ARION t.1-3 (Yoshikazu Yasuhiko)

Si seulement tous les éditeurs pensaient ainsi…

Tori.

Je ne consomme sans doute pas assez de mangas pour avoir souvenir de grosses déceptions question papier.

Jim

Diable. Mais c’est que en 3 tomes ?!

Oui mais géants x) .

De 400 pages à 21 euros.

Jim

Hum… vil tentateur.

Vraiment très très bien, ce premier tome. C’est rapide, ça va vite, c’est brillamment dessiné, avec une approche presque réaliste, mais souvent suggestive, faites d’ombres envahissantes, de traits pas fermés… Dans l’interview, Yasuhiko parle de l’influence de Tesuka sur son travail, mais j’y vois aussi, fatalement, un peu voire beaucoup d’Ishinomori. Et pour tout dire, en lisant, je songeais aussi à Leiji Matsumoto, de neuf ans son aîné, et à Go Nagai, de deux ans son aîné, et je me dis que ces gens-là ont biberonné aux mêmes choses. Mais je trouve le trait de Yasuhiko plus virtuose, clairement.

Yasuhiko glisse parfois des visages humoristiques, des décalages de tonalité dont les auteurs japonais abusent avec tant d’aisance là où leurs homologues occidentaux ne cassent pas le rythme. Le découpage, la narration, tout cela est très fluide, les noirs sont magnifiques, les coups de pinceaux sont palpables et donnent un volume dingue.

L’histoire est simple : on suit un enfant, fils de Poseidon, héritier des Titans, lancé dans une quête pour venger sa mère et qui découvre petit à petit qu’il n’a pas toutes les informations. C’est donc un récit d’apprentissage, mais tourné vers l’action, la baston, et ça bouge super bien. Les personnages alentours sont plutôt intéressants, et la relecture de la mythologie, qui joue la carte de la fantasy, présentant les dieux comme des potentats en lutte perpétuelle, et assez chouette. Ça va vite et on a envie de savoir la suite.

Rajoutons à cela un beau papier, un chouette façonnage, des bonus agréables comme les illustrations couleurs, les croquis préparatoires ou l’interview, et on a un premier tome plus qu’enthousiasmant.

Jim

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Deuxième tome. Grosse baston. Bah ouais, c’est la guerre entre Athéna et Poseidon, et Arion est pris au milieu. Et il découvre assez vite que les manipulations des dieux vont le mener à l’irréparable, et qu’il n’est qu’un jouet.

Sur le principe, c’est classique, mais dans la réalisation, c’est d’une énergie folle. J’évoquais la série à un copain et, afin de lui donner une petite idée à l’aide de références qu’il connaissait, je lui ai dit que c’était à mi-chemin de Pierre Alary et de Gene Colan. Il y a la déformation et la vitesse cartoony du premier, et les ombres aux traits pas finis du second. Graphiquement, c’est une tuerie totale (et même les passages humoristiques, dont je ne raffole pas, coulent parfaitement).

Et narrativement, c’est assez astucieux. Le personnage du Lion Noir, cet observateur mystérieux qui semble plus puissant que beaucoup, est intéressant, et sa présence enclenche aussi une série de chapitres explicatifs (qui ferment ce tome et annoncent le début du suivant) et permet de matérialiser les origines et surtout l’évolution du héros. Ça bouge énormément, ça ne se repose jamais, c’est une grosse claque.

(Je me demande si ça a été traduit en Amérique : Venus Wars et Rebel Sword, oui, mais je ne trouve pas de trace pour Arion - ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas, bien sûr - et franchement, je me dis que certains dessinateurs ont dû le voir…)

Jim

Hum…

Apparemment pas. Parmi ses œuvres plus récentes, Jeanne et, bien sûr, Gundam thé origin ont été traduits, mais d’Arion, aucune trace.

Tori.

En tout cas, José Luis Munuera connaît, il en a parlé sur son compte Facebook le 10 novembre 2023 :

Una página de Yoshikazu Yasuhiko que me obsesiona desde que la descubrí en … 1983!

Qu’on peut traduire par :

Une page de Yoshikazu Yasuhiko qui m’obsède depuis que je l’ai découverte en… 1983 !

Reste à savoir s’il a connu Arion (cette page correspond à un épisode du troisième tome français) en import ou via une traduction. Je pencherais pour la seconde solution, mais allez savoir…


En revanche, si une traduction est bien parvenue aux lecteurs espagnols, je me dis qu’elle a pu inspirer la génération de Carlos Pacheco, par exemple.

Jim

Troisième tome très sympa. On ouvre sur la fin du récit de Prométhée, ce qui permet une redéfinition des enjeux, mais aussi des liens familiaux de tout le monde (il y a quelque chose de presque moliéresque dans les révélations surprises de paternités ou de fraternités, c’est amusant). Et ensuite, on enquille sur une quête, en vue de rencontrer un nouveau personnage, Lycaon, peut-être la clé de l’affaire. Pendant ce temps, Apollon complote contre son père…

Ça pulse, ça envoie du bois, les segments en couleurs sont très chouettes. Les bastons sont de plus en plus spectaculaires, selon le principe que le héros, à mesure qu’il avance dans son apprentissage, devient plus puissant, croisement habile de l’approche shonen, de la mythologie et… d’une super-héroïsation de l’ensemble. Il y a quelque chose de proprement comics dans la manière de faire évoluer l’histoire et surtout de jouer la surenchère visuelle.

Reste la dimension humoristique, portée par le personnage de Seneca : je n’y suis pas sensible mais le surjeu des personnages et le fait que ça n’empiète pas trop sur le récit fait passer la pilule sans problème.
Une très chouette découverte pour ma part, qui me fait attendre avec encore plus d’impatience la version française de Venus Wars.

Jim

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