité. Cela signifie aussi que l’approbation est arrivée entre-temps, sinon ils ne se risqueraient pas à mettre en chantier un tel sujet. Sans doute le responsable éditorial a-t-il travaillé en coulisse (les remerciements à Ed Pollock et Ken Dias de Phoenix House, une organisation fondée en 1967 et permettant la désintoxication, semble l’attester) pour que, enfin, l’histoire voie le jour.

Le reste, à savoir le contenu, Soyouz nous en parlera avec le talent qui caractérise ses « reviews ». Quoi qu’il en soit, le diptyque aura marqué les esprits, non seulement à cause de son histoire éditoriale, mais aussi par la portée de son récit. Un tournant dans les rapports avec la Comics Code Authority, mais aussi pour les personnages.

Jim

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