Drame
Long métrage américain
Réalisé par Tod Browning
Scénarisé par Elliott J. Clawson et Waldemar Young, d’après la pièce de Chester de Vonde et Kilbourn Gordon
Avec Lon Chaney, Lionel Barrymore, Mary Nolan, Warner Baxter…
Titre original : West of Zanzibar
Année de production : 1928
À L’Ouest de Zanzibar (également sorti en France sous le titre Le Talion) débute dans un univers que le réalisateur Tod Browning connaît bien et qu’il a choisi comme sujet plusieurs fois dans sa carrière, celui du spectacle, des cirques itinérants et du vaudeville. Son acteur fétiche Lon Chaney, l’« Homme aux Mille Visages » qu’il dirigeait ici pour l’avant-dernière fois, incarne Phroso, un magicien de music-hall dont l’épouse est l’assistante. Fou amoureux, il ne se doute pas que sa femme est sur le point de le quitter pour Crane, un aventurier qui veut l’emmener en Afrique…
S’ensuit une altercation entre les deux hommes qui se termine par la chute de Phroso. L’homme perd l’usage de ses jambes et rumine le départ de sa femme, jusqu’à ce qu’il apprenne son retour. Trop tard hélas car après avoir péniblement monté les marches d’une église, il découvre son corps auprès d’un bébé en pleurs. Le symbolisme de l’endroit ajoute une dimension supplémentaire à la malédiction que lance l’handicapé à Crane…et dès ce moment, Phroso devient « Cul-de-Jatte » (Dead Legs en version originale).
Lon Chaney était le maître de la transformation du cinéma muet et il utilisait son corps et son don pour le maquillage pour créer des personnages forts. Si certains de ses rôles étaient tragiques, Cul-de-Jatte est quant à lui sordide, manipulateur, rongé par la vengeance qu’il rumine depuis des années. Il contrôle un avant-poste dans un coin reculé de la jungle africaine où il se joue des croyances locales pour manipuler les indigènes. Lorsque Cul-de-Jatte retrouve la trace de Crane, il met tout en oeuvre pour court-circuiter son trafic d’ivoire et fait revenir la fille de son ennemi, qu’il avait placée dix-huit ans plus tôt dans le bordel le plus miteux de Zanzibar…
Basé sur une pièce de théâtre controversée, À l’Ouest de Zanzibar déroule les clichés que l’on pouvait attendre de l’époque concernant la représentation des tribus africaines et son intrigue repose sur un twist justement très théâtral (plus tard, on parlerait de rebondissement de soap-opera). Mais Tod Browning a travaillé une atmosphère étouffante, dans un lieu éloigné de la civilisation, suintant et sans espoir. Il dirige une distribution de qualité, avec dans les rôles secondaires l’excellent Lionel Barrymore (que Tod Browning dirigera à nouveau dans Les Poupées du Diable), Mary Nolan au regard triste (et au destin tragique) et Warner Baxter (The Cisco Kid).
Le casting est dominé par un Lon Chaney magnétique, qui bouffe l’écran à chacune de ses apparitions. Son visage très expressif est fascinant dans l’expression des facettes de ce monstre si humain et l’animalité de Cul-de-Jatte est habilement retranscrite par une caméra qui se met à son niveau pour accentuer ses reptations. Prestation puissante pour l’un des derniers longs métrages de l’acteur star du muet, décédé des suites d’un cancer en 1930 à l’âge de 47 ans.