[quote=« sylvain cordurié »]
[quote=« n.nemo »]construire les histoires sur l’idée de l’échec ou de la mort possible du héros me semble un artifice assez vain aussi, même au second degré.
Il vaut mieux embrasser directement l’absence de suspens à ce niveau là pour pousser l’histoire dans d’autre direction.[/quote]
Tu n’es pas le seul à le penser. C’est un point de vue que Manticore partage, je crois.
Mais un univers de fiction où la mort est une péripétie de l’histoire, c’est un univers qui repose sur l’inconséquence, car la plus grande sanction qu’un individu puisse connaître, c’est sa propre fin. Et l’absence de sanction autorise tout et n’importe quoi. Que vaut un univers où le sacrifice ultime du héros s’efface derrière la programmation de son retour ? Rien, à mes yeux.[/quote]
Que la plus grande sanction que puisse connaitre un individu soit sa propre fin, voilà qui me semble hâtivement dit.
Et puisque tu parles après de mythologie, notamment grecque, alors je dirais même que c’est un peu faux.
La tragédie chez les grecs ne trouve pas son point culminant dans la mort mais dans la répétition d’un acte qui apporte le malheur à tous, d’un acte qu’on ne peut empêcher d’advenir.
De Paris à Œdipe, des devins ont prédit l’acte, et c’est en cherchant à l’éviter que chacun a participé à le produire. L’implacable du destin qui fait que l’acte est déjà produit alors qu’on pense encore y avoir échappé, comme dans Œdipe, est le vrai sujet de la tragédie grecque. L’horreur de la conséquence inéluctable de l’acte n’est pas la mort mais bien tous les actes à venir, qui en découlerons malgré les bonnes volonté de chacun : ce n’est pas la mort qui fait horreur dans la descendance d’Oedipe, mais le combat fratricide d’Etéocle et Polynice qui conduit à la décision de Créon de ne pas en enterrer un, qui conduit Antigone à se faire emmurer vivante…
De plus, et c’est une constante dans les mythologies, et notamment celle des grecs, la mort est un lieu où l’on peut assez facilement entrer vivant comme sortir. La mort est loin d’être une fin de l’histoire, mais bien une de ses péripéties.
Hercule après sa mort devient un Dieu, comme Bacchus, Orphée s’en va chercher Eurydice, Thésée comme Hercule y vont délivrer leur part, Protésilas, le premier grec à poser le pied sur le rivage de Troie et à en mourir comme annoncé par les devins, en sort pour mieux y revenir préférant les enfers à son mariage, la liste est longue…
Le modèle de la mort comme temps final et non comme lieu où l’on peut entrer et sortir me semble être plus en lien avec les monothéismes qu’avec les mythologies, la grecque en tout cas.
[quote]Tu parles de l’absence de suspens à se niveau-là, mais le problème est bien plus grave. Balourder les notions d’échecs et de mortalité, ça a une incidence sur la part tragique des récits. Ca réduit la caractère définitif d’un drame.
Bref, le récit se voit amputé par avance d’un large champ de possibilités.[/quote]
Que la mort soit traitée comme péripéties plutôt que comme une fin me semble au contraire ajouter au champ narratif plutôt que le diminuer.
Je n’arrête pas de penser au tom strong depuis le début de ce message, sans trouver de moyen de l’introduire. Il y a dans ce comics une richesse d’idée à chaque page qui n’est pas sans lien avec le fait que Moore ai su se détacher d’une écriture réaliste construite sur sa fin. Quelque part, assumer l’absence de fin, oblige l’auteur à produire de l’intérêt à la lecture non pas dans son moment final, mais à chaque case. Et il suffit de voir comment, lorsque Moore s’en va, le comics et les scénaristes remplaçant ont du mal à faire avec cette donnée.
Seul Moorcock s’en sort à mes yeux, quand les autres scénaristes replongent immédiatement dans un psychologisme dit réaliste et une décompression de l’histoire centrée poussivement sur sa révélation finale, ou alors dans dans simple détournement de genre.
Morrison dans son all star superman et dans ses action comics, sait aussi s’emparer de cette absence de fin pour proposer un univers extrêmement riche, tout comme il sait dans ses batman jouer tout de même avec la mort comme fin tragique pour damian.
Mais la mort de damian résonne aussi comme un « fini de jouer », elle s’accompagne d’un sentiment d’échec de n’avoir pas pu pousser plus longtemps batman vers autre chose que du réalisme.