REALISATEUR
Juan Lopez Moctezuma
SCENARISTES
Juan Lopez Moctezuma et Alexis Arroyo
DISTRIBUTION
Tina Romero, Claudio Brook, Susana Kamini, David Silva
INFOS
Long métrage mexicain
Genre : horreur
Titre original : Alucarda, la hija de las tinieblas
Année de production : 1977
En 1850, au Mexique. Dans un temple abandonné en plein coeur de la forêt, une femme donne naissance à une petite fille qu’elle prénomme Alucarda. Se sachant maudite à cause du pacte qu’elle avait passé avec les forces des ténèbres, elle demande à la seule personne qui l’accompagnait, un gitan bossu, de déposer son bébé au couvent le plus proche. Restée seule dans ce lieu lugubre, la mère n’échappera pas à son sort funeste. Le réalisateur Juan Lopez Moctezuma suggère la présence du démon avec des bruits qui mettent mal à l’aise, une ouverture qui donne déjà bien le ton de ce film étrange et longtemps tombé dans l’oubli.
Quinze ans plus tard, Justine, une jeune orpheline, est accueillie au couvent par la mère supérieure et la soeur Angelica. Les religieuses laissent ensuite Justine seule dans sa chambre. Seule ? Pas vraiment…par le biais d’un effet aussi simple qu’efficace, à la lisière de la perception (celle de Justine aussi bien que celle du spectateur), Alucarda apparaît comme si elle sortait littéralement des ténèbres. Les deux adolescentes (incarnées par des actrices qui avaient dépassé la vingtaine) se lient rapidement d’amitié…une amitié qui va se muer en amour alors qu’elles succomberont à la même puissance démoniaque qui emporta la mère d’Alucarda…
Dès les premières minutes, Juan Lopez Moctezuma (qui fut l’un des producteurs de Fando et Lis et El Topo de Alejandro Jodorowsky) compose une symphonie poético-horrifique reposant notamment sur les symboles et les contrastes. Ce n’est pas anodin si les personnages principaux s’appellent Justine et Alucarda. Justine comme l’héroïne de Sade, Alucarda comme Alucard (Dracula) au féminin…ce qui a pu faire penser que Moctezuma s’était librement inspiré de la Carmilla de Sheridan Le Fanu mais si on peut voir un rapport avec la tradition vampirique, Alucarda ne vampirise pas vraiment Justine de cette façon…
Contrastes sur plusieurs plans. Visuellement, par les décors (on alterne entre les paysages bucoliques, dans lesquels se manifestent des rites orgiaques et païens, et les murs austères et ternes du couvent) et par les costumes (le noir de la robe de Alucarda détonne dans cet environnement où les nonnes se parent de bandes blanches telles des momies). Le récit déroule aussi une bataille du bien contre le mal en opposant l’obscurantisme à la science (tout en rappelant qu’il y a de l’intolérance des deux côtés) par le biais de la figure du médecin joué par Claudio Brook (Coplan sauve sa peau)…qui campe également le gitan bossu, représentant du démon sur Terre (bon maquillage de satyre, je ne l’avais pas reconnu).
Plastiquement superbe (avec pas mal de bonnes petites idées comme les tenues des nonnes virant au rouge pour représenter à la fois leur état physique et mental), Alucarda est un film troublant, sensuel, surréaliste et violent. La scène de l’exorcisme est éprouvante et l’interprétation souvent excessive (ça hurle beaucoup) dans une deuxième partie où les protagonistes se laissent emporter par l’hystérie, ce qui peut user un peu les nerfs. Mais la montée en puissance de ce dernier acte est implacable (et déchirant pour Justine et Alucarda) et le final dantesque.
Réalisateur, scénariste et producteur à la courte carrière, Juan Lopez Moctezuma signait là son troisième long métrage (sur six), après des titres comme The Mansion of Madness et Mary, Mary, Bloody Mary, que l’on dit aussi inclassables (dans des styles différents) qu’Alucarda.