HISTOIRE SANS HÉROS (Jean Van Hamme / Dany)

Je viens de relire Histoire sans héros à la faveur d’un achat récent : bizarrement, j’avais lu l’album, peut-être en bibliothèque (à l’école ou en ville), dont il me semble avoir entendu parler la première fois dans l’ancienne formule des Cahiers de la BD, dont j’étais avide lecteur dans la deuxième moitié des années 1980.

Cette époque correspond à ma découverte d’une production franco-belge qui se résumait, pour moi, bien souvent à Astérix et quelques autres grands classiques. Le collège a été l’occasion de lire Thorgal sous les conseils d’un copain, ce qui m’a amené à découvrir XIII et à m’intéresser à la production de quelques scénaristes, dont Jean Van Hamme. Ça plus un article dans Les Cahiers de la BD, et il n’en fallait pas plus que je découvre Histoire sans héros, qui a été dans ces années-là l’un de mes gros chocs franco-belges, avec La Tour et Partie de chasse.

La relecture, avec la connaissance de l’histoire et des enjeux, rend l’album moins percutant, mais Histoire sans héros n’en demeure pas moins un très beau morceau dans le franco-belge de l’époque. Le rythme est plutôt réussi, avec des séquences alternant les différents sous-groupes parmi les survivants, la progression de l’idée centrale (fabriquer une montgolfière afin de s’extirper de la jungle), le suspense, les différentes péripéties et les morts qui les ponctuent… La scène de la boule noire, qui décidera de qui survivra et qui devra rester dans le camp de fortune, n’a rien perdu de sa force.

Le dessin de Dany est expressif, détaillé, et surtout très matiéré : on sent la boue et la nuit. Les séquences nocturnes sont splendides, les drapés et la crasse sont éloquents. De son côté, Van Hamme dévoile des qualités formelles déjà évidentes : par exemple, sa capacité à créer des cases muettes ou peu bavardes, qui se distinguent dans le reste du flot de paroles. Il a également des personnages féminins qui sont dynamiques, porteurs d’espoir et de récit, en bref très modernes.
Vraiment, une belle réussite qui vieillit particulièrement bien.

Je n’en avais aucun souvenir, mais l’édition dans la collection « Histoires et légendes » s’ouvre sur un texte signé Largo Winch et proposant un éclairage différent sur le vol Corair qui s’est écrasé dans la jungle. Il est illustré par des dessins de Dany qui joue à fond la carte de l’illustration de magazines, à grands renforts de hachures : magnifiques.
Cette édition date de 1982, soit huit ans avant le premier tome de Largo Winch (mais quelques années après les romans). Cependant, 1982, c’est l’année de sortie de Kelly Green chez Dargaud ; quant à Cannonball Carmody au Lombard, également écrit par Leonard Starr, c’est 1984. On sait que ces produits sont nés de la volonté de Michel Greg de créer des produits franco-américains, et on sait qu’une première version en bande dessinée de Largo Winch a failli voir le jour, dessiné par John Prentice : le projet a été abandonné, les Français estimant que les décors n’étaient pas assez travaillés.
La présence du nom « Largo Winch » dans Histoire sans héros témoigne sans doute des discussions en interne, et peut-être du fait qu’à un moment ou un autre, la possibilité de voir apparaître le personnage sous forme d’album aurait pu servir de promotion croisée. Ou, tout simplement, n’est-ce qu’un clin d’œil facétieux de Van Hamme : ce ne serait pas le premier.

Jim

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