Quelle tristesse.
Jim
Quelle tristesse.
Jim
Merci Marko pour toutes ces images.
On se rend compte à quel point il a posé son empreinte chez es deux grands, sans jamais faire de bruit.
Je suis tristesse ce soir.
(The Phoenix Resurrection #7)
Une couverture produite par Pacheco et Merino au tout début des années 2000 (après Avengers Forever et au moment de ses FF), retraçant les étapes importantes de la carrière du dessinateur (de Flash jusqu’à Fantastic Four, en passant par Bishop, X-Men ou encore les Vengeurs de Busiek) :
Flash et Impulse ont été remplacés sur la version finale (100% Marvel du coup) :
C’est vraiment pas l’année pour les artistes comics.
Impulse ?
Je trouve que Xavier Fournier nous permet de connaitre un peu mieux le personnage par procuration.
La première fois où j’ai croisé Carlos Pacheco, ça commence à dater. C’était en octobre 1999. On l’avait en invité sur notre stand pour un festival et forcément on s’occupait de lui comme des autres artistes présents. Et donc Fabrice le récupére à l’aéroport. Sauf que Carlos paraissait soucieux, ne parlait pas. Et nous, avec le reste de l’équipe, nous en étions a nous demander s’il faisait la tête où si on avait pu le vexer. On en était à se faire des messes basses avec Fabrice en se demandant ce qui se passait. Finalement ca s’arrange : Fabrice me dit qu’à un moment j’ai fait une allusion à un héros du Golden Age, que Carlos a enchaîné et que ça a tout débloqué. Je ne m’en souviens pas vraiment.
Par contre, je me souviens du moment de la fin du repas, ce soir là, où il nous a tous impressionnés. Faute de beaucoup de dialogue (à part « passes moi le sel » où ce genre de choses) nous parlions donc avec nos autres invités, y compris avec un dessinateur de comics qui venait de quitter Marvel et qui avait une certaine vision de sa carrière de ce qu’il voulait faire. Et puis donc à un moment on doit arriver vers le dessert et Carlos s’étire en arrière et intervient dans la conversation comme s’il avait toujours été là. Et il commence à expliquer au type en question de façon très pédagogique, très bien sentie, pourquoi et comment il aurait dû rester chez Marvel et négocier qu’on lui confie telle série, et qu’avec son style cela aurait forcément fait un hit. Et c’était super logique, carré, argumenté. Et on avait pratiquement tous la machoire ballante, y compris l’autre dessinateur en question qui était en mode « ah merde il a raison, j’aurais dû faire ça ». Depuis le début de la soirée Carlos ne faisait pas la gueule, il réfléchissait à un moyen diplomatique d’expliquer au type en face qu’il y avait mieux à faire de sa carrière. Et il nous avait tous scotchés (y compris le principal concerné) avec la pertinence de son analyse.
Le hasard fait que dans le restant du week-end c’était plutôt à moi de l’emmener manger au restau, souvent en compagnie de Jean-Marie Minguez qui lui parle espagnol (Carlos et moi on se débrouillait dans une sorte d’espéranto mélangeant français, anglais, no habla espanol et des noms propres de comics). Donc, on est au restau et moi à l’époque, donc, je viens de me manger ses Avengers Forever, je suis en mode fanboy mais lui n’arrête pas de changer de sujets et de me parler d’autres trucs liés aux comics mais sans rapport. A un moment il me sort un truc sur les gamins des super-héros qui ont tendance à grandir de façon accélérée et moi ca m’arrache un sourire en coin parce que c’était exactement le sujet d’un de mes articles deux mois avant et qu’il est essentiellement de mon avis sans le savoir. Enfin, je pense que c’est sans le savoir. Et puis il me parle d’un autre truc et là ca me fait marrer parce que c’est encore un autre sujet que j’ai traité pas longtemps avant dans Comic Box.
Alors sur le coup ça m’amuse que par hasard il me ressorte les mêmes trucs. Et là lui me dit « ah mais non, tu n’as pas compris, je bricole le français parlé, ok, mais par contre je le lis très bien. Quand j’étais gosse certaines séries Marvel n’étaient pas traduites en espagnol alors je me débrouillais en récuparént des Strange, des Titans, et j’ai appris à lire le français comme ça ». Et là en fait il m’explique que ca fait des mois qu’il lit mes chroniques dans Comic Box et qu’on est d’accord sur ci, sur ça, que ca l’intéresse de savoir ce que je pense de ça. Et moi je suis sur le cul parce que le type que je voulais questionner sur certains comics… est en train de me dire qu’il est content d’avoir trouvé un pote de plus pour parler d’épisodes obscurs qu’on doit être trois à connaitre. Je dis pas ça en mode « MOI, Pacheco il m’a demandé des trucs » mais bien « putain on a la même culture, vous, moi, lui, on a déliré sur les mêmes épisodes ! ». Dans un autre hommage un de ses proches, David Macho dit que que Carlos se tenait au dessus des comics et qu’il ETAIT aussi les comics. Et c’est tout à fait vrai. Je me souviens pas de ce que j’ai mangé il y a une semaine mais je me souviens de ces discussions en détail et de la passion qui l’animait.
Et puis alors sur le week-end il se met à me raconter (en partie) les trucs qu’il aurait pu faire sur Avengers: Worlds in Chains (la première version d’Avengers Forever), que qu’aurait dû être le sort de Captain Marvel (Genis) après Avengers Forever, parce qu’il pensait faire, lui avec Kurt Busiek, une série illimitée Captain Marvel. Et puis on parle des Micronauts, de Star-Lord et puis aussi de quelques sagas qu’il veut écrire chez Marvel (alors qu’il est en train de bosser sur Fantastic Four). Je suppose que je peux vous en évoquer une parce que ça n’a plus beaucoup d’importance et puis comme ca cette saga elle existera quelque part, dans un coin de votre tête. Mais il voulait faire un projet sur la chute de l’URSS et ce qu’il advenait du côté russe de l’univers Marvel, avec une guerre d’influence entre la pègre russe et les services secrets et surtout l’équivalent russe de Nick Fury qu’on avait dû voir dans genre cinq épisodes depuis 1968. Et moi sur le coup je pensais qu’il parlait d’un obscur espion russe borgne aperçu dans les Uncanny X-Men. Et lui de s’agiter « Mais non enfin ! Yuri Brevlov ! Yuri ! » Ca m’avait frappé à l’époque parce que Carlos parlait de lui en n’utilisant que son seul prénom de Yuri. Parce que ca faisait des années qu’il avait gambergé sur cette histoire au point d’en venir à aimer le perso, à l’appeller par son petit nom.
Mais quand tu accompagne les auteurs sur un salon tu es souvent « broucouille ». C’est à dire qu’il dessine pour tout le monde, que lui et toi vous croyez qu’il y aura un petit moment vers la fin pour torcher un dessin sur un coin de table. Et puis bien souvent le type est obligé de partir prendre son train ou son avion et tu es « broucouille ». Là ca n’a pas loupé, à la fin du week-end Carlos a été obligé de partir. Jean-Marie et moi nous sommes retrouvés broucouille. Et puis bon les mois passent et Carlos est invité sur le stand Panini à Angoulême. Et donc on passe le voir pour le saluer mais il est pas mal occupé (forcément), on discute à peine. A un moment on lui fait un petit « hey mais vu que cette fois c’est pas nous qui nous occupons de toi on va l’avoir notre dessin ». Lui se marre, nous dis que bien sûr, sans problème. Bref, le salon se passe et puis le dimanche on passe sur le stand de Panini en se disant que hey ho, ce serait con de le louper. Hé là patratas. On nous annonce que Carlos Pacheco est déjà parti. Merde. « broucouille again ». Alors ma foi la journée tire à sa fin, Jean-Marie s’en vas et on est pratiquement en train de démonter le stand quand d’un seul coup j’entends « Ravier », je me retourne et je vois le Carlos flamboyant, traversant l’allée. Mais tu n’était pas parti ? Et lui me dit du tac au tac « partir ? Ah non non je n’ai qu’une parole, il était hors de question de partir sans vous faire vos dessins ». Et donc j’ai un Yellowjacket quelque part (et Jean-Marie a eu un Black Bolt) mais surtout j’en ai pris encore une bonne dose de discussion sur les micronauts, les Fantastiques et d’autres trucs (je ne crois pas qu’on ait parlé de Yuri). Le type avait un salon d’Angoulême dans les pattes mais jouait les prolongations pour nous, et tout ça en discutant de plein d’idées, de pleins de persos…
Par la suite je dirais pas qu’on se voyait souvent (ce serait faux) mais de salons en dédicaces et de décicaces en salons, on s’est vu de temps à autre toujours avec le même plaisir renouvelé. L’impression de retrouver la discussion précisément là où on l’avait mise en pause. Des fois, en vieux lecteur passionné de Lug, il me passait des petits mails curieux pour savoir pourquoi, par exemple, les Invaders s’étaient arrêtés dans les pages de Titans. Où s’il y avait/aurait une suite à Photonik et Mikros. Comme la période où il avait écrit les Fantastic Four lui avait laissé un souvenir mitigé, il s’était abstenu, ensuite, d’écrire à nouveau pour les USA. Mais il était bourré d’idées. Et donc on n’aura jamais vu sa version de Yuri en action.
En 2019, on s’est retrouvé invités tous les deux à Toulouse pour le festival Super-Héros. Cela faisait un moment qu’on ne s’était pas croisé en live. Et on s’est rendu compte que cela faisait pile 20 ans qu’on se connaissait. Et on a encore parlé. Comme son envie de faire un jour un projet avec Chris Claremont qui ne serait pas forcément du super-héros (ou alors si, du X-Men, mais seulement parce que c’était Chris) et comment les éditeurs ne se pressaient pas pour ce genre de projet. A un moment il était interviewé par des gens qui pataugeaient un peu dans leurs questions et lui leur lance un regard énervé et puis me fait un clin d’oeil complice « On n’est que deux dans la pièce, toi et moi, à savoir de quoi je parle ». Et puis donc finalement sur le même festival on avait fait ensemble une conf sur sa carrière et c’est là qu’il avait parlé non seulement de son amour des figures super-héroïques et surtout de sa joie de retrouver/relancer la série Arrowsmith, écrite par Kurt Busiek. Et on s’est quitté à la fin du week-end à grands coups de hugs, en se promettant de pas attendre trop longtemps avant de se recroiser. Bon, forcément, 2019, on avait mal choisi l’année pour se promettre ça…
Quelques mois plus tard je me suis retrouvé à bosser sur mon bouquin Kirbysphère et Carlos était l’un de mes premiers choix pour la couverture. Sur le principe il était OK mais c’était impossible à cause de ses deadlines de l’époque. Un autre rendez-vous de manqué. Et puis l’an dernier, avec mes histoires de documentaires, j’ai commencé à formuler un plan. Et si, de la même manière qu’on avait interviewé certains artistes en Italie on poussait la chose en Espagne, pour aller voir Carlos ? C’était au tout début où il commençait à avoir des problèmes de santé mais où il ne savait pas encore ce qu’il en était. Alors on a commencé à en parler sérieusement. Et puis a un moment ses problèmes de santé ont commencé à prendre plus d’ampleur, manifestement. Lui cherchait à regarder si en s’y prenant comme ci ou comme ça on pourrait pas le faire. A un moment, le sentant malade, je lui ai dit qu’on allait annuler et remettre ça à quand il irait mieux. Une partie de moi regrettera toujours de ne pas avoir fait ce voyage. L’autre partie de moi se dira pour toujours que c’était la bonne chose à faire, de pas débarquer là bas pour le fatiguer et lui prendre du temps qu’il a passé en famille. Un autre rendez-vous manqué. De toute façon je suppose que dans ces occasions-là il n’y a que des rendez-vous manqués.
Quand finalement la nature de la maladie a été connue et qu’il l’a annoncé, j’ai chialé comme une madeleine. Et je suis pas le seul, croyez-le bien (je ne parle que de mon expérience perso, forcément, parce que c’est la mienne, mais n’allez pas croire que je me la raconte comme seul pote de Carlos ou « ami majeur » ou je ne sais quoi). Je suis un vague pote au fond de la salle.
Carlos Pacheco, l’artiste, il reste encore plein d’albums à lire et relire. Carlos Pacheco, l’homme, c’était un type droit, classe, avec des valeurs, à qui fallait pas essayer de la raconter. L’annonce prématurée de sa disparition dans la presse espagnole c’est un peu là aussi un rendez-vous manqué, mais comme un pied de nez de sa part (« AH les journaux me pensent fini ? Attends je vais les faire mariner quelques heures ») mais c’est surtout dû à un délai parce qu’il faisait don de ses organes.
C’était un type bien, passionné. Et les discussions sur tout ce qu’il adorait, sur son fils dont il était fier, sur tel artiste qu’il voulait défendre où tel scénario qui le hérissait… Ben ces discussions là, forcément… L’esprit qu’il y avait derrière ces pages il est irremplaçable, alors j’essaie de vous en faire passer ce que je peux. Je sais qu’il avait mis un cours en ligne de formation au dessin de comics. Je sais pas s’ils ont prévu de le laisser. Ce serait bien qu’il continue de donner des tuyaux à des gens qui débutent, avec la même assise qui nous avait scotché un soir au resto en 1999…
Putain, Carlos, tu m’as bien eu : Je vais passer des années à gamberger sur tes histoires inédites de Yuri ou de Captain Marvel, comme si je les avais lu. Et ça doit te faire marrer en plus… A la tienne, mon pote. Promis, un de ces quatre on se refait un truc
Big man
Pour en revenir sur ce que disait Fournier, 1999 je m’en souviens très bien car c’était ma première convention et, de facto, mon premier sketch signé Pacheco. Un sublime Cap América.
Seul Mantlo (toujours de ce monde) l’a réutilisé.
Effectivement, Carlos Pacheco était un taiseux. Ce qui est parfois assez désarçonnant et qui nous a bien désarçonnés quand on l’a invité à une convention parisienne où le stand Semic était situé près de la scène où il y avait les conférences, mais aussi les interventions micro, les cosplays, bref tous les trucs les plus bruyants. Je ne me souviens ni de la date ni de l’endroit, seulement du capharnaüm ambiant. D’autant qu’on avait beaucoup d’invités et que, me semble-t-il, il y avait quelques soucis logistiques (livraisons de bouquins ? Sais plus, tout cela est bien flou). Effectivement, Carlos était, disons, sur la réserve, on pensait qu’il était mal à l’aise avec le bruit et peut-être qu’il nous le reprochait, alors qu’il affirmait bien que ce n’était pas le cas, mais on avait sans doute du mal à le croire et on mettait ça sur sa politesse (ce qui était vrai en soi, mais bon, bref, on s’inquiétait, craignant de lui avoir gâché le week-end). J’ai surtout gardé ce souvenir de ce salon, je n’ai guère de souvenir des repas et ce genre de choses. Sans doute aussi parce que les conventions parisiennes, c’était pour moi l’occasion de rentrer au plus vite à l’appartement récupérer un peu.
J’ai un autre souvenir de Pacheco, quand il est venu à Paris saluer Jeph Loeb et Tim Sale, en dédicace à Album (celui de Bercy). Et pour le coup, il était tout sourire, ravi d’être là, transformé. Sans doute que, puisqu’il n’avait rien à faire d’officiel à part dire bonjour, n’avait-il pas besoin d’être concentré et distant.
Jim
Les gars, vous avez été à deux doigts de me faire chialer. Quelle année de merde quand même.
Kevin Conroy, LA voix de Batman, est décédé. Il avait 66 ans.
Ouais, on en parle ici aussi :
The New York Times asked Alan Moore for an obituary statement about his longtime collaborator Kevin O’Neill. Moore being Moore, he wrote a lovely 800 words far too long to use. Here it is.
Bill Sienkiewicz
Décès de Tim Kennedy, l’un des principaux dessinateurs des comics Archie.
Jim ne l’a pas posté ici, donc je remets ici le lien vers la nécro concernant Aline Kominsky-Crumb, décédée il y a quelques jours :
L’info circule sur les réseaux sociaux depuis peu. JASON PEARSON est décédé le 19 décembre dernier (a priori à la suite d’une crise cardiaque).