J’avais un peu laissé tomber Spider-Man, après le sommet qu’a été la prestation de Dan Slott. J’avais lu les trois premiers recueils de la période Nick Spencer, mais j’avais trouvé que ça démarrait lentement (mais j’ai apprécié les références aux périodes Ditko et Mantlo, ingénieuse utilisation de la continuité…). Récemment, j’ai trouvé le recueil « Hunted », quatrième de la série, et je m’y suis remis.
Je trouve vraiment plein de qualités à cette histoire (sur laquelle Ryan Ottley n’intervient que peu, ce qui ne gâche rien). Je retrouve le goût de Spencer pour les références à l’actualité, et j’apprécie beaucoup de voir les indices disséminés précédemment, depuis les débuts de la série, porter leurs fruits, à l’occasion d’une grosse saga bien musclée. Ça flatte l’amateur de feuilleton et surtout ça compense les démarrages un peu lents et hésitants des épisodes passés.

C’est donc une histoire de chasse à l’homme. Kraven, allié à Arcade, fait capturer par ces deux idiots utiles que sont Taskmaster et Black Ant des super-vilains à motifs d’animaux (et notre héros arachnéen au milieu, bien sûr) afin de les livrer à des nantis qui cherchent le grand frisson. Spencer se frotte ici au motif visuel de l’animal, qui court sur l’ensemble de l’univers Spidey, et c’est nettement plus intéressant et simple et fluide que les délires totémiques de JMS. Il y a quelque chose d’évident à ce traitement.
La saga proprement dite est enrichie d’épisodes complémentaires, suffixés « HU », qui s’intéressent aux super-vilains capturés. Le portrait du Lizard ou du Vulture est intéressant (sans compter le sympathique chapitre dédié à Black Cat), mais l’épisode exceptionnel concerne le Gibbon, empli d’empathie pour ce personnage secondaire tragique. C’est peut-être pas aussi fort que la mort de Johnny Guitar dans The Initiative, mais c’est une très belle réussite, avec un Ken Lashley inspiré.
Kraven lui-même retrouve sa classe et son caractère hiératique. Toute la saga est construite en hommage à la désormais légendaire « Kraven’s Last Hunt », de DeMatteis et Zeck, l’équipe s’ingéniant à recopier ce qui avait été fait (Ramos reprend certains cadrages, le lettreur recopie les astuces de l’époque). Au-delà de l’hommage, cette saga « Hunted » peut-être lue comme une sorte de réparation, restituant à l’intrigue d’origine et à son protagoniste le lustre qu’ils méritent, et refaisant de Kraven ce personnage tourmenté, hanté par la jalousie et les pulsions suicidaires. Un peu comme si Spencer redressait les torts commis par l’éditorial.
J’apprécie aussi également le rôle joué par Arcade, qui trouve ici une certaine épaisseur, participe aussi au concours de trahisons dans ce qui s’apparente à une énième « guerre des super-vilains », et occupe aussi la fonction de « chœur antique », commentant l’intrigue quasiment de façon métatextuelle. Belle utilisation par Spencer, qui éclaire la note d’intention et l’hommage rendu.
Alors certes, la tonalité est un peu plus sérieuse que dans les trois recueils précédents, mais cela fait écho au projet éditorial ainsi que la tension vécue par Spidey, poussé dans ses retranchements. C’est aussi à mes yeux la saga qui me donne l’impression que Spencer sait où il va. On sentait déjà que les choses se précisaient, mais cette fois on a vraiment l’impression que la série décolle.
Jim