SPOILERS (je pense)
J’avais beaucoup d’à-priori négatif concernant ce film. Sur le projet en lui-même : Vouloir établir les origines d’un personnage, dont l’une des forces réside dans son absence total de passif le posant comme une force primal de chaos, est ultra casse-gueule même dans le cadre d’un projet hors continuité. Alan Moore dans son Killing Joke , inspiration du film, faisait d’ailleurs attention à ne pas tomber dans le travers en posant le doute de la réalité des flash-back sur le Joker. Sur les personnes en charge d’autres part : Certes Joaquin Phoenix n’est pas un mauvais mais Todd Philipps est loin d’avoir prouver sa capacité à pouvoir gérer un tel sujet. Sur la réception critique et son positionnement marketing enfin : le tsunami de bonne critique est toujours un brin troublant mais cela devient un poil inquiétant quand on pose une figure de tueur de masse comme nouvel égérie de mouvement anti-système. Il y a quelque chose qui ne colle pas.
J’avais donc beaucoup d’à-priori négatif et pourtant si je m’attendais à un mauvais film chiant (ce qu’il est), je ne m’attendais pas à tomber sur une histoire réactionnaire emballée dans un vernis faussement subversif qui semble avoir totalement aveuglé bon nombre de critique et de spectateur. Le film tombe en effet dans tous les pièges mentionnés plus haut : citant jusqu’à plus soif Scorsese , Philipps est incapable de poser une véritable atmosphère à son film et Joker ressemble à un jolie fan-film en l’honneur du réalisateur de Taxi Driver . Phoenix fait le job mais n’est pas franchement aidé par une caractérisation au ras des pâquerettes et assez affligeante ne rendant clairement pas honneur à l’un des plus grands méchants de la culture populaire.
Surtout le parallèle souhaité entre le personnage, la ville de Gotham et ses habitants est totalement loupé. La faute d’une part à la volonté de se focaliser uniquement sur le personnage d’Arthur passant en arrière plan la décrépitude de la ville et la montée de la violence. Ces derniers points n’ont que peu de réalité tangible (en dehors de sac poubelle, paie ta métaphore douteuse) et ne sont que des informations récitées dans les journaux. Dès lors, Arthur et sa mère sont les seuls référents du peuple. Des référents qui ne sont non pas des victimes d’un système étatique et d’une violence de classes comme on pourrait le croire (ça n’aurait pas forcément rendu le projet meilleur mais clairement moins con), mais deux malades mentaux dont la folie et la violence qu’ils engendrent n’est que de leur propre responsabilité.
Si, comme je l’ai lu ici et la, Thomas Wayne est présenté comme le représentant d’une élite en dehors des réalités (ce qui est déjà mettre beaucoup de crédit dans ce personnage), Arthur (et par extension le peuple) est quand à lui montrer comme le responsable des violences et non le symptôme. Clairement douteuse, cette approche fait de Joker un film moralement assez puant parce qu’il n’y a aucune représentation de véritables victime, de gens « normaux » (le peuple est le mal). Et je ne parle pas de la réception critique du film qui me fait autant rigoler qu’elle me fait flipper.
Chiant, visuellement pauvre mais surtout totalement con car ne s’étant jamais posé les bonnes questions quand à la cohérence de son histoire au regard de son récit, toute la crétinerie du film est synthétisé dans un passage dont on aurait pu se passer et dont l’inclusion est révélateur de l’aspect bancal du projet à se vouloir en dehors de l’univers Batman tout en étant dépendant :
Spoiler
la mort des Wayne devant le petit Bruce. Là où l’acte fondateur de Batman est causé depuis toujours pour des raisons crapuleuses justifiant la lutte contre le crime de Bruce Wayne, Joker présente une mort pour des motifs politiques et vengeresses lors d’une nuit de chaos engendrée par une foule en colère. Comme croire dès lors que le jeune Bruce deviendra un super-héros et non pas un flic prêt à casser du prolo.
C’est sur Joker est un film adapté de comic bien différent de ce qu’on voit actuellement. C’est certain cela change des films Marvel. Est-ce une bonne chose pour autant ? J’en doute grandement.