Sans nul doute, Derrickson est un technicien compétent : mouvements d’appareil classieux sans être ostentatoires, photographie qui claque, ambiance pluvieuse post-« Seven » maîtrisée… Le film en jette visuellement, c’est indéniable.
Pour le reste, c’est un des pires films que j’ai vu en salles depuis fort longtemps (malgré la concurrence -non négligeable- de « Annabelle » !!).
Derrickson s’empêtre dans une histoire de possession à dormir debout, à base d’invocation en latin (qui font plus penser au François Rollin de « Kaamelott » qu’autre chose, mais bon) et de « possédés » très agressifs, la preuve ils sont très moches et ils bavent beaucoup.
Si le début du film (notamment du fait de la réalisation) intrigue et aligne quelques bonnes idées, comme la séquence du zoo (pas con), le tout s’enfonce rapidement dans la médiocrité avec des persos caricaturaux au possible (celui incarné par le pourtant bon Eric Bana, qui joue le rôle essoré du flic-abîmé-par-son-job-parce-qu’il-en-a-trop-vu : pitié) ou à l’inverse totalement improbables (j’aime bien le charismatique Edgar Ramirez, mais si lui il est curé moi je suis gogo-dancer).
Il y a d’autres acteurs intéressants au casting comme Joel Mc Hale (hilarant dans la série « Community », et plutôt bon ici en sidekick bourrin et bas de front mais sympa au fond), mais il se fait dégager vite fait quand le perso de Ramirez entre en scène
et se fait même démastiquer comme un malpropre dans l’indifférence générale lors d’une scène assez glauque…
L’intrigue, quant à elle, est d’une linéarité et d’une indigence rare. Vraiment. On attend un retournement, un truc, quelque chose, mais non, rien ne se passe, et le film se déroule exactement de la manière dont on l’imagine passée l’exposition. Pas forcément un problème en soi, sauf si ce que l’on imagine c’est un truc pourri qu’un gamin de cinquième vaguement fan de Marilyn Manson pourrait pondre. Assez hallucinant de laisser passer un script aussi bateau à ce niveau, quand même.
Comme dans la moitié de sa filmo, le climax du film est une séance d’exorcisme pas piquée des hannetons : toujours aussi bien shootée, la scène évoque malheureusement plus le Leslie Nielsen de « Y a-t-il un exorciste pour sauver le monde ? » que le William Friedkin de la grande époque, hélas. Effets comiques involontaires garantis comme sur le reste du film d’ailleurs, où à deux trois vannes « volontaires » près, l’absence totale (j’insiste : totale) de second degré vient teinter le film, en plus de cette drôlerie, d’un parfum vaguement puant.
En effet, le film ne raconte rien d’autre que l’histoire d’une conversion (un athée qui revient vers l’Eglise) : pourquoi pas. Je suis pas contre par principe (il y a des films « mystiques », comme ceux de Dreyer ou de Bresson, qui m’ont ému aux larmes). Là où c’est plus problématique, c’est la conception incroyablement rétrograde de la religion vue par Derrickson : si l’on en croit le destin du sidekick, c’est « convertis-toi ou meurs », par exemple. Quant à la motivation du héros « converti », c’est la peur, la terreur, tout simplement. Drôle de vision du message de Jésus, pour ce que j’en ai compris. Derrickson a une vision assez terrifiante de la foi, je trouve : plus Sainte-Inquisition que François Ier, quoi.
Tout ça fait très peur dans la perspective du « Doctor Strange » à venir, malheureusement.