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Captain Marvel 37 à 39 : « Lift-Off ! »/"…No Way Out !"/"The Trial of The Watcher"

Après l’âge d’or qu’a constitué le run de Jim Starlin, c’est son compère Steve Englehart qui se voit confier les rênes de la série. Celui-ci va alors l’écrire dans la continuité de son prédécesseur tout en y apportant son propre style et en concluant les intrigues en cours. Un choix somme toute logique vu que Starlin, estimant avoir encore des progrès à faire dans le domaine de l’écriture, avait demandé à son ami de se charger des dialogues des deux derniers épisodes de son run, reprenant ainsi le flambeau de Mike Friedrich.

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Signe de l’entente entre les deux, Englehart va jusqu’à développer une sorte de tie-in avant l’heure à la saga de Thanos dans les pages d’Avengers, suite à une demande de Starlin, afin de donner plus de visibilité et d’ampleur à son récit.

Cet épisode déroule un curieux chassé-croisé de fils narratifs, liés à différentes séries, mais qui ne l’empêche pas d’être plutôt clair dans son déroulement (Cap sort tout juste des événements de l’Empire Secret tandis que le récit au long cours impliquant Mantis se poursuit). Le scénariste du proto-crossover Avengers/Defenders War fait preuve de sa tendance à l’interconnection des titres qu’il écrit, à l’instar du retour de Dormammu dans le titre Doctor Strange, et qui ensuite vient jouer les trouble-fêtes lors du double mariage (le mémorable Giant-Size Avengers 4).
L’élément le plus notable de ce récit, outre l’encrage de Cockrum qui en un sens me rappelle un peu l’approche de Palmer sur certains aspects, est le sub-plot qui implique l’armée de Thanos, constituant une flotte spatiale envoyée vers la terre par le titan fou en guise de diversion, tandis qu’il vaque à ses propres desseins sur ce monde (comme quoi le soporifique crossover Infinity n’est pas un sommet d’originalité).

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Englehart débute son run en embrayant sur les conséquences immédiates, notamment l’empoisonnement de Mar-Vell par le composé 13 (celui-là même qui est la cause du cancer qui finira par l’emporter). Pour la partie graphique, son choix se porte logiquement sur un ami de Starlin, Al Milgrom. Au départ il fonctionne avec lui de la même manière qu’avec Brunner, le dessinateur participant activement au scénario lors de leurs diverses rencontres, étant du coup crédité en tant que « co-plotter ».

Néanmoins, cette méthode de travail s’est terminée au bout de six mois en raison du déménagement d’Englehart en Californie (Gerber a fait de même et a profité du long voyage et des problèmes de deadlines d’Howard the Duck pour délivrer un des épisodes les plus originaux des années 70). C’est l’occasion pour Milgrom d’avoir une marge de manoeuvre supplémentaire, au point que Englehart a finit par s’occuper essentiellement des dialogues sur la fin, le run se finissant donc comme il avait commencé.

Exit l’amourette avec Lou-Ann, Rick Jones part sur les routes en compagnie d’un manager enthousiaste et d’une collaboratrice mal lunée, au départ en tout cas.
La plupart des ennemis de Mar-Vell lors de cette période vont se révéler être tous liés, d’une manière ou d’une autre, à un groupe de Krees bleus renégats, la Légion Lunatique, des extrémistes racistes obsédés par la pureté génétique de leur peuple, et ouvertement hostiles envers les krees blancs, issus du métissage. Le protecteur de l’univers au service d’Eon est donc pour eux une cible toute désignée, en plus d’être un traître à son peuple selon eux.
Leur principal fait de gloire est surtout d’avoir donné ses pouvoirs à Nitro, ayant plus tard joué un rôle crucial, quoique indirect, dans le décès de Mar-Vell, sans oublier l’incident de Stanford au début de la première Civil War. Suite au crossover Operation: Galactic Storm, la Légion Lunatique a fait son retour par le biais d’une nouvelle version lors du run de Harras sur les Vengeurs.

Le scénariste profite de ce contexte pour évoquer les origines du conflit Kree/Skrull, une histoire relatée à la façon d’une fable, centrée sur le principal enjeu, au point que l’on peut se demander si le narrateur kree a pu enjoliver certains détails, afin de donner le beau rôle à ses ancêtres.

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Avec les apports d’Englehart et Starlin sur cette série, tous deux adeptes des paradis artificiels à l’époque, il n’est pas étonnant dès lors d’y retrouver un aspect psychédélique, notamment par le biais de la conscience cosmique, une expansion de la perception pas si éloignée d’un trip. Englehart va même jusqu’à accentuer le parallèle. Au moment de leur voyage vers la Lune, Rick Jones va ainsi expérimenter malgré lui les effets d’une drogue, qu’il croyait être de la simple vitamine C. Les hallucinations provoquent au départ des inconvénients pour la constitution extra-terrestre de Marvel, guère habituée à ces substances.

Mais très vite, cet autre état de conscience libère certaines potentialités, accentuant la symbiose de Rick Jones et de l’ancien guerrier kree, agissant encore plus à l’unisson que d’habitude, une manière d’approcher le sujet décidément loin de l’image plus négative des psychotropes que l’on retrouve dans d’autres oeuvres de la même période (les addictions auxquels sont confrontés Harry Osborn, Tony Stark et Speedy le sidekick de Green Arrow).
Cet élément est présent en filigrane certes, mais il est tout de même là, le signe d’une certaine liberté pour l’équipe créative, bien à son aise dans cette décennie où les éditeurs étaient moins sur le dos des scénaristes (chez la maison des idées en tout cas).

À la longue, cet état proche de la fusion des deux individus, va se révéler être le résultat d’une manigance de L’Intelligence suprême, dans une énième tentative de mêler le potentiel génétique des Krees et des Terriens. D’ailleurs cette situation devait se reproduire lors du 200ème épisode d’Avengers, puisque la grossesse de Carol Danvers devait au départ être le résultat de cette recherche d’hybride, avant que Shooter ne décide qu’il valait mieux trouver une autre explication.
Le moins que l’on puisse dire c’est que Miss Marvel n’en est pas ressortie grandie, au point que cette situation fasse l’objet d’un coup de gueule de la part de Claremont, dans le fameux annual illustré par le trop rare Michael Golden. Vu l’attachement du scénariste des X-Men pour le personnage on peut comprendre qu’il l’ai eu mauvaise.

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Pour revenir à la série dont il est question ici, il y a dans cette poignée d’épisodes une saga qui se démarque à mon sens, celle du procès d’Uatu, dont le postulat de départ est la suite logique aux agissements du personnage, et plus précisément ses multiples ingérences dans les affaires terriennes. Dans le cadre de cette trilogie, il va finalement devoir répondre de ses actes devant une assemblée, dont les membres sont assez peu peu enclins à partager une autre vision sur le même problème, celle de Mar-Vell qui se retrouve dans le rôle pluto ardu de l’unique défendeur.

Cet arc marque aussi la toute première apparition d’Aron le gardien renégat, appelé à avoir par la suite un rôle prépondérant dans le titre Fantastic Four, justement sous la plume d’Englehart, puis de DeFalco (deux de mes runs préférés de la série).
Le personnage est encore à ce moment-là un jeune candide, qui à son premier aperçu du monde extérieur au sien, ne va pas tarder à en reproduire les mécanismes, en particulier au contact de Mar-Vell (accusé du coup par les gardiens de l’avoir corrompu).

Les planches manquent parfois d’une certaine ampleur dans la représentation du monde des gardiens, la faute au style plus sage d’Al Milgrom par rapport aux expérimentations de son prédécesseur, mais tout de même rehaussé dans ce cas précis par l’encrage toujours impeccable de Klaus Janson, dynamisant l’ensemble, à l’instar de ce qu’il a pu faire avec l’avant-dernier épisode du run de Starlin, sans doute le plus péchu graphiquement.

Avec ce récit les auteur ont l’occasion de se pencher sur ce paradoxe récurrent dans l’histoire du personnage, source de conflit interne, à savoir cette tendance à intervenir malgré les préceptes de sa patrie. Comme tous les autres gardiens, il est en théorie inféodé à son voeu de non-ingérence, une règle qu’il va toutefois briser à maintes reprises, le plus souvent dans le cadre des affaires terriennes. Cette neutralité de tous les instants qu’il respectait auparavant va avoir toutefois des conséquences insoupçonnés dans la la cosmogonie de l’univers Marvel.
Lors de sa longue existence, Uatu a fréquemment rencontré Galactus, dès lors les deux restent inextricablement liés, et cela jusqu’à la fin, ou du moins la conclusion, par le biais de la Last Galactus Story inachevée de John Byrne.

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Bien vite il est devenu une figure incontournable de l’univers partagé alors en construction, faisant office de point de repère, de lien entre la terre et le monde extérieur, et plus largement entre les débuts de la série Fantastic Four et la période plus cosmique/exotique qui débute avec l’ère Sinnott.
Ce rôle d’annonciateur de périls à venir, permettant d’accentuer la tension dramatique, va fonctionner à merveille lors d’événements à teneur cataclysmique, qu’il s’agisse de la « Galactus Trilogy » ou encore la saga « In Search of Galactus », où il fait monter la sauce à propos de l’affrontement entre Galactus et le Sphinx, hypant bien comme il faut le lecteur, annonçant avec moult superlatifs le duel à venir tel un commentateur sportif, avec moins d’enthousiasme mais plus de gravitas.

En raison de l’augmentation des événements de grande ampleur, il apparaît le plus souvent dans ce genre d’histoires, finissant par être pris pour acquis.
Ses interventions sont à la longue de l’ordre du simple gimmick, symptomatique d’un systématisme un brin pantouflard, consistant à placer le personnage dans la plupart des events Marvel des années 2000, histoire d’assurer le lecteur qu’il se passera quelque chose d’important (et tant pis si les défunts ressuscitent et les conséquences sont défaites). Le fond est atteint lorsque Uatu en est réduit à se fait tabasser gratuitement par le Hulk rouge.

À partir de là il paraît clair que Marvel ne fait plus grand chose d’intéressant avec lui, il ne lui reste donc plus qu’à assumer un dernier rôle, celui du témoin gênant à abattre. C’est chose faite dans le cadre d’Original Sin, un des rares crossovers potables de ces dernières années, avec son intrigue de « whodunit » à l’échelle cosmique qui change agréablement des events qui usent jusqu’à la corde cette convention du genre qu’est le « héros contre héros », assez lassante à force d’être utilisée de plus en plus fréquemment.