Comment ça, Warren Ellis reprend Captain Swing ?
Pas tout à fait.
Captain Swing and the Electrical Pirates of Cindery Island est un projet du célèbre scénariste qui s’essaie à une énième variation sur les univers steampunk chez l’éditeur Avatar, auprès de qui il semble avoir trouvé un petit espace de liberté afin d’y développer des univers personnels.
J’ai lu le TPB récemment, et je me suis étonné de voir qu’il n’y avait pas de sujet dessus.
Le récit commence en décrivant les luttes entre différentes forces de l’ordre, les policiers londoniens (les fameux « bobbies ») face à d’autres milices constituées et plus violentes. Tout s’articule sur l’assassinat de plusieurs bobbies, prétexte à l’exploration d’autres thématiques. La structure du récit (début à Londres, voyage et retour, résolution…) éloigne puis rapproche le personnage central, proposant un récit initiatique déguisé (et suffisamment bien déguisé : je déteste les récits initiatiques qui s’affichent comme des récits initiatiques, et là, Ellis fait la démonstration de sa grande roublardise).
Le voyage est donc prétexte à l’évocation d’autres thèmes, qui sont, entre autres, le rapport à la science et à la modernité (et en filigrane la métamorphose des sociétés industrielles) et l’engagement politique, limite anarchiste, dans le but de susciter une libération des masses laborieuses.
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Le fameux Captain Swing du récit reprend à son compte l’imagerie du Spring-Heeled Jack, sorte de croquemitaine bandit de grand chemin, entre justicier et égorgeur, profondément associé à l’imaginaire du Londres du XIXe siècle. Ce personnage, sujet de tous les soupçons des policiers (qui de surcroît ne croyaient pas à son existence), incarne un état d’esprit contestataire.
Et la suite du récit, qui démontrera que ce Captain Swing est avant tout une idée (et qu’on peut tuer un homme, mais qu’il est difficile de tuer une idée), permet à Ellis de montrer une passation de pouvoirs, une reprise d’identité, qui place le récit, toute proportion gardée, dans la foulée d’un V for Vendetta d’Alan Moore ou d’un Invisibles de Grant Morrison, auxquels Captain Swing me semble un hommage évident.
Bref, c’est conseillé.
C’est dessiné à la Avatar, soit un peu vulgaire et rempli de détails, mais ce n’est pas désagréable. Caceres évoque parfois un Pat Broderick de l’ancienne manière (quand Broderick dessinait bien), et le récit contient de nombreuses images saisissantes (le bateau à rames qui vole…).
Sous ses allures d’énième représentation d’une science-fiction antidatée, Captain Swing parle de politique, au sens « vie dans la cité ». Un bon Warren Ellis qu’il conviendrait de ne pas négliger sous prétexte qu’il est publié chez un éditeur à la devanture d’ordinaire racoleuse.
Jim