Je l’ai vu ce matin, et j’ai vraiment apprécié. J’étais à fond dedans, car le film a des qualités nombreuses.
Le film prend le temps de poser les enjeux, les lieux, les personnages. Après une entrée en matière qui connecte cet opus au premier film, on entre dans le vif du sujet et on découvre ces jeunes ouvriers, esclaves de Weyland-Yutani sur la planète minière Jackson. Le scénario prend le temps de montrer la société oppressante mise sur place autour des mines, écrasant l’humain. C’est aussi l’occasion de construire des personnages crédibles : ils sont jeunes, mais pas crétins ; ils sont ouvriers, mais débrouillards et compétents ; ils sont dans la merde, ils sortent du cadre de la loi. L’écriture en fait de plus grands professionnels que les protagonistes des deux films précédents. Les acteurs, qu’en plus je ne connais pas (enfin si, j’ai vu Cailee Spaeny dans Civil War, je viens de le découvrir…) ce qui aide à s’intéresser au récit, sont vraiment très chouettes. Mention spéciale à David Jonsson qui confère à son personnage, pour des raisons propres au récit, une variété incroyable et une présence forte.
Le film apporte son lot de précisions, d’informations, voire d’innovations. On en apprend un peu plus sur les activités de Weyland-Yutani, on découvre les rôles divers des synthétiques (et leurs différentes places sur les planètes terraformées), on observe d’autres étapes de la métamorphose des Aliens, on prend connaissance du savoir accumulé par les savants… Le tout est rempli d’idées visuelles fortes (on a vu la lampe à radio dans la bande-annonce, mais les empreintes dans le sable noir de la soute, quelle idée formidable… entre autres…), d’un bon mix d’effets numériques et de trucages traditionnelles (on sent ici et là la maquette ou le pantin animé, et bon sang que ça fait du bien…) et de clins d’œil réussis (même si un brin prévisibles…).
Les personnages sont attachants, et pas du tout minimisés ni ridiculisés. Le scénario les prend au sérieux, ils savent faire (au point que ça fait tout passer : j’imagine qu’on ne rallume pas une station spatiale comme on éclaire un hangar, mais les personnages sont tellement bien campés que ce genre de facilités passe tout seul). Mais bien entendu, ils ne sont pas au courant de tout. Fede Alvarez sait qu’il officie dans une licence qui a quelque quarante-cinq ans d’âge, et qu’il s’adresse donc à un public qui est au courant. Du coup, le spectateur a une longueur d’avance sur les personnages, et le film n’hésite pas à jouer là-dessus. La trame narrative est particulièrement bien huilée. Le système du plant / pay-off est efficace et rodé (et s’applique parfois en réservant des surprises), les enchaînements de causes et de conséquences est implacable (la sortie des face-huggers est tellement bien vue…), la conduite d’actions simultanées est bien fichue, pas frénétique mais oppressante. Une mécanique millimétrée et maîtrisée.
L’ensemble, vu par quelqu’un qui connaît bien la saga, de ses sommets à ses errements soporifiques récents, peut justement ne présenter aucune surprise : un suspense efficace, un brin retors, poussant les personnages très loin, qui propose une sorte d’énorme biscuit pour fans, fournissant les poursuites dans les couloirs, les masses d’ombre bougeant dans l’obscurité, les scènes gore, les jeux de regards, tout l’attirail attendu des fans, sans le fatras philosophique et l’indigence de caractérisation ayant marqué les deux dernier films.
Le film de Fede Alvarez se pose en synthèse du premier cycle de quatre films, reprenant des scènes clés, voire des dialogues cités mot pour mot (j’en ai au moins relevé quatre, il y en a peut-être plus). Le réalisateur se place dans la lignée du premier cycle, qu’il cite sans vergogne, gommant presque les deux derniers. Ce dont je ne me plains pas. Mais (et c’est là qu’intervient mon « mais », un gros « mais »), à se placer ainsi en résumé / synthèse, le film ne risque-t-il pas de prêter le flanc à une critique qui lui reprocherait de n’être, somme toute, qu’un remake des quatre premiers volets, qu’un florilège des moments les plus intenses ? Personnellement, j’ai adoré, car je l’ai vécu comme un dialogue entre le réalisateur et le fan que je suis. Mais tous les spectateurs réagiront-ils pareillement ?
Jim