BUDDY LONGWAY t.1-20 (Derib)

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Tiens, c’est marrant, je pensais avoir déposé quelques commentaires concernant la série. Après avoir lu l’hommage rendu par Vehlmann et Mobidic dans le numéro anniversaire de Tintin, j’ai eu envie de me replonger dans mes albums (parce que du Derib, ça se lit vite). Quelle ne fut pas ma surprise de constater que je n’ai pas tous les albums… Genre, je n’ai pas L’Orignal, le premier que j’ai lu (tout gamin : j’ai appris le mot dans cet album, je croyais au départ que c’était « L’Original »).

Le premier album, Chinook, marque les débuts du personnage, à la fois comme héros de BD mais aussi comme trappeur. Qualifié de « pied-tendre », il sauve une Indienne, ce qui lui vaut des ennuis avec les gens du fort, se retrouve pris entre deux feux au milieu de tribus indiennes qu’il confond, croise différents personnages dont un trappeur ermite qui n’a pas vu une femme depuis trop longtemps… Buddy est une sorte de candide qui découvre l’univers de l’Ouest sauvage où il a décidé de s’installer en même temps que ses lecteurs.

L’ambiance est plutôt optimiste, malgré tous les ennuis qu’endure le personnage. Et étonnamment écolo, malgré les animaux tués dont les fourrures sont vendues (à l’image du renard de la scène d’ouverture). En filigrane, on voit bien l’auteur établir une différence entre ceux qui vivent avec la nature (ce qui implique une lutte) et ceux qui apportent la « civilisation ». Un fil rouge qui grossira par la suite, au long de la série. L’optimisme permet de racheter les mauvaises actions de certains personnages, et le regard critique envers la civilisation incarnée par le fort est renforcé par la conclusion de l’album, à savoir le mariage de Buddy avec Chinook, la squaw qu’il a sauvée au début de l’album auquel elle donne son titre.

Derib officie encore dans un style semi-réaliste, avec des points noirs en guise d’yeux pour les personnages. Au fil de l’album, il déploie des effets narratifs assez innovants pour l’époque, à l’image de cases verticales de décors où évoluent les personnages parfois à contre-courant du sens de lecture. Petit à petit, il installera, en plus de ces découpages dynamiques, un trait plus réaliste et un encrage plus gras. Le tome 2 sera encore en transition et dès le troisième, l’essentiel de son style sera posé.

Jim

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En relisant le premier tome et en parcourant certains albums voisins, je me rends compte que Vehlmann et Mobidic ont en fait réinterprété, à leur sauce, des scènes oniriques souvent fréquentes chez Derib, et qui servent fréquemment à dévoiler des choses, à diriger les personnages vers leur destin, à leur donner les clés de leur avenir. Ce petit hommage prend un sens plus profond encore à la relecture de Chinook.

Jim

Fichtre, il m’en manque, quand même…
Donc, dans « Trois hommes sont passés », troisième tome de la série, Buddy et Chinook ont un fils, Jeremy. Ce dernier grandit avec eux dans leur cabane au fond des bois. L’enfant adopte un louveteau dont la mère a été abattue parce qu’elle attaquait le bétail.

Parallèlement, la petite famille va croiser trois hommes à la recherche d’une fortune facile grâce à l’or qu’ils pensent trouver dans la montagne. Mais Buddy reconnaît en eux des sources potentielles de problèmes. Le récit, dans une logique de « home invasion », va démontrer qu’il n’a pas tout à fait tort, même si Derib parvient à montrer un peu de lumière dans la noirceur.

Les deux intrigues (mécanisme auquel Derib va recourir à plusieurs reprises, ce qui permet de changer le point de vue, technique pas toujours fréquentes dans le franco-belge des années 1970) vont se croiser au bout d’un certain temps, dans une évocation musclée de la montagne, du monde sauvage et de la nature humaine.

Comme souvent chez Derib, c’est assez décompressé, peu bavard, linéaire dans sa construction et simple dans son intrigue, permettant à mettre en avant la condition humaine et les sentiments qui anime la famille du héros.

Jim

Mais, d’un autre côté, ça permet d’avoir des planches comme ça :

Bon sang, quand même, c’est beau !
Je dirais même plus : « Que la montagne est belle » !

Tori.

Héhéhéhé.
C’est peut-être ça qui a fait que j’ai adoré la série quand je l’ai découverte dans le magazine. Elle tient une place un peu à part dans mon panthéon franco-belge personnel.
Et c’est marrant, parce que finalement, à bien y réfléchir des années après, j’ai été marqué par beaucoup de séries en provenance de Tintin (Clifton, Bruno Brazil, Simon du Fleuve…) qui gigotent pas mal et qui s’éloignent assez vite de l’image planplan que l’on pouvait avoir du franco-belge de l’époque. Et pourtant, avec les années qui passent, je me suis fait une idée un peu caricaturale du catalogue, en pensant que chez Spirou ça bouge, et que chez Tintin c’est planplan (à l’exception de Buddy Longway, par exemple). Et ces dernières années, je remets tout ça en perspective à l’occasion de relectures (Bob Morane il y a quelques années, Comanche l’année dernière…).
Amusant comment l’esprit réécrit des trucs.

Jim

Trouvé deux tomes qui me manquaient (dans une série que j’aime beaucoup et pour laquelle j’ai encore, pourtant, beaucoup de manques), dont le deuxième, L’Ennemi.

L’action se déroule au début de la vie commune entre Buddy et Chinook, alors qu’ils trouvent leur havre de paix et qu’ils construisent leur maison. Une silhouette semble rôder autour de leur cabane en rondins (construite de leurs mains), et tout porte à croire qu’il s’agit d’un carcajou (un glouton, donc), même si quelques cases donnent des indices supplémentaires aux lecteurs et laissent entrevoir une silhouette d’homme.

On appréciera la continuité forte qui s’installe dans la série, avec une situation qui avance (et la dernière page en est une preuve supplémentaire), le retour de personnages précédents (et les notes de bas de page qui vont avec), et cette décompression propre à Derib qui fait de la série quelque chose d’à part dans le paysage éditorial de l’époque.

Chose intéressante, le style de Derib évolue à l’intérieur de l’album. Sans atteindre encore la fibre réaliste qu’on lui connaîtra plus tard, l’auteur change sa manière de représenter les visages, par exemple en remplaçant les olives noires et oblongues qui lui servent à matérialiser les yeux par des triangles blancs ornés de pupilles : c’est très palpable dans les portraits de Chinook.

Toujours ce charme bucolique, ce rapport du petit homme au grand paysage, qui n’est pas épargné par la mort mais qui laisse intact Buddy et Chinook, sortes d’Adam et Eve aux mains encore propres. Un ravissement graphique accompagné d’un portrait attachant du couple d’idéalistes.

Jim

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