REALISATEUR
Alfred Hitchcock
SCENARISTE
John Michael Hayes, d’après une nouvelle de Cornel Woolrich
DISTRIBUTION
James Stewart, Grace Kelly, Wendell Corey, Thelma Ritter, Raymond Burr…
INFOS
Long métrage américain
Genre : thriller
Titre original : Rear Window
Année de production : 1954
« Prenons un gros plan de James Stewart. Il regarde par la fenêtre, et il voit par exemple un petit chien que l’on descend dans la cour dans un panier, on revient à Stewart, il sourit. Maintenant, à la place du petit chien qui descend dans le panier, on montre une fille à poil qui se tortille devant sa fenêtre ouverte ; on replace le même gros plan de James Stewart souriant, et maintenant c’est un vieux salaud ! »
Et par extension, le spectateur/voyeur n’a-t-il pas lui aussi le même sourire qui peut être interprété de différentes façons ?
J’aime beaucoup cette explication tirée des entretiens entre Alfred Hitchcock et François Truffaut. Avec l’humour qui le caractérisait, Hitchcock y donnait une leçon de montage aussi pertinente qu’amusante. Fenêtre sur Cour, tourné entre Le crime était presque parfait et La Main au Collet (soit trois films d’affilée avec la rayonnante Grace Kelly), est non seulement une leçon de montage, mais aussi une réflexion sur le montage, de par la nature même des actions de son personnage principal.
L.B. Jeffries (le toujours impeccable James Stewart) est un reporter-photographe cloué dans un fauteuil roulant après un accident. Avant même qu’elle soit évoquée par les dialogues, son histoire se devine grâce aux objets sur lesquels s’attardent la caméra. Judicieuse utilisation du décor dans lequel se déroule une grande partie de l’action. Entre ses séances journalières avec son infirmière (rythmées par de savoureuses réparties entre les deux protagonistes) et les visites de sa petite amie Lisa (romance parfois contrariée par de petits accrochages), Jeffries trompe son ennui en espionnant ses voisins…
Les décors de Fenêtre sur Cour représentent une jolie prouesse technique. Le regard de Jeffries…et celui du spectateur par la même occasion…embrasse un microcosme qui regroupe à lui seul toutes les facettes du sentiment amoureux. Dans ce que l’on peut apercevoir du quotidien de la danseuse, de la sculptrice, du jeune couple, du musicien, de « miss coeur solitaire », etc…il y a de l’amour fou, de la passion, du désir, de la jalousie, de la solitude…mais il y a aussi de la haine dans le drame qui se joue dans un l’appartement où Jeffries entend une nuit un étrange bruit. Une femme disparaît…et Jeffries soupçonne son mari de l’avoir tuée…
Ce « petit théâtre » de l’humanité détaillé et complexe, rendu encore plus vivace par l’utilisation quasi-exclusive de sons et de musiques diégétiques, exerce une fascination telle sur Jeffries qu’il ne peut s’empêcher d’y retourner (le scénario cumule suffisamment d’éléments intrigants pour que le regard ne s’éloigne jamais de l’écran/fenêtre, ne perde jamais son obsession pour l’image), entraînant avec lui son infirmière et la femme qu’il aime.
L’interprétation, la caractérisation, la très belle photographie, la direction artistique soignée à la perfection, la mécanique de suspense très bien huilée, la montée en puissance, l’intensité du dernier acte…autant de choses qui font de Fenêtre sur cour un incontournable d’Hitchcock et un de mes films préférés du maître du suspense.