À force de grenouiller sur la toile à chercher des infos sur le Punisher, je découvre que le personnage a donné lieu à une déclinaison futuriste… au XXXIe siècle, celui des Gardiens de la Galaxie. Plus précisément dans la série de Jim Valentino.
Pour rappel, les « premiers » Gardiens de la Galaxie sont apparus à la toute fin des années 1960. Il s’agit d’un groupe composé d’humains venus des différentes colonies installées dans le système solaire, raison pour laquelle ils ont tous une allure différente. Ils luttent d’abord contre les Badoons, qui ont conquis la Terre dans leur époque, puis contre diverses formes d’oppression, se posant en « libérateurs » dans tout l’espace connu. Ils ont connu une première vague d’aventures dans les années 1970, avant d’apparaître sporadiquement dans Avengers, Marvel Team-Up ou Marvel Two-in-One. Jim Valentino les ressort de la naphtaline en 1990 à l’occasion d’une nouvelle série reprenant là où la précédente s’était arrêtée.
Dans Guardians of the Galaxy #17, daté d’octobre 1991, les héros sortent d’un combat contre Malevolence (une méchante aux allures hésitant entre Mephisto et Wolverine). Aleta, la moitié de Starhawk, a disparu, le groupe est tendu et Vance Astro semble psychologiquement affaibli.
En route vers la Terre, berceau de l’humanité qu’à ce titre les Gardiens considèrent comme leur foyer même s’ils ne sont pas nés là (à l’exception de Vance Astro, transfuge du « présent »), les héros reçoivent des images de la Terre, qu’ils retrouvent en ruines. Ils ne comprennent pas bien : ils ont laissé la planète débarrassée des Badoons et en pleine reconstruction. Qu’a-t-il pu se passer ? Une fois téléportés sur Terre, ils se trouvent confrontés aux Commandeers, un groupe surarmé contre qui ils luttent jusqu’à ce que l’une d’eux les reconnaissent.
Cette femme, c’est Tarin, qu’ils ont croisée dans Marvel Two-in-One #4 et 5. C’est intéressant de voir comment un personnage féminin créé par Steve Gerber dans les années 1970 est redéfini par Jim Valentino dans les années 1990 : les cheveux courts, elle a pris les armes et la tête de la résistance. C’est elle qui leur explique ce qui se passe. Une fois la paix revenue, la génération qui a connu la guerre se lance dans la reconstruction mais également se repose et s’adonne à quelques divertissements… dont une forme révolutionnaire de télévision immersive, qui rend les citoyens complètement addicts. Ils passent leur vie devant l’écran, oubliant tout le reste et finissant par mourir. Les grandes villes sont alors livrées à la jeunesse qui s’organise autour de gangs. L’un de ces gangs, c’est celui des Punishers. Au pluriel.
La consultation de cette série, dont je ne connais, somme toute, que les débuts, via un TPB, est intéressante. D’une part dans sa construction : chaque épisode est lardé de subplots divers faisant avancer les différentes sous-intrigues alors en cours. En l’occurrence : Martinex qui quitte le groupe afin de réfléchir à une formule élargie et à accroître l’impact de l’équipe ; Malevolence et son prochain plan ; Aleta et Skatar dans le monde désincarné où ils se trouvent désormais. Bref, une écriture à l’ancienne, très dynamique et qui incite à tourner les pages (ce qui n’est pas plus mal : s’arrêter sur les dessins de Valentino est risqué).
À ce classicisme formel s’associe une autre particularité de la série. Via ses personnages, Valentino mène une réflexion sur l’action des héros, sa pertinence et ses effets. Par exemple, Martinex s’interroge sur l’efficacité d’une petite équipe comme la leur, qui ne peut pas être partout ni, donc, assurer une « libération » sur le long terme, point de départ de son voyage dans l’espace à la recherche d’autres membres. Dans cette quête, il revient sur la planète Courg, que les héros ont libérée quelques épisodes plus tôt, pour découvrir que les Starks morts, que Firelord a laissés là-bas, ont empoisonné en pourrissant les populations locales, réduisant à néant les efforts des héros. On trouve à cette occasion une réflexion sur les pouvoirs et les responsabilités, et surtout sur l’ingérence et l’interventionnisme propre au genre super-héroïque, qui fait écho à la saga de Vision dans les Avengers de Roger Stern ou à la période australienne des X-Men de Chris Claremont. Nous sommes en 1991 et c’est déjà annonciateurs de nombreuses séries, à l’image des X-Force de Liefeld puis Nicieza, des StormWatch chez WildStorm, d’Authority, des Avengers de Busiek et de tant d’autres.
L’intrigue en cours, avec le gang des Punishers dans une Terre dévastée, procède un peu de la même logique. Est renvoyé à la face des Gardiens le fait qu’ils sont repartis dans l’espace après la victoire, laissant la planète sans protection, sans surveillance, sans guide. Le scénario de Valentino démontrera que l’affaire n’avait pas été réglée totalement.
Pour l’heure, l’auteur déroule un grand nombre de péripéties. Vance Astro est touché, son armure est percée et sa vie est en danger. Une figure féline, nouveau personnage dénommé Talon, s’occupe aussitôt d’appeler du secours, et s’adresse au Sorcier Suprême de l’époque, qui s’avère un certain Krugarr (déjà aperçu dans Guardians of the Galaxy Annual #1, que je n’ai pas lu mais je sens que ma curiosité ne va pas me laisser tranquille de si tôt).
Dans la troisième partie de cette saga, les Gardiens découvrent le Bronx, une cité souterraine où se trouve peut-être l’usine à télévision addictive. La question, dans les rangs des héros, se pose : même s’ils parviennent à détruire cette installation, il faudra donc le faire sur toute la planète. Le rapport entre causes et conséquences fait écho à la réflexion de Martinex.
L’urgence d’une action définitive est d’autant plus palpable que les Punishers, selon l’une des membres des Commandeers, semblent agir depuis longtemps afin d’empêcher toute forme d’enquête. Le gang serait-il lié aux responsables derrière la maléfique télévision ?
Pendant que les héros chargent, Vance Astro est veillé par un certain Hollywood, un colosse appartenant aux Commandeers. Il rencontre Krugarr, le Sorcier Suprême du XXXIe siècle, et reconnaît, dans le fantôme du mentor de celui-ci, le Doctor Strange. Ensemble, alliant technologie et magie, ils parviennent à stabiliser l’état de santé de Vance. Mieux, ils arrivent à le rendre indépendant de son costume. Ce qui permet au héros de revenir sous une nouvelle identité, celle de Major Victory.
Ah oui, il s’en passe des choses en quatre épisodes. La saga se conclut dans Guardians of the Galaxy #20, alors que les héros, alliés au Commandeers, découvrent que les Punishers sont à la solde des Badoons. Nous avons donc, avec les « libérateurs », la démonstration que leur travail n’était, une fois de plus, pas terminé, et que leur mission ne se limite pas à émanciper les peuples mais aussi à les guider et à les protéger d’éventuelles représailles. Ce qui justifie par ailleurs le discours de Martinex quant à la nécessité d’une force de frappe plus large.
D’un point de vue punisheresque, mon seul petit bémol, c’est que le gros dur que les autres imitateurs appellent « Général », un colosse à la peau de craie, ce n’est apparemment personne de connu (en tout cas, s’il y a une référence, je ne l’ai pas saisie).
Mais dans le genre clin d’œil et sympathique découverte, dans le quatrième volet, Valentino nous dévoile qui est en réalité Hollywood, un héros particulièrement fort qui se cacher derrière une paire de lunettes opaques, qui se prénomme Simon et qui a connu le XXe siècle pour y avoir vécu.
À l’issue de cette tétralogie dynamique, menée à cent à l’heure et véhiculant une réflexion sur le genre, Jim Valentino a agrandi son équipe, qui accueille désormais Talon, et glissé quelques subplots pour des développements futurs. Les Punishers, quant à eux, ne referont plus parler d’eux.
Jim