EXPÉRIENCE MORT t.1-4 (Valérie Mangin, Denis Bajram / Jean-Michel Ponzio)

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Katlyn Fork, la femme la plus riche du monde (pour qui, visiblement, les fortunes d’Elon Musk et Jeff Bezos réunies passeraient pour de l’argent de poche), réunit une équipe de spécialistes (physiciens quantiques, religieux, militaires) afin de mener une expérience inédite aux frontières du surnaturel. En effet, le fils de la milliardaire, atteint d’une maladie incurable, survit dans un caisson cryogénique, et elle est déterminée à l’arracher à la mort.

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Le scénario de Valérie Mangin, habilement mais classiquement troussé, s’ouvre sur la constitution du commando, dans une succession de scènes permettant de présenter les différents membres mais également de situer l’action dans une chronologie. Le premier tome sort en 2014, mais l’action commence deux ans plus tard, s’étalant jusqu’en 2019, date à laquelle l’action commence à proprement dit : le commando est constitué, l’appareil qu’ils vont emprunter est construit, l’équipe de soutien technique est parée…

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La mission consiste à susciter de manière artificielle une « expérience de mort imminente », à désincarner les occupants du vaisseau et à suivre l’âme du fils de Katlyn afin de le retenir au dernier moment, de l’arracher littéralement aux portes de la mort.

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L’astuce visant à désincarner à la fois l’équipage et le vaisseau permet de placer une intrigue surnaturelle dans un contexte de science-fiction. Le dessin photographique de Jean-Michel Ponzio et le soin qu’il apporte à la constitution de décors détaillés (à l’aide de l’outil informatique) renforce la crédibilité du décor, malgré l’évidente froideur de son trait, que personnellement je goûte assez peu, les personnages me paraissant distants et sans réelle existence.

Jim

À la fin du premier tome, les explorateurs de l’au-delà sont coincés, perdus dans l’espace, un espace qui n’est pas réellement défini, du moins pas encore (ça sera le sujet de quelques dialogues dans cette deuxième livraison), et les communications avec l’équipe au sol (pour ainsi dire) sont rompues. L’un des membres d’équipage est mort, et la situation semble difficile.

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C’est là que l’intrigue, conçue par Denis Bajram et Valérie Mangin puis découpée et dialoguée par celle-ci, commence à tricoter des va-et-viens entre surnaturel, religion et science. Pour faire court, plongés dans un univers dont la définition sera explicitée, les explorateurs remontent le temps. Ce qui implique, dans la construction de l’album (et du premier diptyque de la série) des allers et retours dans la narration, des collisions entre des actions du « présent » et des péripéties à venir quelques pages plus loin. Le temps, la réalité, la mort et l’au-delà sont liés, dans le récit, comme autant de facettes d’un même diamant, pour reprendre une métaphore un peu usée. Mais ainsi, les personnages, confrontés à l’immanence, à la réalité de l’univers, en ont tous une perception différente, et sans doute plus complémentaire que contradictoire. Quant au thème du temps, il semble tenir à cœur au tandem de scénariste, puisqu’il est au centre d’Universal War One et constitue également un ressort scénarique dans Mortemer ou dans le troisième volet d’Abymes.

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À la fin de ce premier volet de la série, les explorateurs parviennent à arracher le jeune Matt à son tragique destin. Mais les répercussions sont massives, au point que ce deuxième tome se conclue sur la vision de morts qui ressortent de leurs tombes : la chute annonce une énième variation sur le thème des zombies (qui n’aura pas manqué de me faire penser à cet épatant diptyque de Thor, par Stan Lee et John Buscema, dans laquelle la mort est bannie de la Terre dans un petit conte philosophique dont « the Man » avait le secret).

Je n’ai pas encore lu les tomes 3 et 4, qui doivent sans doute gérer la situation inédite proposée par les auteurs. Mais ce premier diptyque se lit parfaitement tout seul. L’éditeur a d’ailleurs publié une « intégrale », en réalité les deux premiers tomes repackagés dans un emballage modeste, signe que le récit aurait pu s’arrêter sur cette chute, un peu attendue il est vrai. Il va donc falloir que je cherche les deux autres tomes afin de voir comment ils rebondissent.

Jim

Et encore, je trouve que c’est moins pire que dans certaines autres séries, où ça me semble plus flagrant (je crois que c’était dans une BD qu’avait lue Artie, mais dont je ne me souviens plus du titre)