FAITHLESS t.1-2 (Brian Azzarello / Maria Llovet)

Tout dépend de la quantité de texte traduit (ici, la quantité de planches). Cela définit une somme globale qui correspond à un seuil au-delà duquel tu as « remboursé ton avance », comme on dit.
Mais en principe, oui.
Pour donner un exemple tout personnel, je touche des droits sur Kingdom Come, sur l’Anthologie DC et, me semble-t-il, sur l’Anthologie Superman. Parce que, notamment, outre qu’ils ont bien marché, ce sont des bouquins qui ont connu plusieurs éditions (par exemple, Kingdom Come a été décliné en collection Nomad, les anthologies ont eu droit à des éditions chez France Loisirs…). Plus c’est réédité, plus tu as des chances de « toucher des droits ».
Après, il y a des cas de figures qui fonctionnent selon la même logique mais qui impliquent des effets particuliers. Par exemple, dans certaines anthologies, j’ai traduit un épisode, mettons. Donc j’ai des droits au prorata, qui sont donc riquiquis, et il faudra des tonnes et des tonnes d’exemplaires pour que je rembourse l’avance, même si celle-ci est toute petite.
Autre cas amusant : il peut arriver qu’un album regroupe plein d’histoires que tu aurais traduites précédemment, pour d’autres supports (des magazines, des anthologies). Et dedans, tu traduis, mettons, un épisode. Donc tu fais une facture toute petite, tu signes un contrat qui te donne des droits, et si c’est toi qui as tout traduit, tu palperas plus vite, parce que le seuil de rentabilité sera plus bas. C’est un cas rare, mais ça peut arriver.
(Dans les Superman Chronicles, par exemple, ça va bien varier : le premier tome 1987 propose un contenu qui a déjà été exploité sous un autre format, si bien que ma facture est plus basse : je n’ai presque rien touché en avance, mais il reste moins à rembourser. Les deux tomes suivants contiennent différents épisodes traduits ailleurs, tandis que le premier tome 1988 ne contient, je crois, que des inédits, si bien qu’il sera plus long à rembourser. Aucun album, du point de vue des droits pour le traducteur, ne se ressemble.)

Ça semble logique.

Non.
Enfin, pas tout à fait : si le bouquin ne se fait pas mais que la décision est prise après le contrat, la facture et le paiement, je reçois mon avance, qui est non remboursable, mais ça s’arrête là.
Après, si le bouquin se fait plus tard, chez le même éditeur, l’avance est prise en compte. Et s’il se fait chez un autre éditeur, la notification de l’arrêt fait office de rupture de contrat, et je peux en signer un autre avec le nouvel éditeur.

C’est ce qui s’est passé pour les rééditions du Stan Lee et du Frank Miller : nouvelle avance, nouveau contrat, etc.
Ou pour le Shop Talk : les éditions Toth m’ont payé pour la traduction, qui a dormi des années dans les tiroirs, puis Komics Initiative m’a payé à nouveau pour la mise à jour.

En fait, les droits d’auteurs (lié à l’œuvre de l’esprit, donc ce que je dis est valable tant pour mon boulot de scénariste que pour mon boulot de traducteur), y a deux moyens de les calculer (ça porte un nom, mais j’ai oublié).
Dans les deux cas, ça s’articule autour de l’avance de droit : les sommes accumulées servent à « rembourser l’avance ». En gros, mon avance correspond à un certain nombre d’exemplaire (mettons, cinq mille), et si les ventes dépassent ce seuil (mettons : cinq mille cent exemplaires), je suis donc payé sur les cent exemplaires de plus. Ça, c’est la base.
Ensuite, le bouquin peut être vendu sous forme numérique (contrat à part, pourcentage calculé séparément), mais aussi à l’étranger (là, la traduction n’intervient que pour les pays francophones), en club, en poche (là, ça peut concerner aussi la traduction). Genre, j’ai traduit un vieux Green Lantern vintage qui s’est retrouvé dans une collection Hachette, j’ai touché des sous pour ça.
Bien.
Appelons ces sommes-là des sommes complémentaires. Il y a deux manières d’envisager le truc. Soit le contrat stipule que les sommes complémentaires contribuent au remboursement de l’avance, et donc s’ajoutent à ce mouvement d’une colonne à une autre : toi, tu ne touches rien, mais sur tes relevés, tu vois que ta somme à rembourser baisse un peu plus vite. Soit, autre solution, ces sommes complémentaires sont considérées comme d’autres sources de revenus, et vont directement dans ta poche. Mais elles ne contribuent pas au remboursement de l’avance.
Personnellement, je n’ai pas de préférence. Enfin si, en soi, je préfère que ça rembourse plus vite l’avance, parce que je sais que c’est un argument que les éditeurs finissent toujours pas dégainer, donc plus vite le poste budgétaire du traducteur (ou du scénariste) est remboursé, mieux c’est. Mais c’est du chipotage, pour moi, les deux se valent. Et je connais les deux. Les éditeurs BD pratiquent souvent la première version, si bien que, dans le cas d’une édition italienne ou néerlandaise d’un de mes albums, je vois la somme imputée sur le relevé, et la soustraction fait toujours plaisir, mais je ne touche rien. En revanche, Eyrolles pratique la seconde version : Les Manuels de la BD ont été vendus à un éditeur arabe et un éditeur chinois, et à chaque fois nous avons touché des sous. Cependant, cela ne contribue pas à rembourser les avances. Alors sur Les Manuels, je ne me plains pas, trois ou quatre bouquins sur les sept génèrent désormais des droits. Ça serait allé plus vite si les droits étrangers avaient été versés au remboursement, mais bon, c’est comme ça.

Jim