EMPIRE DU SOLEIL (Steven Spielberg)

Un très beau film injustement méconnu de la filmographie de Spielberg (un des rares à avoir fait un bide au box-office) plus intimiste qu’à l’accoutumée malgré l’événement historique dont il est question, car il retranscrit la grande Histoire à travers le biais de la petite histoire, à savoir la seconde guerre mondiale perçue par un enfant (joué par le tout jeune Christian Bale) un choix qui a tendance à lui valoir des comparaisons récurrentes avec Le Tombeau des lucioles, ce qui est assez logique vu le prisme choisi.

Cette adaptation du roman de Ballard (Crash) permet également d’aborder ce conflit avec une vision plus réaliste et dramatique qu’avant pour le réalisateur (1941) qui se révèle très inspiré sur le sujet, notamment au niveau de la mise en scène admirable dans la gestion de l’environnement et de l’espace (le ralenti avec le gosse qui croit que le pilote le salue :open_mouth: :smiley: ).

Momentanément orphelin, James/Jim devra faire tout ce qui est possible dans ce contexte pour s’adapter et ainsi survivre coûte que coûte, entouré qui plus est par les modèles discutables (Basie) du camp où il se trouve, qui lui servent de substituts des parents disparus.

Le jeune héros se démarque par son rapport particulier et subjectif à l’événement, ce qui permet de l’aborder d’une manière assez rarement vue auparavant, Jim se détourne de tout cela, préférant la fuite dans son imaginaire réconfortant pour échapper à l’horreur du quotidien qui l’entoure perpétuellement (réarrangeant la réalité, interprétant à sa façon, créant une vision décalée qui apporte sa spécificité singulière à l’oeuvre).

Fasciné par les avions, il est du coup un des seuls à ne pas les considérer comme des engins de mort (allant même jusqu’à assimiler la bombe A à une intervention divine).
Cette tentative dérisoire se révèlera vaine puisque le gamin sera en fin de compte rattrapé par la réalité, donnant lieu à un constat amer qui fait que le happy-end semble très relatif.

Le réalisateur signe là un film humaniste et émouvant (qui souffre toutefois d’un ventre mou persistant) portant sur la perte de l’innocence, et le fait de grandir trop vite, quand on voit le regard de Bale à la fin, on se dit qu’il est devenu prématurément un adulte, du moins qu’il n’est dorénavant plus un enfant.

Le film marque ainsi une étape symbolique, importante (c’est compréhensible du coup qu’il ai eu du mal avec Hook qui le forçait à revenir vers un cinéma de divertissement plus positif et optimiste, avec justement un trajet inverse puisque le vieux Peter Pan apprend à renouer avec sa part d’enfance) qui amorce un virage crucial dans sa carrière, qui s’accentuera avec La Liste de Schindler et plus largement toute la période post-11 septembre de sa filmographie.

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C’est bien vu de signaler ce film comme l’ancêtre dans la filmo de Spielberg des films plus « noirs » des années 2000 ; je ne m’étais jamais fait la réflexion, mais ça me semble évident du coup.

Précisons que plus qu’un roman de Ballard, l’oeuvre originale est surtout une autobiographie romancée : en effet, c’est bel et bien l’histoire du jeune James Graham Ballard, fils de diplomate anglais né à Shangaï en 1930, qui nous est ici racontée…


Intérêt poli à la découverte vers 20 ans
Totalement subjugué et conquis aujourd’hui

Dans la décennie chaotique de Spielberg (83-93), Empire du Soleil est sans conteste le plus ambitieux, le plus audacieux et, surtout, le plus réussi des films du réalisateur.

(oui il y a aussi Temple of Doom et qu’on ne s’y trompe c’est bel et bien le meilleur films de tous les meilleurs films de la planète)

Le film rejoue la destruction du cocon familiale et la manière dont l’enfant doit composer avec mais ici l’élément déclencheur n’est plus interne (le départ du père) mais causé par des éléments extérieur (l’invasion de Shangaï donc) comme si, avec le temps, Spielberg avait commencé à panser ses plaies avec son passé et son paternel (de mémoire c’est bien à cet époque qu’il se réconcilie avec lui et découvre la réalité de son départ).

Je rejoins pas mal l’idée évoqué plus haut qui voudrait que ce film soit l’ancêtre de la décennie 2000 de Steven (et, s’il y a un film dont il est le miroir c’est probablement La Guerre des Mondes). Dans les faits il fait partie d’un ensemble, La Couleur Pourpre c’est déjà ça, mais il est sans équivoque le plus réussi en s’accaparant le sujet d’une manière beaucoup plus intime et en évitant des grossièreté assez malvenue tel ce qu’on pouvait voir dans l’adaptation du livre d’Alice Walker (ou plus tard dans Always et Hook)

Cela tient d’une part à la qualité formelle de l’ensemble que ce soit dans la photographie d’Allen Daviau, la musique de John Williams, dans la performance des acteurs (John Malkovitch, Miranda Richardson etc mais c’est bien sur Christian Bale qui est tout simplement incroyable) et bien d’autres choses encore.

Mais je crois que ce qui fait la force du film, encore aujourd’hui, est le point de vue adopté qui permet beaucoup de chose. Jim Graham est un enfant de son environnement, c’est à dire un petit con de riche. On lui en veut pas forcément parce qu’il est conditionné à son environnement et de fait la chute sera encore plus dur. Cet enfant persuadé de l’existence d’une sorte de bouclier du fait de sa condition renvoi à la futilité et au caractère éphémère de sa propre civilisation. Car outre Jim c’est aussi via les autres prisonniers que le rapport au changement brutal s’effectue et qu’on découvre différent ligne de conduite que ce soit celle du docteur ou bien celle de Baisie.

L’amour de l’avion transcendant les différences culturelles et les inimitiés jalonne et chapitre le film et la vie de Jim de façon remarquable et j’avoue mettre bien pris en pleine face tout son questionnement quand à la divinité et le religieux (là encore on est à une époque où Spielberg redécouvre sa propre judaïcité) avec en apothéose l’explosion de la bombe sur Hiroshima (de ces images qui imprime durablement la rétine)

Film initiatique mais d’une profonde noirceur (cette fin), Empire du Soleil est clairement un des meilleurs film de la filmo d’un des meilleurs réalisateur américain. Parcouru de mouvement et d’effets qui frappe (la découverte de l’épave enchainant sur celle des forces armés, le salut aux aviateurs, la vie trépidante dans le camp, la moustiquaire, l’éveil à la sexualité en parallèle d’un bombardement, l’attaque aérienne du camp etc.), il est bien dommage qu’on ne le redécouvre pas assez.

Oui, c’est bien dommage car c’est vraiment un superbe film !