DUNE I & II (Denis Villeneuve)

Dune-de-Frank-Herbert

Depuis novembre dernier, c’est Legendary Pictures qui détient les droits cinématographiques et télévisuels du Cycle de Dune initié par Frank Herbert en 1965…et le studio des grands monstres (Kong : Skull Island, Godzilla : King of Monsters…) n’a pas attendu longtemps avant de trouver le réalisateur qui se chargera de porter à nouveau cet univers sur grand écran (après la fameuse tentative avortée de Alejandro Jodorowsky dans les années 70 et le Dune de David Lynch en 1984).

Brian Herbert, le fils de Frank Herbert, a en effet annoncé sur son compte twitter que Denis Villeneuve, un grand fan des romans, sera le réalisateur d’une nouvelle adaptation de Dune pour le cinéma. Le metteur en scène canadien continue ainsi de s’imposer dans le domaine de la science-fiction après Premier Contact et Blade Runner 2049.

Plus de détails sur ce projet dans les semaines à venir…

Tant qu’à faire, autant partir sur une trilogie, c’est la mode et ce serait certainement justifié vu la masse d’infos à mettre en place.

Un fait largement méconnu est que le Dune de Lynch devait justement être le premier volet d’une trilogie… L’échec du film en a décidé autrement. (Toutes proportions gardées, en particulier quant à la qualité du matériau de base, on peut repenser aussi, pour un parallèle récent, au cas de l’adaptation de His Dark Materials / À la croisée des mondes.) J’ai tendance à penser que ça explique une bonne partie du côté bancal de l’ouvrage. Il y a des choix d’adaptation (des choses retranchées d’un côté et d’autres sur lesquelles on se focalise de l’autre) qui semblent bizarres dans le cadre d’un film unique mais qui auraient pu faire sens si la saga avait été continuée.

Par exemple (je ne sais pas si ça justifie un spoiler… mais bon, s’il y en a qui ne connaissent vraiment rien à l’histoire) l’insistance répétée sur la mise en doute du fait que Paul soit le kwisatz haderach, le messie « attendu »/conçu par le Bene Gesserit, du fait de la « faute » de Lady Jessica. Si on n’a pas lu le livre, ça peut laisser assez circonspect surtout mis au regard de la scène finale avec Alia qui proclame sous la pluie que son frère est (bien) le kwisatz haderach. Bon, ben voilà, c’est l’Élu, point.

Certes, dans l’absolu, difficile de ne pas trouver cette fin abrupte, et cette soudaine averse de pluie aussi lourde qu’improbable [size=85](même si on n’est pas non plus dans le contresens complet qu’envisageait Jodorowski… mais lui n’avait carrément pas lu le livre… :unamused: )[/size].

En revanche, si on a en tête que le film devait ouvrir sur la suite des romans… c’est-à-dire le fait que Paul n’est effectivement pas le messie, qu’il n’en est qu’une version imparfaite, mais que ça n’empêchera pas Alia de monter une véritable théocratie fondée sur le culte de son frère… il me semble que cette perspective donne un éclairage différent… :smiling_imp:

Je reste très attaché, sans doute de façon déraisonnable, au film de Lynch auquel, pour tous ses défauts, je trouve tout de même pas mal de qualités, et notamment poétiques, et que j’ai dû voir et revoir un nombre incalculable de fois depuis mon adolescence. (J’ai aussi relu plusieurs fois toute la saga de Herbert, mais tout de même moins souvent, parce que ça prend plus de temps. :mrgreen: ) Le projet de Jodo ne m’a jamais fait particulièrement rêver, et la première mini-série de la BBC n’a à peu près pour elle que sa plus grande fidélité au roman, en dehors de ça c’est la cata à tous points de vue (leur Children of Dune ensuite était un peu mieux, même s’il n’y avait pas de quoi crier au chef-d’œuvre).

Maintenant, pour ce qui est de Villeneuve, je n’ai quasiment rien vu de lui pour le moment (en fait, seulement son premier film de 98, Un 32 août sur la Terre), donc je n’ai pas d’a-priori. Si en plus il est vraiment fan de l’œuvre (pas seulement pour la comm’ du studio, je veux dire), ça ne coûte rien de croiser les doigts. Au reste, ça fait des années que des gens postent leur « casting idéal » pour une nouvelle adaptation ciné aux quatre coins du net, avec parfois de très bonnes idées dedans, on pourrait avoir quelque chose de très convaincant de ce point de vue-là.

Excellente nouvelle.
Premier contact, c’est un film d’auteur, pas de la S.F mainstream.
Alors, Villeneuve sur Dune, j’adhère sans réserve.

Un petit extrait d’une interview donnée au site Première en fin d’année dernière :

[quote]Nous, on vous verrait bien vous attaquer à Dune. Le studio Legendary vient d’en récupérer les droits…

Quand j’ai fini Prisoners, mon producteur m’avait demandé ce que je voulais faire après ça et j’avais répondu Dune. C’est mon roman de science-fiction préféré, ça a hanté mon adolescence, je n’avais pas aimé l’adaptation de Lynch – même si c’est un immense cinéaste. On m’avait fait lire un scénario mais je n’avais pas aimé. Si jamais j’ai le privilège de pouvoir essayer, ce sera sous certaines conditions. Mais oui, j’adorerais… Je ne connais pas leurs attentes, mais on va se rencontrer et discuter, c’est sûr. C’est un grand rêve pour moi.[/quote]

Source : premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Denis-Villeneuve-Apres-Blade-Runner-j-aimerais-adapter-Dune

Merci Doc !

(J’aurais encore plus aimé qu’il nous dise quelle serait sa vision de l’adaptation, du coup, mais je suppose qu’il est encore trop tôt pour ça. :mrgreen: )

Si je ne dis pas trop de conneries, c’est pas tout à fait ça ; Jodorowsky a choisi de travailler sur l’adaptation du bouquin avant d’en avoir lu la moindre ligne, certes, mais après il l’a lu quand même…
Ce qui n’empêche que son travail était peut-être un contre-sens, hein : je ne saurais dire, je n’ai pas lu le livre… ni vu le film de Jodo. Mais là on est tous dans ce cas. :wink:

La façon dont Jodo raconte ce qu’il avait en tête est fascinante. ça aurait pu faire un film épatant, même si complètement à l’Ouest du bouquin.

nikolavitch-warzone.blogspot.fr/2014/10/les-heretiques-de-dune-saga-lautre.html

Tiens, j’allais justement renvoyer aux excellentes notes de blog sur Dune de Nikolavitch. :smiley:

Rhô, si je ne peux plus glisser par-ci par-là une formule lapidaire teintée de mauvaise foi… :unamused: ( :mrgreen: )

À défaut d’avoir été porté à l’écran, le projet de Jodorowsky est quand même solidement documenté (notamment, mais pas seulement, avec le documentaire sorti l’année dernière). Là où je diffèrerais un peu de Nikolavitch, c’est que de son point de vue le film aurait pu être une trahison totale de Herbert mais une réussite en soi, alors qu’étant, en ce qui me concerne, très peu friand des délires ésotérico-psychédéliques de Jodo, j’aurais tendance à supprimer le dernier point.

Ce que Jodorowsky prévoyait, c’était en gros une version à gros, pardon, à méga-budget de sa Montagne sacrée. Et s’il a sans doute lu Dune à un moment, c’est à travers le prisme de ce qu’il avait d’abord imaginé. Pour rester sur le même exemple que j’évoquais plus haut, Jodorowsky prévoyait qu’à la fin du film Paul se laissait tuer et se réincarnait en espèce de conscience cosmique itinérante apportant l’illumination dans toute la galaxie. L’Ère du Verseau à l’échelle véritablement cosmique.

Pour comparaison, voilà comment Paul lui-même décrit rétrospectivement la façon dont il a « apporté l’illumination » dans la galaxie dans le tome suivant de la saga, Le Messie de Dune [size=85](traduction Michel Demuth)[/size] :

(Spoiler Alert : les actions de Paul lui-même relèveraient presque de la galéjade à côté de ce qui sera ensuite accompli par son fils, Léto II. Le tout au nom du plus grand bien de l’humanité.)

Jodo a pris au pied de la lettre le messianisme que Herbert entendait explicitement dénoncer. Paradoxe supplémentaire, son projet pharaonique, vu la façon dont il a été mené, ferait une bonne illustration du type même de décadence mortifère de la civilisation décrit dans les bouquins comme le risque ultime pour l’humanité. Après, on est bien sûr tout à fait en droit de trouver, comme Jean-Pierre Dionnet, que Dune en vrai c’est chiant et que Jodo avait bien raison de chercher à en faire toute autre chose. Bon. Mais pour ma part je trouve que prendre une saga dont les héros sont précisément les membres de castes d’interprètes – qui passent des paragraphes entiers à scruter des micro-détails pour tenter de comprendre les plans derrière les plans derrière les plans derrière les apparences d’une formulation, d’un haussement de sourcil, d’un mouvement de foule ou d’une évolution de la végétation --, et se contenter d’en faire une « lecture » aussi superficielle, pour ne pas dire à l’arrache, c’est un peu dommage.

Je me permets d’espérer que Villeneuve creusera un peu plus loin.

notons que Brian « je suis la honte de la famille » Herbert et Kevin J. en Personne versent dans ce genre de travers, à travailler à grands traits et dans le gras, sans piger les des détails et le sous-texte.

Bah déjà, ils ont loupé le paragraphe de L’Empereur-Dieu où on a la seule info fiable (via les « souvenirs génétiques » de Leto II) sur ce qu’a réellement été cet évènement fondateur dans l’univers de Dune qu’est le Jihad Butlerien, avant que l’Histoire ne soit réécrite (autre grand thème de la série). À savoir que ça ressemblait plus à un mouvement de fanatiques religieux organisant des autodafés de smartphones, qu’à une grande guerre contre des robots et des IA à la Terminator… comme celle dont les deux lascars ont, précisément, choisi de faire l’alpha (avec leurs préquelles) et l’omega (avec leur continuation) de leur version de la saga.

C’est tout de même ballot, quand on prétend écrire d’après des notes laissées par le vieux… :unamused:

Je viens de voir, enfin, Premier contact, et ça a été effectivement une très belle surprise (je m’en vais de ce pas en parler un peu plus sur le topic idoine, quoiqu’il soit difficile d’en parler sans trop en dévoiler). Si son Dune se fait, qu’il est ne serait-ce qu’à moitié aussi intelligent que ça tout en rajoutant le côté spectaculaire, tous les espoirs sont permis.

Déjà, Premier Contact traite avec un rare bonheur l’une des thématiques les plus difficiles de Dune.

Denis Villeneuve va collaborer avec Eric Roth sur le scénario de Dune. Oscarisé pour Forrest Gump, Eric Roth a également travaillé, en solo ou en équipe, sur les scénarios de Postman de Kevin Costner, Révélations et Ali de Michael Mann, Munich de Steven Spielberg et L’Etrange histoire de Benjamin Button de David Fincher (pour ne citer que quelques titres).

en fait, ça va être un biopic de Paul Atreides ?

Joli CV.

Jim

J’ai poursuivi mon rattrapage de l’œuvre villeneuvien avec Sicario et je me suis encore pris une grosse grosse baffe. Si sur le fond le film est aux antipodes de l’humanisme et de l’optimisme de Premier contact / Arrival, sur la forme les deux partagent d’intéressants points communs au-delà de la seule constatation du talent certain de Denis Villeneuve en tant que réalisateur.

L’un de ces points communs est que dans les deux cas on suit une personne qui est reconnue comme une experte hyper-compétente dans sa branche, et qui se retrouve soudain propulsée à un autre niveau, où elle ne comprend plus rien (et Villleneuve ne fait strictement rien pour atténuer cette étrangeté à destination du spectateur : dans Sicario le perso de Benicio Del Toro dit textuellement à celui d’Emily Blunt que rien de ce qu’elle va voir et entendre ne fera sens pour elle sur le moment et qu’elle ne comprendra qu’à la fin, et il faut attendre un tiers du métrage pour qu’on ait le premier début d’explication sur ce qu’on a vu !). Je ne sais pas encore si cette figure se retrouve dans d’autres films de Villeneuve, mais je ne peux m’empêcher de me dire que ça pourrait marcher terriblement bien s’il nous refaisait le coup avec Dune, avec Jessica et Paul, en qui on retrouve cette ambivalence, au début du roman, entre leurs capacités poussées, du fait de l’éducation Bene Gesserit, et la désorientation résultant néanmoins de la découverte d’Arrakis et de ses usages. (Ça ferait également un contrepied intéressant à l’entame du film de Lynch.)

Par ailleurs si Villeneuve nous filme la planète des sables comme il filme les déserts de Sicario, peut-être mâtiné de ce qu’on peut voir pour l’instant de Mars dans la BA de Blade Runner 2049, ça peut être grandiose.

Incidemment, sur l’aspect « authentique fan » de Villeneuve dont on avait discuté plus haut, j’ai vécu il y a peu une expérience intéressante en allant lire un recueil de nouvelles de Herbert sorti chez nous sous le titre de Champ mental. Et là, surprise : non seulement les prémices de la première nouvelle rappellent beaucoup ceux d’Arrival (l’héroïne est une linguiste, accessoirement en deuil, qui travaille sous la supervision de l’armée américaine à décrypter le langage, in fine distinct de la communication orale, d’extraterrestres qui sont venus se poser chez nous), mais on retrouve aussi beaucoup de choses qui rappellent très fortement tout ce qui, si j’ai bien suivi les discussions sur le topic du film, a été rajouté par rapport à la nouvelle de Ted Chiang (la pluralité des vaisseaux à travers le globe, la coopération internationale qui menace de tourner à la compétition, les volontés belliqueuses dans les armées avec notamment l’idée de placer une bombe dans le matériel servant aux rencontres dans le vaisseau…). Coïncidences ? Allez savoir…

Je ne sais pas s’il reprend strictement cette figure à chaque film, mais dans Enemy, l’approche vise à dérouter le spectateur en lui faisant adopter le point de vue du personnage principal, lui-même plongé dans l’inconnu. Le personnage est le filtre par lequel le spectateur vit l’histoire.
Ça, Villeneuve le fait merveilleusement bien. Dans Arrival plus que dans ses autres films, il parvient à faire passer un large spectre d’émotions subtiles par ce biais.
C’est ce qui rend l’expérience si riche, alors que vu de loin, le film pourrait paraître austère, évitant toute surenchères visuelles, si fréquentes dans le cinéma SF d’aujourd’hui.
Andrew Niccol avait réussi le même genre de miracle - proposer une œuvre de SF ambitieuse et intimiste - avec Bienvenue à Gattaca. Son univers était un peu plus froid, mais sonnait très juste. On y retrouve un rythme approchant, une utilisation de la musique voisine, même si la bande son d’Arrival est plus originale et participe plus largement à l’ambiance du film.

Plus je revois Arrival, plus je le trouve exceptionnel.

D’après les rumeurs de ces dernières semaines, c’est Timothée Chalamet (22 ans) qui serait actuellement en phase finale de négociations pour incarner Paul « Muab’Dib » Atréides dans le Dune de Villeneuve, dont le début de tournage est prévu pour début 2019, avec une sortie en 2020 dans le viseur. On sait par ailleurs que Legendary a également acheté les droits des deux livres suivants de la saga de Frank Herbert, Le Messie de Dune et Les Enfants de Dune, où, après l’épopée initiale, sont relatés la chute et la triste fin du personnage.

Chalamet a notamment joué dans la saison 2 de Homeland avant de faire ses débuts sur grand écran dans Interstellar de Christopher Nolan. Plus récemment, il s’est fait un nom dans des productions plus indés avec ses rôles dans Ladybird de Greta Gerwig et surtout dans Call Me By Your Name de Luca Guadagnino, qui lui a valu deux nominations dans la catégorie « Meilleur acteur » des Golden Globes et des Oscars. On devrait le voir prochainement dans les rôles principaux d’A Rainy Day in New York de Woody Allen et Beautiful Boy de Felix Van Groeningen.

Dave Bautista retrouvera Denis Villeneuve pour Dune : il vient d’annoncer qu’il avait rejoint la distribution du film dans le rôle du tyrannique Raban « la Bête ».

On a par ailleurs beaucoup parlé de Rebecca Ferguson l’automne dernier pour le rôle de Dame Jessica, la mère de Paul, mais je ne crois pas que l’info ait jamais été officiellement confirmée.