Je ne connais pas Asadora, je regarderai ! Merci !
Comme je l’ai déjà dit dans un autre sujet (et quelques messages au dessus, je viens de relire
), c’est également mon préféré d’Urasawa (et Takashi Nagasaki) avec Pluto.
J’adore Asadora! mais j’attends de voir les développements sur la longueur. C’est souvent là que ça part en cacahuètes. Au même nombre de tomes (7 en ce moment), « Monster » et « 20th century boys » tiennent encore la route.
Et sinon, c’est vrai que cette discussion d’ouverture du tome 13 m’avait bien scotché!
Un récit qui mêle récit d’initiation, agence gouvernementale secrète, galerie de portraits attachante et kaiju.
Je me rends compte que c’est la première série d’Urasawa que je suis au fil des parutions, contrairement aux autres que j’ai lues alors qu’elles étaient déjà finies. Et j’adore ce sentiment d’attente, d’expectative.
Jim
Attends, va pas trop vite, nemo essaie de comprendre ta phrase.
Le quatorzième album est un tome profondément ancré dans l’exploration de la force créatrice des fictions. On alterne entre la création du nouveau chapitre inédit de la fameuse bande dessinée et la mission lunaire.

Le suspense est intense, comme toujours, et il y a tout un discours sur la confiscation des imaginaires, sur la commercialisation de la création, qui génère toujours une stérilisation des idées, une répétition des formules. Associer donc l’appauvrissement des fictions à la conquête lunaire, qui incarne une autre forme d’imaginaire bientôt tari, c’est assez astucieux. Comme est astucieuse l’association entre la bande dessinée et la paranoïa des années 1950.

Question dessin et narration, c’est toujours impeccable, avec des trognes particulièrement attachantes (même les salopards…) et une science consommée des cliffhangers. Et les différents fils narratifs se tricotent tranquillement, certains personnages secondaires dévoilant leur destin d’une époque à l’autre. Très prenant.
Jim
La montée du suspense jusqu’à l’attaque du 11 septembre est vraiment formidable. Les différentes tentatives de Kevin Goodman pour prévenir se retournent contre lui, à cause en grande partie de choses qu’il a mises en place précédemment : bien vu.

On sent aussi qu’Urasawa et Nagazaki finissent de mettre en place la complexe chronologie de leur intrigue, éclairant les liens entre causes et conséquences, entre événements du passé et situation du « présent ». Et donc, par rebond, qu’ils approchent de leur résolution.

Urasawa n’a pas son pareil pour décrire des personnages se situant dans le « bon » camp mais adoptant une apparence et une attitude inquiétante. Le personnage de Duvivier est à ce titre vraiment intéressant. Et puis j’ai rarement vu une histoire aller aussi loin dans les parallèles entre fiction et fascisme, et le portrait assez transparent qu’elle dresse de Disney est saisissant. Et là encore, Urasawa parvient à mettre de l’émotion, de l’empathie.
Et puis, il y a de l’humour. Beaucoup. C’est frappant quand on sort de la lecture de Monster (qui en contient aussi, mais dans un dosage moindre). Les retrouvailles de Jacky et du Japonais sont très drôles. On sent parfois les effets de remplissage, mais vraiment, ça fonctionne bien, et ça met en valeur les décalages absurdes où se retrouvent les personnages.
Jim
Le tome 18 constitue une redescente par rapport au précédent, promettant de gérer les conséquences. Et le choix narratif est habile : Urasawa et Nagasaki nous projettent non pas dans un futur, mais dans deux, puisque l’action est double, articulée autour de 2002 et de 2015.

C’est assez habile, parce que cela permet d’avancer dans le récit, mais pas trop violemment, en offrant des paliers, des étapes, et cela permet aussi de faire évoluer les personnages, séparément et en groupe.

En sus de la dimension métaphysique de l’intrigue, d’autres mouvements se manifestent, notamment autour d’Audrey, qui s’impose comme l’un de ces personnages complexes, plutôt négatifs, dont Urasawa sait faire évoluer la personnalité. Le récit s’installe dans un jeu de causes et de conséquences qui font bouger l’ensemble : notamment et surtout le personnage de Timmy.
Les auteurs en profitent pour aborder plein de sujets : le mystère de la création, le rapport au religieux et au fanatisme, l’espoir, le bourrage de crâne. Vraiment, une série multi-couches.
Jim
Et tu fais confiance à ce monsieur ?
C’est à tes risques et périls, sache-le !
(Bon, à part ça, hein, on attend tes retours avec impatience…)
Jim
Tome 1 avalé et c’est validé comme disent les jeunes. C’est un réel plaisir de retrouver le talent narratif des deux compères.
C’est fluide, rapide et minutieux.
Toujours ce même talent pour caractériser des personnages sur de non-dits et les silences signifiants.
Et c’est le bonheur de retrouver ce rapport à la fiction qui avait été entrouvert dans Monster et qui l’a prend sa pleine mesure.
Ne reste plus qu’à acquérir la suite …
C’est la série qui m’a remis à la lecture de mangas, il y a deux ans : outre ses qualités narratives et graphiques, sa thématique, il y avait aussi un côté immersif qui m’a complètement séduit.
Jim
En fait, la lecture de ce 1er volume m’a fait l’effet de me prendre un mur que je voyais depuis toujours et vient de me frapper de plein fouet d’autant plus que tu évoques l’aspect immersif.
Il n’y a pas de récitatifs, pas de monologues intérieurs, pas d’événements rapportés.
Et je viens seulement de me rendre compte (le fameux mur) que ces astuces narratives n’existent pas dans le manga. Le lecteur est toujours dans l’action avec le personnage, jamais en dehors, jamais au-dessus ou dans le commentaire.
Si quelqu’un à une explication historique sur ce phénomène. Ça m’intéresse vraiment
ça permet de faire durer une scène, et de laisser le temps à l’auteur de réfléchir à la suivante.
Plus tu as de pages, plus il réfléchit.
Oui mais il se passe énormément de choses et l’action avance très vite dans ce premier volume.
En plus faut que j’arrête d’y penser, j’ai déjà le cerveau en ébullition à penser aux thématiques abordées du style d’où viennent les créations et commencer à faire des ponts avec Argento voire Antonioni.
Je vais reposer mon cerveau …
Ou peu.
Y a de la voix off dans des épisodes de Planetes. C’est d’ailleurs pas mal foutu.
Mais oui, c’est rare. Le manga, c’est une écriture très johnfordienne : les personnages se définissent par l’action.
Demandons à notre maître à tous, @Tori.
Explication historique, ou bien sociologique, culturelle, éditoriale…
Peut-être qu’il y a eu des explorations formelles, ici et là.
L’explosion du gekiga a-t-elle donné naissance à une approche différente ?
Jim
Dans Mourir pour le Japon, il y a des blocs de récitatifs pour le narrateur omniscient dont la fonction est de donner des informations historiques.
Jim
Si, si, il y en a. C’est moins fréquent que dans les BD occidentales, mais il y en a.
Je ne me suis jamais posé la question, mais je pense que c’est en partie dû à Tezuka, qui a un peu posé les bases de ce qu’est devenu le manga. Et comme il s’est pas mal inspiré du cinéma, ça peut l’expliquer.
Ça, et le fait que le manga se consomme d’abord dans sa version prépubliée… Quand tu dois fournir ta vingtaine de planches par semaine (bon, il y a aussi des mensuels, bien sûr), tu ne t’attardes pas sur les récitatifs… et, comme dit Soyouz :
En revanche, si les récitatifs sont peu présents, les onomatopées sont omniprésentes (et, en plus, les Japonais ont des onomatopées pour tout).
Tori.
Le manga ne serait donc pas passé par la phase « littérature illustrée » comme l’ont fait le comic ou la BD franco-belge ? Ce côté très bavard afin de ne pas effaroucher ceux qui s’inquiètent de l’analphabétisme ?
Jim
J’ai été un peu radical mais c’est parce que je n’ai pas souvenir d’avoir lu un truc ou l’on nous fait suivre le monologue intérieur de personnages sur plusieurs volumes du type Elektra Assassin.
Oui tu as raison probablement sur Tezuka et l’influence cinématographique.
Oui, le vent… Et même le silence. « Le son du silence », ils savent ce que ça veut dire.
Je serais d’ailleurs curieux de voir si ça existe, et comment ils s’en sortent (parce que tu cites là, quand même, un jalon presque inaccessible de l’exercice de style).
Jim
Sur plusieurs volumes, non, sur tout un chapitre, voire plusieurs, ça arrive. Et même dans du shônen populaire, il y a des trucs qui s’en approchent (je pense notamment à certains passages de Hunter×Hunter ou de JoJo’s Bizarre Adventure, par exemple).
Tori.