REALISATEUR
Tod Browning
SCENARISTES
Willis Goldbeck et Leon Gordon, d’après la nouvelle Spurs de Tod Robbins
DISTRIBUTION
Wallace Ford, Leila Hyams, Olga Baclanova, Henry Victor, Harry Earles…
INFOS
Long métrage américain
Genre : drame/horreur
Titre original : Freaks
Année de production : 1932
Au début des années 30, les grands studios de cinéma lorgnaient vers le succès des grands monstres de la Universal, tels que Dracula de Tod Browning et Frankenstein de James Whale et voulaient tous toucher leur part du gâteau horrifique. Fort de sa relation avec Tod Browning, avec qui il collabora au temps du muet (L’Inconnu, Londres après minuit, Le Club des Trois), le producteur Irving Thalberg put faire revenir le réalisateur de Dracula à la MGM et lui donna carte blanche pour réaliser le film le plus horrible qui soit…
…et il ne s’attendait certainement pas au résultat final.
Avant de partir travailler sur Dracula pour la Universal, Tod Browning avait un temps développé un sujet autour de la nouvelle Spurs de Tod Robbins, dans laquelle la belle cavalière d’un cirque accepte d’épouser le nain Jacques lorsqu’elle apprend qu’il a hérité d’une fortune, avant de le ridiculiser lors de leur cérémonie de mariage. Scène qui sera reprise dans Freaks (la cavalière est devenue l’acrobate Cleopatra), mais Tod Browning a surtout profité de l’occasion qui lui a été donnée pour représenter le monde du cirque itinérant, un univers qu’il connaissait bien puisqu’il quitta sa famille à l’âge de 18 ans pour rejoindre une troupe. Cette fascination pour le monde du spectacle ne l’a jamais quitté et fut au centre de plusieurs de ses longs métrages.
Pour renforcer le réalisme de son histoire, Tod Browning fit le tour de tous les spectacles de foire pour y engager de véritables personnes atteintes de difformités et ne retenir que les physiques les plus incroyables…ce qui ne fut guère du goût des exécutifs du studio (on dit que le big boss Louis B. Mayer a voulu annuler le tournage, avant que Irving Thalberg le persuade de renoncer à cette décision; et les premiers acteurs pressentis, des stars de l’époque comme Victor McLagen et Myrna Loy, ont refusé d’y jouer, jugeant le scénario repoussant).
En filmant d’authentiques « freaks », Tod Browning a brisé cette « suspension d’incrédulité » qui se met en place lorsque le spectateur regarde un film d’horreur et accentué une sensation de malaise qui a précipité le destin de oeuvre.
Si Freaks ne manque pas de moments lumineux et touchants, c’est avant tout un conte cruel, d’une noirceur implacable : les « freaks » sont ainsi rejetés au sein même de la communauté dans laquelle ils évoluent (tout comme ils furent mis à l’écart pendant le tournage, ne partageant pas la tente du reste de l’équipe pendant les repas par exemple). Ils ont aussi leurs propres règles et gare à qui s’en prendrait à l’un des leurs. L’horreur prend alors le pas dans le dernier acte (annoncé par un carton, comme dans un fillm muet) qui comporte, même dans sa version tronquée, l’une des scènes les plus traumatisantes de l’histoire du genre.
Car Freaks, chef d’oeuvre maudit, est un film incomplet. Après une projection-test jugée désastreuse, Irving Thalberg a pris la décision de couper une trentaine de minutes, considérées maintenant comme perdues et sur lesquelles circulent de nombreuses histoires qui ont entretenues sa légende. Mais même expurgé d’un bon tiers de son histoire (et avec un happy-end imposé par la production) et réduit à une durée de 64 minutes, Freaks n’a jamais perdu de sa puissance et demeure l’un des meilleurs films (et mon préféré) de son réalisateur, qui brille autant dans les passages intimistes et dramatiques que dans les moments de tension pure.
Mais rejeté en son temps par le public et la critique, Freaks précipita la fin de la carrière de Tod Browning. Après cet échec, il eut de plus en plus de mal à faire aboutir ses projets personnels et ne réalisa plus que 4 longs métrages, le plus souvent de commande (dont Les Poupées du Diable en 1936), avant de quitter prématurément le monde du cinéma en 1939. Il mourut en 1962, des suites d’un cancer.