1974-2024 : BON ANNIVERSAIRE LE PUNISHER !

Depuis le lancement de la première série régulière, par Mike Baron et Klaus Janson, le Punisher a démontré qu’il pouvait être une locomotive sur le marché de la bande dessinée américaine, avec de nombreuses apparitions ici et là, deux autres séries mensuelles, Punisher War Journal puis Punisher War Zone, et d’innombrables numéros exceptionnels, de prestige ou de graphic novels.

Les choses changent en 1995. Les ventes baissent-elles ? L’éditorial veut-il resserrer les activités de leur liquidateur en chef ? Ou reconnecter ses exploits au reste de l’univers Marvel ? Ou simplement créer l’événement ? Toujours est-il que Marvel met un terme aux trois séries et lance la saga Double Edge, une histoire en deux numéros épais, qui connaît quelques répercutions dans Daredevil #344, Doctor Strange Sorcerer Supreme #81, Ghost Rider #65 et Incredible Hulk #433.

Le principe de cette saga musclée est simple : Frank Castle pète un câble et s’en prend à Nick Fury. Ça bastonne, ça explose, ça défouraille, ça mitraille.

Double Edge Alpha, daté d’août 1995, est écrit par Larry Hama. Ce dernier est durablement associé à GI Joe, mais aussi à Wolverine, autant dire que ses scripts font la part belle à l’action. Le dessin est assuré par Kerry Gammill et Tom Morgan, sous un encrage de Tom Palmer, qui ont tous du répondant dès qu’il s’agit de récits musclés.

Tout commence avec le transfert de Frank Castle, organisé par le SHIELD. L’équipe est attaquée par un commando à la solde de Rosalie Carbone, la princesse mafieuse présentée par Chuck Dixon dans le premier arc de Punisher War Zone. Depuis, le personnage a fait plusieurs apparitions dans les séries et entretient un profond grief à l’égard du Punisher.

Mais en fait, le SHIELD a pris la précaution de faire deux convois, et celui qui est attaqué escortait un LMD du Punisher, un double robotique (Life Model Decoy en anglais, Leurre Mécanique Dupliqué en français). Le vrai Castle est placé sous haute surveillance et confié aux soins du Docteur Leonard Samson, qui tente sur lui une psychanalyse.

Bien sûr, ça se passe mal, à tous niveaux. Baston avec le praticien, analyse qui dérape, hypnose en cachette… si bien que Frank, à la faveur d’une attaque extérieure, s’évade, plus psychotique que jamais, plus violent que jamais.

Ces événements sont évoqués dans les différents épisodes mentionnés plus haut, mais la suite réelle de l’action se déroule dans Double Edge Omega, daté d’octobre 1995, sous une couverture de Joe Quesada. Cette fois, ce sont John Ostrander et Kim Yale qui se chargent du scénario, illustré par Doug Wheatley. Ce dernier, encore jeune dessinateur, n’a pas développé la maîtrise qu’on lui connaît sur ses titres Star Wars. Pour l’heure, il semble vouloir marcher dans les pas d’un Michael Golden, et de nombreuses cases évoquent plutôt Flint Henry. C’est généreux, dense, parfois joli, et le dessinateur n’économise pas ses efforts.

Le scénario, toujours très musclé, est assez roublard. Persuadé par un ennemi que Nick Fury est responsable de la mort de sa famille, le Punisher s’en prend carrément au SHIELD. Il vise Fury mais il s’attaque à toute l’institution. Pour brutal qu’il soit, le justicier n’en demeure pas moins retors.

On reconnaît le scénariste de Grimjack, de Suicide Squad ou des aventures de Quinlan Vos. Par exemple, ayant déjà détruit un LMD à l’effigie de Fury, Castle part à la recherche des entrepôts cachant les réserves de doubles robotiques, privant Fury de sa protection via doublures.

Au-delà de ces ruses de Sioux qui permettent de faire rebondir l’action, ainsi que des scènes imposées où Ghost Rider et Daredevil se doivent d’apparaître, Ostrander et Yale prennent le temps de donner à Fury des moments calmes d’intimité afin de mettre en avant les fragilités du vieux soldat.

En définitive, le personnage d’Ostrander, dans ce récit, c’est Nick Fury. Les fantômes de son passé sont présents dès la première planche, et s’évanouissent à sa mort, après la capture de Castle. Ostrander réintègre aussi le personnage de Mikel Fury, fils illégitime de Nick portant alors l’identité de Scorpio. Le scénariste s’intéresse à la continuité, dont il tire une matière évidente.

À la fin de Double Edge, Fury est mort et Castle, capturé, est condamné à l’exécution capitale. La mini-série, au-delà de l’événement éditorial, a une fonction éditoriale. Elle sert de jonction entre les trois séries publiées précédemment et la prochaine, qui sera lancée à la fin de l’année 1995 et durera dix-huit numéros : une série où Castle, échappant in extremis au couloir de la mort, sera engagé par un gang mafieux, reprendra le nom italien de Castiglione (on vous en reparle bientôt) et jouera les agents doubles pour le compte du SHIELD. Produit de son temps (couvertures à gadgets, couleurs criardes, accent mis sur l’action, décisions éditoriales brutales), ce diptyque offre un divertissement sympa, les scénaristes sachant tirer profit d’un pitch bas du front.

Jim

1 « J'aime »