BLAKE ET MORTIMER - LE DERNIER PHARAON (Thomas Gunzig, François Schuiten, Jaco Van Dormael / François Schuiten / Laurent Durieux)

Un album « à la manière de », un peu dans la logique de la collection « Le Spirou de… », arrive dans les bacs fin mai : Le Dernier Pharaon.

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Album hommage, cet opus promet au moins des réjouissances visuelles, et la couverture semble annoncer de belles choses.

Un article du Parisien :

Jim

Merci de l’info. J’adore Blake et Mortimer, ce tome va donc rejoindre ses petits frères dès la sortie !

J’ai lâché la série après un ou deux Van Hamme. Et je crois que la raison de cela, c’est que les « nouveaux » tomes ne cherchaient qu’à rester dans les rails de Jacobs, tant au niveau de intrigues que du dessin. Il n’y avait pas de réel enjeu de modernisation, ou d’interprétation. Et sur le principe, ça m’ennuie. Alors que ce tome avec Schuiten au générique, ça m’allèche.

Jim

C’est justement pour ça que j’aime toujours cette série, j’y retrouve quelque-chose de familier, avec des dialogues à rallonge et un style graphique identique.
Après je ne suis pas fermée à une évolution non plus, il faut voir le résultat avant de juger. Par exemple j’aime les Alix, mais j’aime aussi beaucoup les Alix Senator, où déjà le style graphique est totalement différent.

Je suis allé un peu plus loin que Jim (tout de même jusqu’au « Serment des cinq lords », soit neuf tomes post-Jacobs), mais dans les grandes lignes je partage assez l’analyse. Autant je suis grand fan des tomes jabobsiens, autant je suis embêté par le principe de ces suites franco-belges aux séries-cultes — Spirou étant historiquement un cas à part, et l’Alix Senator cité par Alexa une vraie exception — où, selon un mot qu’un éditeur avait lâché au moment de la reprise d’Astérix : « le lecteur ne doit pas voir la différence ». Enfin, le lecteur… il eût été plus honnête de parler de l’acheteur car c’est quand même d’abord de ça qu’il s’agit…

Alors tout n’est pas mauvais dans ce qui est produit sur ce modèle (certains Lucky Luke récents sont même trèèèès très largement au-dessus de la moyenne des derniers pondus par Morris, par exemple), mais quand même cette approche de formatage industriel est un peu tue-l’amour.

« L’Affaire Francis Blake » — très bonne surprise, boulot soigné, et plutôt original par rapport à la série (ensuite il faut faire abstraction de ce que Van Hamme repompe copieusement Les 39 Marches, mais bon…) — aurait très bien pu rester un cas isolé. Les suites, pour ce que j’en ai lu donc, ont oscillé entre le sympa oubliable, le médiocre assez bâclé, et le complètement foiré à pieds joints (mention spéciale à « La Malédiction des trente deniers » !). La stérilité de l’exercice de style est renforcée par l’obligation à rester coincé dans les limites d’une ou deux décennies données — une trahison idiote par rapport à Jacobs qui tentait, lui, de suivre son temps —, avec le ridicule d’un Olrik qu’on retrouve à la manœuvre toutes les quatre semaines. Mais tout en essayant de moderniser quand même le truc par l’ajout de personnages féminins. Bref un « piège diabolique » insoluble mais il faut bien continuer à vendre ! alors on produit, on produit.

Ce « Dernier Pharaon » qui semble zyeuter vers d’autres pistes a donc au moins le mérite d’être intrigant, ce que les Van Hamme et Sente ne sont plus pour moi depuis longtemps. Est-ce que ce sera une réussite pour autant ? On verra bien… mais déjà ça donne envie de voir…

Puis sinon, il reste les trois tomes des Aventures de Philip et Francis de Veys et Barral, qui derrière la parodie respire l’hommage plus sincère que les continuations officielles…

Merci pour l’info !

Article dans Le Figaro :

Jim

Et un entretien avec l’équipe aux commandes de l’album, extrait du quotidien belge Le Soir, du 13 mars 2019 :

Or donc, je l’ai lu.

Et c’est plutôt pas mal. C’est une sorte de « suite » au Mystère de la Grande Pyramide, avec son lot de références, de clins d’œil et de déclinaisons. L’intrigue s’étale sur quelques années (on ne dit pas combien, mais au vu de la végétation qui envahit la ville et des cheveux grisonnants des deux héros, c’est beaucoup), et propose une sorte de continuité alternative, ou de récit hors canon, en quelque sorte (la fin n’est pas un retour à la normale).

On notera que l’intrigue sépare les deux compères, Mortimer allant sur le terrain (et attirant toute l’attention du lecteur) et Blake restant en retrait en Angleterre, afin d’assurer que la mission de son ami se déroule sans accroc. Mortimer vedette, c’est devenu une tradition.
Graphiquement, c’est un festival, Schuiten déployant son talent pour les décors, mais aussi pour les ombres. C’est sublimé par les couleurs de Laurent Durieux, qui passent une partie des traits en couleur, ce qui est toujours du meilleur effet. Rajoutons un bullage fidèle à Jacobs mais un lettrage plus moderne, et on obtient un album qui dépasse le rang d’hommage.

Jim

Bon, mon oncle m’en avait que du bien, et en le feuilletant, il donnait envie, ce bouquin. Je crois qu’il va passer dans la liste, lui aussi !

Je crois que c’est le « problème » de ces reprises : à trop vouloir faire du Jacobs, est-ce que les auteurs et dessinateurs ne font pas que le singer ?

C’est pour cela que je suis plus client d’un Lucky Luke de Bonhomme, d’un Valérian & Laureline de Lauffray ou d’un Spirou de Féroumont.

Jim

Et le B&M de Schuiten devrait être pas mal aussi.

Oui, bien sûr. Selon moi, en tout cas. Un chouette équilibre entre le respect et la personnalité.

Jim

Tiens, puisqu’on en parle :

Cohérent jusqu’au bout. C’est exactement ce qu’il dit dans la longue interview donnée pour les Cahiers de la BD.

Ça faisait longtemps que je n’avais pas lu un B&M, et je peux dire que j’ai littéralement avalé cette BD. Il y a un paquet de trucs à dire sur celle-ci (et je ne vais pas arriver à dire les 50%, je pense), mais en tout cas, pour moi, elle respecte totalement l’univers de Jacobs, même en prenant peut être des libertés (de prime abord : moins de récitatifs, peut être, vieillissement des persos). Tous les ingrédients qui font l’ambiance de la série y sont bien présents (sauf Olrik peut être. Cela dit, Schuiten et ses amis arrivent à faire référence à un perso d’une autre histoire, mais je n’en dit pas plus). C’est Mortimer le perso principal, ici, mais Blake n’est pas loin. Le fait d’avoir situé l’histoire « plus tard », si je puis dire, explique aussi cela. Je trouve quand même le scénar assez chiadé, et avec un rythme plutôt soutenu, surtout pour un papy (ce qui n’est pas oublié, même s’il aurait pu peut être se casser une hanche ou deux), tout en étant très fluide. La fin est assez particulière, à se demander si les auteurs n’ont pas prévu cette fin comme étant ultime. En tout cas, je me demande si ce n’est pas une fin politique.
Question dessin, je n’ai pas pu profiter de la couleur (pour le coup, c’est dommage, mais je ne vais pas critiquer un cadeau qui portait d’une très bonne attention, la version N&B limitée et numérotée), mais j’en ai pris plein les mirettes. Précision monstrueuse (et architecturale) avec un scénario qui a peut être pu mettre encore plus en évidence Schuiten sur quelques demi-splash-pages.

Même après la lecture de l’interview lue dans les Cahiers de la BD, avec les notes d’intention, je ne suis pas déçu. Bien au contraire, je trouve que ce qui a été annoncé est bien présent, sinon plus.