BOX-OFFICE U.S. : DES FILMS ET DES CHIFFRES

Alors d’une part, toi, t’es un mioche. Pas seulement comparé à moi, mais aussi par rapport à l’histoire du genre, et de son commentaire. Ensuite, regarde la date de production de la série. Justice League sort en 2001 (et Unlimited en 2004). Largement après Kingdom Come ou la JLA de Morrison (et le travail de longue haleine de Ross). Donc ça rentre dans le cadre : ce n’est pas récent pour toi, mais c’est récent dans l’histoire des formes.
(Soit dit en passant, cette version animée est formidable.)
Je crois qu’à ce stade de la discussion, il convient aussi de rappeler l’existence d’Authority. Cette série, lancée en 1999, s’articule autour d’une parodie de Ligue de Justice (incarnée par Apollo et Midnighter) et de la constitution d’un groupe composé d’archétypes. Des archétypes tellement détachés de leur humanité qu’une partie d’entre eux porte des noms de métiers ou de fonctions (et à l’inverse, Jenny Sparks et Jack Hawksmoor renient l’identité héroïque en imposant leur nom). C’est une série qui joue la carte de la déconstruction mais qui participe aussi à la « divinisation » des héros (et si elle s’inscrit dans la logique de la JLA de Morrison, elle influence à son tour plein de choses, notamment les Ultimates).
Et là, on retombe sur l’article cité plus haut, qui est certes un peu léger et à l’emporte-pièce, mais qui ne dit pas de contre-vérité : la déconstruction et l’édification d’un univers de fiction, ça revient à tirer le chariot dans deux directions différentes. C’est tout le paradoxe des super-héros au cinéma (et c’est l’explication des âneries que peuvent débiter certains journalistes) : ils revivent en accéléré ce que leurs homologues de papier ont vécu au fil de longues décennies. De Blade en 1998 à Watchmen en 2009, ils refont un parcours en une décennie que les super-héros ont accompli de 1938 à 1986. Ce qui fausse la perception. Et pour en revenir à l’article, ce qui étonne le plus, c’est que les décideurs chez DC et Warner ne se sont pas rendus compte de ce décalage.
En fait, en poussant un peu le raisonnement de l’article, on pourrait peut-être suggérer une piste d’analyse : pendant des décennies, Warner a produit des films « en interne », à savoir que ça provenait de DC, qui leur appartenait, et qu’ils en contrôlaient les différentes étapes. A contrario, Marvel cédait les droits à des producteurs « externes ». Marvel a donc, davantage que DC, l’expérience de la déception face à des produits qui ne ressemblent pas, de près ou de loin, à ce qu’ils font sur le papier. Arrivent Blade, X-Men et Spider-Man, qui rencontrent le succès pas seulement parce qu’il y a, pour les deux derniers, des cinéastes à forte personnalité, mais également et surtout parce qu’il y a une évidente fidélité au matériau de base. Pour Marvel (surtout avec Quesada à la barre, qui connaît des gens dans l’audiovisuel et comprend certaines choses), la leçon est claire : la fidélité paie. Donc, s’il s’agit de produire des films, autant fabriquer des produits fidèles. C’est une version sérieuse de la boutade de Stan Lee qui disait « quitte à mal les faire, autant mal les faire nous-mêmes ». Avoir cédé les droits à des intervenants extérieurs a été une bonne leçon de stratégie, par contraste, pour Marvel.

Jim