Alan moore prend sa retraite

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Le scénariste britannique Alan Moore a annoncé qu’il met fin à sa carrière de scénariste de comics lors d’une conférence de presse concernant Jerusalem :

[quote]*“Il me reste à peu près 250 pages de comics à rédiger. Il y a deux numéros de la série que j’écris chez Avatar, [dernière] partie de mon [analyse] sur l’œuvre de H.P. Lovecraft sur laquelle j’ai travaillé ces derniers temps. Kevin [O’Neil] et mois allons aussi conclure ‹ Cinema Purgatorio › et ensuite nous produirons encore un ouvrage ensemble, le dernier volume de ‹ La Ligue des Gentlemans Extraordinaires ›".

"Après quoi, j’en aurai terminé avec les comics, à l’exception des quelques courtes histoires que je pourrais écrire à l’avenir.”*[/quote]

A plus de 60 ans, l’auteur britannique, révéré par de nombreux lecteurs pour ses œuvres qui ont bouleversé les us et coutumes de la bande-dessinée, prend une retraite bien méritée.

La retraite ? Non ! Car si Moore affirme que son parcours de scénariste de comics touche à sa fin, il affirme aussi que de nouveaux média s’ouvrent à lui.
Des média comme le cinéma qu’il a déjà tâté, avec son collègue Mitch Jenkins, à l’occasion de la « série » de courts métrages Show Pieces.

On attend un équivalent de Prométhéa sur grand écran maintenant.

oui bon… retour au statu quo au prochain event…
on nous la fait plus…

Hier, j’ai recroisé un pote d’école, que je vois de loin en loin (je me souviens d’un trajet en train où nous avions causé de séries télé pendant deux heures). Et là, la conversation (un quart d’heure, autour d’un café rapide) a rapidement tourné autour de la BD, et notamment d’Alan Moore (mais aussi Frank Miller, Will Eisner, Howard Chaykin…). Et un moment, alors que je venais de dire, à propos d’un point particulier, « Moore avait raison », il ajoute « il faut dire que Moore a très souvent raison ». Je me demande comment il va prendre l’annonce de l’imminente (et potentielle) retraite du maître.

Jim

Ça n’engage évidemment que moi, mais au vu de ce qu’il a produit ces dernières années, je pense qu’il aurait même pu arrêter avant :unamused:

C’est marrant parce que, de mon coté, ça m’a rappelé une discussion que j’ai eu avec un proche dans un bar de Lille [près du Beffroi pour ceux qui situent], à une époque où l’auteur défrayait encore une fois la critique avec quelques commentaires assez acerbes (ce qui avait valu à Jason Aaron de répondre avec autant de vigueur). Je disais, à l’époque, que j’avais peur que certains lecteurs ne se souviennent plus que du scénariste pour ses commentaires [ce qu’il a fait de moins en moins au fil des années].
Et la personne avec qui je discutais m’a répondue, à raison, qu’on ne se souviendrait pas d’Alan Moore pour ses petites piques régulières mais plutôt pour sa production.

Ce qui n’empêche pas le barbu de revenir à la charge avec des arguments pointus. La preuve, aujourd’hui :

[quote=« Moore »]*“Je suis certain qu’il y a de très bonnes raisons pour que des centaines de milliers d’adultes se languissent des dernières aventures de Batman. Mais en ce qui me concerne, je ne les comprends pas du tout.

Les films de super-héros impliquent des personnages qui furent inventés par Jack Kirby dans les années 60 et pour lesquels j’ai autant d’amour que lorsque j’avais 13 ans. Ces personnages étaient brillamment conçus. Mais c’était il y a 50 ans. Je pense que ce siècle a besoin, et mérite même, sa propre culture. Ce siècle mérite des artistes qui veulent vraiment parler de l’époque dans laquelle on évolue.

C’est une manière détournée de dire que j’en ai vraiment ras la caisse de Batman."*[/quote]

Ce serait dommage. Certaines de ses meilleures productions datent d’il y a peu. C’est peut-être cryptique pour beaucoup et pour les lecteurs de super-héros ou pour les admirateurs de la culture populaire « directe » (il est plus facile de replacer Hyde et le Capitaine Nemo que Carnacki et Raffles) mais ça n’en reste pas moins de sacrés récits, rondement menés.

Sinon, le Monde parle brièvement de la retraite d’Alan Moore : ici.

Il l’a prend pas tout de suite, il va faire la suite de Cinema Purgatorio, un nouvel album de la league et il y a un truc qui sort là bientôt.

après ça sera ,livres et cinéma.

[quote=« KabFC »]Il l’a prend pas tout de suite, il va faire la suite de Cinema Purgatorio, un nouvel album de la league et il y a un truc qui sort là bientôt.

après ça sera ,livres et cinéma.[/quote]

Vraiment ?

Oui c’est dans l’article que j’ai lu.

theguardian.com/books/2016/ … are_btn_tw

De toute façon, un auteur (ou un artiste, quelle que soit sa discipline) ne prend jamais vraiment sa retraite, sauf en cas d’incapacité.
Pour un scénariste, en particulier, pour prendre sa retraite, il faudrait que son cerveau prenne sa retraite… Après, c’est vrai qu’on peut aussi produire des textes sans les publier.

Tori.

Il reste mon auteur favori mais comme silverfab je me suis moins pris a ses productions recentes qui oublient le divertissement et joue sur la technique…
et ses piques aux autres auteurs m ont assez gavées…
Surtout pour dire qu il faut inventer, arreter de reprendre des personnages crées il y a des decennies pour soit faire la ligue de gentlemen, providence … et sinon Crossed+100…

Bref comme Miller, il serait pas mal qu il apprenne a se taire parfois…
ce n est pas parce qu on est brillants, un génie qu on ne dit pas de conneries…

Alan Moore a pendant plusieurs années été mon alpha et mon omega en matière de comics. Entendre par là que Watchmen a été ma première lecture en la matière, les premiers cycles de la Ligue ma première lecture en v.o., et que tandis que je poursuivais avec V pour Vendetta, From Hell, Promethea et autres Filles perdues, si je connaissais (de plus longue date, d’ailleurs) les super-héros « mainstream », c’était uniquement par leurs déclinaisons sur les petit et grand écrans, mais il ne me serait pas venu à l’idée d’aller lire ça. Inutile de dire que sur ce dernier point ma position a considérablement varié, mais les grandes œuvres de Moore restent évidemment une référence incontournable pour moi qu’il ne me viendrait pas à l’idée de « renier ».

Seulement, effectivement, sans être tout à fait aussi critique que Silverfab, cela commence à faire quelques années que je ne me retrouve plus, ni dans sa production artistique, ni dans ses sorties polémiques. Et je soupçonne très fortement que les deux ont une cause commune : selon toute apparence, Moore s’est retranché dans une tour d’ivoire où il n’est plus entouré que d’une poignée d’adorateurs, acceptant chacune des déclarations du mage comme parole d’évangile, et ne lui disant en retour que ce qu’il a envie d’entendre.

Moore est coupé du reste de la production de comics actuelle dont, de son propre aveu, il ne lit quasiment plus rien (et quand on lit de près les interviews on se rend compte que les critiques qu’il émet ont toujours pour source un « on m’a dit que… »). Sa vision du lectorat est, du point de vue statistique, objectivement fausse. En dehors des possibilités de travail offertes par l’échange d’e-mails, il semble également éprouver un grand mépris pour à peu près tout ce qui touche à Internet (lequel Internet, en retour, s’avère une source d’infos assez dérangeante qui met en lumière, pour qui cherche un peu, les accommodements pas toujours très raisonnables pris avec la vérité quand saint Alan raconte sa propre légende…). Sans parler de ses obsessions paranoïaques concernant Morrison qui orchestrerait les critiques à son égard.

Et du côté de l’œuvre ? Eh bien, c’est un peu pareil : j’ai la désagréable impression que Moore, dernièrement, n’écrit plus que pour ses annotateurs. Son œuvre a toujours été riche de références, mais auparavant celles-ci venaient enrichir le récit ; j’ai l’impression qu’un glissement a eu lieu et que désormais le récit n’est plus qu’un prétexte à l’étalage des références : c’est particulièrement flagrant dans Nemo (mais il y avait déjà des signes dans les derniers travaux sur la Ligue) et dans Providence. Dans ce dernier cas, la comparaison entre les annonces faites en interview (qui m’ont donné envie d’y croire…) et le résultat final (sauf retournement dans les derniers numéros) est assez éclairante. On a la reproduction de l’immeuble authentique, la bonne référence de microsillon, la vraie météo de la vraie date… il manque juste un récit intéressant (et un dessinateur expressif, mais c’est un autre problème).

Ça n’enlève rien rétroactivement à la réussite de ses grandes œuvres passées et avec tout ce qu’il a pondu de génial depuis ses débuts anglais jusqu’à la période ABC (en gros) sa place au panthéon des auteurs de comics est de toute façon assurée. Mais ce n’est pas forcément un mal s’il prend conscience qu’il est un peu… essoufflé, dans ce domaine - et s’il réoriente sa créativité vers d’autre media dans lesquels il a peut-être un peu moins de certitudes…

Oui, je te rejoins sur ton dernier point : ce changement d’objectif (avant, écrire une histoire avec des références ; maintenant, balancer des références avec le prétexte d’une histoire) ne marche tout simplement plus sur moi.

exactement ce que je voulais dire en mieux!! :open_mouth: :blush:

Il écrit bien mon Oncle hein ?! :wink:
Plus sérieusement Léo touche du doigt là où le bât blesse et le fait avec clarté et clairvoyance! :slight_smile:

[quote=« KabFC »]Oui c’est dans l’article que j’ai lu.

theguardian.com/books/2016/ … are_btn_tw[/quote]

Je te fais marcher. C’est déjà ce qui est noté dans la présentation.

Il me semble, mais je dois me tromper, que ça fait bien la troisième ou quatrième fois que Moore annonce son retrait du monde des comics. J’exagère probablement, mais je me rappelle très bien qu’il avait annoncé vouloir arrêter son travail dans ce champ pour novembre 2003 (ses cinquante ans). Il a bien entendu continué après cette date…
Peu importe, et tant mieux même.

Je suis plutôt en désaccord, pour ma part, avec l’idée que la production de Moore aurait perdu en intérêt ces dernières années. Je crois plutôt à une sorte de « décalage », apparu progressivement, entre ses aspirations et celles du gros de son lectorat.
Je suis plus admiratif de certains de ses travaux les plus récents (« Providence » par exemple) que de certains de ses oeuvres plus anciennes, quand il était encore un jeune auteur certes surdoué mais encore tâtonnant (ce qui est bien naturel ma foi). Et je ne me reconnais pourtant pas du tout dans le côté « fanboy aveugle qui adoube la moindre prise de parole du Mage » ; la preuve, je reste un aficionado du travail de Morrison, quand Moore ose demander aux lecteurs de ce dernier de ne pas lire ses travaux à lui (c’est sa seule véritable « faute morale », si j’ose dire…).
Quant à dire qu’il n’écrit plus que pour ses annotateurs, je dirais que d’une certaine manière cela a toujours été le cas, mais que les annotateurs en question n’existaient pas encore. Il y a, peut-être pas autant que dans la « Ligue… » ou « Providence » mais déjà en grand nombre, pléthore de références dans « V pour Vendetta » et « Watchmen » (voire « Swamp Thing »).

Parmi ceux qui attaquent farouchement Moore aujourd’hui (comme Jason Aaron par exemple, qui n’y va pas avec le dos de la cuillère), certains sont de bonne foi : Moore fait un grand paquet global qui enveloppe tous les acteurs actuels de l’industrie de la BD, auteurs inclus, et c’est évidemment une caricature. Mais on pourra aussi reconnaître qu’il y a quand même matière à critiquer une industrie qui précarise à outrance ses propres forces vives, et qui ferait passer par certaines de ses pratiques l’industrie cinématographique (bien plus puissante) pour une bande de philanthropes uniquement intéressés par l’amour de l’art.
Il est dans l’excès, mais ses attaques ne sont quand même pas sans fondement.

Les centres d’intérêt de Moore ont changé, c’est ma foi fort naturel. On peut déplorer cette espèce de « politique de la terre brûlée » que Moore applique à son ancien champ d’action, mais tout cela pèse peu au regard de ce que son travail (bien plus important que ses prises de position, non ?) a pu apporter aux lecteurs et aux créateurs qui l’ont suivi…

Il vaut mieux, tu me diras. DC Comics continue de violer à répétition le cadavre de son œuvre (Before Watchmen, Rebirth) pendant que le lecteur achète béatement. C’est la preuve qui ni l’éditeur ni l’acheteur ne se sont remis de la tornade « Alan Moore ».

Pire, en se détournant des média pour se permettre une plus grande liberté d’écriture (il n’est pas innocent que la Ligue des Gentlemans Extraordinaires ressemble beaucoup moins à une équipe de super-héros lorsqu’elle quitte Wildstorm, et pourtant la Ligue n’a jamais été plus dans le concept Wold Newtonien qu’à ce moment là), Moore se met à dos une bonne partie de son lectorat qui lui reproche d’écrire des récits riches mais continue de se gaver de sa gloire (gloriole à ce niveau) passée.

Je conçois qu’il y a plus simple d’accès que ses séries, j’apprécie un bon Captain America comme tout un chacun, mais je suis content de pouvoir lire des œuvres plus travaillées. Même lorsqu’elle concerne un couturier monstrueux et son égérie (Fashion Beast, très chouette relecture de la Belle et la Bête pour ceux qui veulent une référence claire et nette).
Et la place du dessinateur dans tout ça ? Moins populaires que J.H. Williams III, Dave Gibbons ou Chris Sprouse, les Facundo Percio, Gabriel Andrade et Jacen Burrows participent à mon avis au désintérêt du lecteur qui ne s’y retrouve plus sans le clinquant des divertissements d’aujourd’hui (et pourtant, les récits de Moore n’en manque pas, de divertissement, la preuve avec le Nemo qui se déroule à Berlin).

En ce qui concerne l’aspect référentiel au détriment du récit, je ne pense pas que c’est un argument qui tient debout. Je défie quiconque de ne pas comprendre l’histoire des Nemo même lorsqu’il ne saisit pas les petits détails à coté. J’ai moi-même rédigé la critique de Providence alors que je ne connais pas grand chose à l’œuvre de Lovecraft. Cependant, la lecture m’a donné envie d’en savoir plus, d’aller chercher plus loin. Et ça, c’est typique de Moore.

Ce n’est pas tellement l’auteur qu’on devrait accabler - après tout peut-on lui reprocher de créer comme il l’entend - mais plutôt le lecteur qui se fait plus exigeant en demandant moins (ironie de la situation).

Ce n’est pas forcément Nemo qui m’a sorti de l’oeuvre de Moore, mais Century, et son premier tome en hommage à L’Opéra des Quat’Sous qui m’a fait comprendre que je n’étais plus la cible de Moore, ou au moins que ce que je cherchais ne se retrouvait plus vraiment dans sa production.
Cette dernière demeure de grande qualité, c’est indéniable ; elle me laisse « juste » de côté, car j’ai effectivement l’impression que l’idée de raconter une histoire passe après l’envie de la nourrir de références.

[quote=« Photonik »]Parmi ceux qui attaquent farouchement Moore aujourd’hui (comme Jason Aaron par exemple, qui n’y va pas avec le dos de la cuillère), certains sont de bonne foi : Moore fait un grand paquet global qui enveloppe tous les acteurs actuels de l’industrie de la BD, auteurs inclus, et c’est évidemment une caricature. Mais on pourra aussi reconnaître qu’il y a quand même matière à critiquer une industrie qui précarise à outrance ses propres forces vives, et qui ferait passer par certaines de ses pratiques l’industrie cinématographique (bien plus puissante) pour une bande de philanthropes uniquement intéressés par l’amour de l’art.
Il est dans l’excès, mais ses attaques ne sont quand même pas sans fondement.[/quote]

D’autant qu’à l’autre bout du spectre, il n’est pas avare en compliments sur le travail de certains de ses pairs qui œuvrent dans les comics actuellement comme Garth Ennis, Simon Spurrier ou Kieron Gillen. Je ne l’imaginais pas friand de la série Saga de Brian K. Vaughan et Fiona Staples par exemple, et c’est pourtant le cas.