CROMWELL STONE (Andreas)

Discutez de Cromwell Stone

Cromwell Stone déboule en courant chez l’un de ses amis, avec qui il a rendez-vous. Visiblement affolé, il est saisi par la peur et doit raconter à son compagnon d’infortune un récit fait de mystère et de terreur, qui sert de biais afin de présenter l’intrigue.

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S’inscrivant dans la lignée des textes de Lovecraft, dont une citation, très connue, est placée en exergue, Cromwell Stone contient sans doute certaines des pages les plus marquantes de toute la carrière d’Andreas. L’auteur travaille en noir et blanc, avec un système complexe de hachures qui évoquent la gravure et au milieu desquelles des aplats noirs viennent renforcer le caractère angoissant de certains objets ou personnages.

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On sent dans cet album l’influence d’auteurs américains de renom : Wrightson, bien évidemment, mais sans doute aussi Starlin et peut-être Simonson. Les pages sont complexes mais guident aisément le regard, et le trait est parfaitement maîtrisé.

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La résolution de l’énigme, comme souvent, est peut-être un peu rapide et décevante, tant la montée est bien gérée. Mais l’ouverture finale, qui permet de faire rebondir l’intrigue, tombe à point nommée. Une belle réussite, malgré quelques détails qui demeurent inexpliqués (mais est-ce un mal ?) et qui devront attendre les deux « suites », Le Retour de Cromwell Stone et Le Testament de Cromwell Stone, afin d’être dûment éclairés.

Jim

L’ensemble de la saga a été repris dans une intégrale, qui arbore quasiment la même couverture que le premier tome.

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bientôt, commentaire des deux autres tomes.

Jim

Le Retour de Cromwell Stone commence comme le tome dont il est la suite, à savoir par une course éperdue de quelqu’un qui semble fuir un danger… ou une révélation.

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Le récit, visiblement réalisé à un autre format (le trait est plus fin, Andreas s’éclate avec des pleines pages ou des doubles pages proprement étourdissantes, mais on remarquera que le lettrage est plus petit, ce qui pourrait confirmer ce changement en termes de production), joue à nouveau la carte de l’hermétisme, dissimulant autant qu’il en révèle.
Grosso modo, nous savions que Cromwell Stone et ses amis (qui disparaissent un à un) ont échappé à un naufrage et décidé de dissimuler un secret. Le nouveau volet parle à nouveau d’un naufrage, d’un secret, d’un objet, d’une poursuite, de morts suspectes… Le récit recourt à un procédé littéraire prisé dans la littérature fantastique (et notamment chez Lovecraft), à savoir du journal (ou de la trace écrite) permettant de passer aux personnages et à leurs lecteurs des informations soit essentielles soit complémentaires. Voici donc que Marlène Parthington et son époux découvrent des éléments qui les dirigent fatalement vers le destin tragique qu’a connu Stone. Ce dernier, qui apparaîtra à la fin du récit, est diminué, fatigué, mourant, et passera le relai à sa « remplaçante ».

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Entre-temps, le récit se donne pour ambition d’expliquer la nature des objets apparus dans le premier volet, les raisons du complot menaçant l’existence du cercle de Stone, mais également, tant qu’à faire, la vie, l’univers et le reste. Le grand écart que propose alors Andreas, entre d’un côté les destins humains qui avancent à tâtons dans le vaste univers indifférent (et lovecraftien) qu’il décrit, et de l’autre les entités cosmiques (ou cosmogoniques) à l’origine de tout, procure un vertige communicatif. Et aussi indicible qu’incompréhensible.

L’album se conclut sur une bulle : « merci ». La même que celle du premier tome. Et la même que celle qui concluera le troisième volet. Et qui donne la pleine mesure des différences d’échelles : il se passe sous les yeux des personnages un drame à l’échelle de la création tout entière, et les observateurs s’accrochent à leurs souhaits, leurs satisfactions personnelles et immédiates (parfois égoïstes) sans avoir pleinement conscience de la nature des choses. Aussi troublant que difficile à résumer.

Jim

Le dernier album de la trilogie s’intitule Le Testament de Cromwell Stone pour la bonne raison que ce dernier a quitté ce monde, laissant à Marlène la tâche de continuer sa mission et d’accomplir ce qu’il doit accomplir, pour mystérieux que ce soit.

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Mais la série étant marquée par des fuites et des drames, la jeune femme est prise dans un crash d’avion et recueillie par un couple sympathique qui projette sur le désarroi de Marlène les sentiments qu’ils éprouvent à l’égard de leur propre fille morte trop tôt. De son côté, la rescapée comprend que le destin l’a conduite à proximité de l’endroit où, justement, elle pourra se faire l’exécutrice testamentaire : mais cela revient à se rendre dans une tour colossale (et visible de très loin) dont le couple ne veut pas approcher.

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Une fois de plus, les informations nouvelles pouvant éclairer ce qui a été énoncé plus tôt apportent à leur tour des questions sur la nature du monde, mais également sur l’identité, sur la place dans la société, sur le rôle dans la vaste trame. L’intrigue porte autant sur la mission de Stone, qu’il faut compléter, que sur le rôle de Marlène. Que va-t-elle devenir une fois la mission accomplie, alors qu’elle a été confrontée à l’indicible du cosmos ? L’album propose une réponse surprenante, avec ce fameux « merci » de conclusion qui se teinte de mélancolie et, bien entendu, laisse sur sa fin. À l’image de l’ensemble de la série qui, clairement, nous dit autre chose que ce qu’elle nous dit. Oui. Mais quoi ?

Jim