REALISATEUR
Rouben Mamoulian
SCENARISTES
Samuel Hoffenstein et Percy Heath, d’après le roman de Robert Louis Stevenson
DISTRIBUTION
Fredric March, Miriam Hopkins, Rose Hobart, Holmes Herbert…
INFOS
Long métrage américain
Genre : drame/horreur
Titre original : Dr Jekyll & Mister Hyde
Année de production : 1931
Lorsque le studio Paramount se lance dans la production de Docteur Jekyll & Mister Hyde en 1931, première adaptation parlante du célèbre court roman de Robert Louis Stevenson, la version muette de John S. Robertson interprétée par John Barrymore jouissait toujours d’une excellente réputation. Il fut donc demandé au comédien de reprendre le rôle qui le rendit célèbre, mais celui dut décliner l’offre, puisqu’il était au même moment sous contrat avec la Metro-Goldwyn Mayer.
Plusieurs acteurs furent ensuite envisagés, mais selon le réalisateur Rouben Mamoulian (qui signera en 1940 Le Signe de Zorro avec Tyrone Power), seul Fredric March, juste là connu pour des films un peu plus légers, avait les qualités nécessaires pour camper le double-rôle de Jekyll et Hyde…et pas juste parce qu’il partageait une certaine ressemblance avec John Barrymore. La prestation de March fut salué par la critique et l’acteur fut même récompensé par l’Oscar du Meilleur Acteur, reconnaissance rare pour un rôle horrifique.
Je suis quant à moi un peu plus partagé sur sa performance. Son Jekyll s’éloigne du portrait presque christique de la version de 1920. S’il est toujours aussi dévoué à ses malades, Henry Jekyll n’est pas étranger à la tentation et se révèle souvent arrogant et hautain lorsqu’il s’adresse à ses collègues en exposant ses théories sur la dualité de l’être humain. Amoureux de Muriel Carew (variation sur la Millicent Carew de la pièce de théâtre de 1887 et du film avec Barrymore), il ne supporte plus les règles strictes de la société dans laquelle il vit et qui l’obligent à retarder leur mariage.
Lorsque sa bien-aimée s’éloigne pour un séjour avec ses parents, Jekyll y voit l’opportunité pour tester une potion de son invention. Le breuvage fait ressortir son côté primitif, physiquement comme mentalement…Hyde n’a pas de sens moral et ne connaît pas de limites. Il peut faire ce qui lui plaît et gare à qui se met sur son chemin. Et cet être ignoble a jeté son dévolu sur la pauvre Ivy Pearson, une chanteuse de bar qu’il va s’employer à tourmenter…
Convaincant en amoureux transi et en homme tourmenté par ses pulsions, March l’est moins dans la phase Hyde de son interprétation. Le film est réputé pour ses trucages toujours aussi saisissants pendant la transformation, mais le maquillage final est beaucoup trop surchargé à mon goût, faisant ressembler Hyde à un homme de Neanderthal perpétuellement hilare que March surjoue de façon caricaturale (un Hyde simiesque qui influencera tout de même de nombreuses déclinaisons qui suivirent).
On est loin de l’efficacité de la composition de John Barrymore (certaines idées sont tout de même reprises comme un visage de plus en plus monstrueux quand Hyde prend l’ascendant sur Jekyll sans avoir besoin de la formule).
S’il ne propose que peu de rebondissements (ce qui donne un rythme assez lent jusqu’à la révélation finale), le scénario ne manque pas d’éléments intéressants. Restreint par une morale chrétienne étouffante, Jekyll se libère totalement lorsqu’il cède à ses instincts primitifs (le « I’m free » de Hyde ressemble dès lors à une seconde naissance). L’histoire est imprégnée d’une tension sexuelle forte, incarnée par le personnage de la chanteuse de bar dont les longues jambes et la poitrine entraperçue ne résisteront pas aux ciseaux de la censure instaurée par le Code Hays à partir de 1934 (scènes qui seront réintégrées quand les studios américains se débarrasseront de l’encombrant Code).
Dommage que la réalisation ampoulée de Rouben Mamoulian ne parvienne pas à installer une atmosphère ténébreuse à souhait. L’emploi de la caméra subjective et de l’écran partagé n’apporte également rien à un ensemble souvent un peu trop poussif, malgré les qualités soulignées ci-dessus.
Cette adaptation datant de 1931 est toujours considérée comme l’une des meilleures transpositions sur écran de l’oeuvre de Robert Louis Stevenson…pour ma part, je trouve tout de même que ce film n’a pas très bien résisté à l’usure du temps…