TINTIN : JOURNAL DES JEUNES DE 7 À 77 ANS (1946-1988)

Dans cette catégorie « hommage qui raconte une histoire », il y a plein de chouettes récits.

Par exemple, le tandem Vincent Brugeas / Ronan Toulhoat, à savoir l’une des équipes actuelles les plus intéressantes, signe un récit de Lester Cockney assez sympa. Une altercation en Égypte, avec personnages réguliers, ancien ennemi et allié admiratif, ce qui occasionne quelques belles cases de souvenir. C’est dynamique, rapide, souriant.

Le Chevalier Blanc de Fred et Liliane Funcken est revisité par Tristan Roulot et Matteo Guerrero, qui joue la carte du vieillissement et du passage de relais entre génération, avec un jeune manant découvrant l’armure du héros… puis le héros lui-même. Petite remarque sur le bullage : les bulles de pensée sont à retravailler, quand même.

« L’Île du loup », une aventure de Blake & Mortimer par Jean Van Hamme et Teun Berserik, n’est qu’un prologue à un récit plus grand, visiblement. Est-ce une pirouette du scénariste ou réellement l’amorce d’un nouveau projet ? Il faudrait que j’aille vérifier sur d’autres forums, il me semble avoir vu passer des commentaires sur le sujet. Toujours est-il que c’est bien raconté et que ça peut donner envie d’en lire plus, même si ça détone dans le sommaire constitué d’histoires d’un seul tenant.

Dans la catégorie Blake & Mortimer, « Le Traquenard maléfique » est bien plus intéressant. Le récit s’inspire clairement du Piège diabolique, l’un des plus célèbres albums de la série, et rejoue la scène où Mortimer est coincé dans la machine temporelle du Professeur Miloch (ce qui a inspiré la première intrigue à rallonge dans le Tom Strong d’Alan Moore, lui-même fin connaisseur de Jacobs). Bien entendu, l’action, qui joue sur les ressorts classiques du paradoxe temporel, propose une fin lorgnant du côté du Voyageur imprudent de Barjavel.
La question dès lors est de savoir si le récit entre dans le canon ou pas. S’il est officiel ou pas. Si c’est le cas, alors il invalide Le Piège diabolique et redessine la continuité. Je ne suis pas sûr que l’impact en soit colossal, au demeurant, mais c’est étrange de vouloir ainsi « annuler » un tel jalon. Bon, Yann n’est pas à sa première manipulation temporelle, puisqu’il est associé à Morvan dans le scénario du cinquantième Spirou, lui aussi un voyage temporel.
Concernant l’écriture, Yann s’amuse avec les récitatifs, surjouant les répétitions entre didascalies indicatives et actions des personnages. Et cependant, il s’ingénie aussi à glisser des ellipses (notamment la manière dont Mortimer s’éclipse à la fin de la première confrontation), signe qu’il n’est pas dupe de sa boîte à outils narrative.
Question dessins, Simon Van Liemt livre des planches séduisantes, riches, totalement dans l’esprit jacobsien, mais avec une élégance et une modernité bienvenues. C’est très beau. J’ai mis un temps assez long à tilter qu’il s’agit du dessinateur de la nouvelle version de Ric Hochet, et je comprends mieux mon engouement pour ses personnages.

Le dessinateur Clarke donne une « fin » à Simon du Fleuve, poussant jusqu’au bout la logique post-apo de la série dans un ultime récit tout en cases horizontales, qui réactivent les peurs nucléaires de l’époque, en parfait écho avec les inquiétudes actuelles. Saisissant.

En revanche, pas convaincu du tout par la reprise de Nanouche, par Jérôme Hamon et David Tako, le tandem de Green Class. L’histoire, qui commence sur un plateau de tournage, me semble mal équilibrée, et les dialogues trop allusifs pour offrir une véritable caractérisation, malgré les efforts pour faire vibrer une corde tissée de sentiments.

Davantage séduit par l’histoire d’Arya, qui se situe entre le troisième et le quatrième album, et qui associe l’évocation d’un schamanisme de bazar qui fonctionne bien et d’un féminisme guerrier qui a un petit goût de reviens-y. Le scénario de Hugo Poupelin est dense, avec des dialogues riches en caractérisation, et le dessin de Frédéric Genêt est très joli.

Les trois pages que Bastien Vivès consacre à Julie, Claire, Cécile sont bien entendu très belles, assez creuses mais l’ensemble est sympathique.

Yves Swolfs livre une aventure de Ringo, un convoyage de diligence dont l’une des passagères cache un secret. Sympa, un peu rapidement résolu, mais propre.

N’étant pas connaisseur de Gilles Roux et Marie Meuse, je n’ai que moyennement goûté la petite histoire de Chris Lamquet et Magda, qui met en scène les deux personnages (et leurs chats) lors de retrouvailles peu chaleureuses des années plus tard. Je manque sans doute de familiarité avec la série pour en savourer l’hommage.

En revanche, Quentin Zuttion signe un magnifique hommage aux Pom et Teddy de François Craenhals, racontant la rencontre entre les deux héros orphelins. Quelques pages de préquelle qui toucheront tous les amoureux de la vie animale.

Et puis, il y a le récit de Buddy Longway, par Fabien Velhmann et Mobidic, qui se concentre sur le personnage de Chinook. Là encore, l’histoire se déroule avant la série et joue sur la connaissance que les lecteurs peuvent en avoir, en éclairant le personnage principal par le biais d’un personnage secondaire.

Jim

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