Discutez de Kaze No Sho
La critique de Kaze no shô T.1 (Nouvelle édition - Panini manga) par Suiginto est disponible sur le site!
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Récit historique de complot politique, Kaze no shô permet à Jirô Taniguchi de déployer son talent dans un large éventail. La scène d’intro et la scène de conclusion se situent à la toute fin du XIXe siècle, alors qu’un petit groupe de personnages discutent d’un aspect méconnu de l’histoire du Japon, tandis que le reste du récit est consacré à la narration d’un complot susceptible de renverser le pouvoir et/ou de provoquer une guerre civile.
Le récit suit les aventures d’un escrimeur légendaire, Yagyù Jûbeï, en l’an 1649, alors que la paix est instaurée (après une longue période d’instabilité) et que le pouvoir des shogun est installé. Mais le vol de manuscrits rares, réputés receler des secrets susceptibles de mettre l’équilibre du monde en danger, réveille les vieilles rancœurs. Celui que l’on appelle « l’Empereur retiré », qui pour l’instant plie sous le pouvoir du shogunat, avance ses pions afin de reprendre le pouvoir et mobilise des alliances. Jûbeï est chargé de retrouver les manuscrits et de convaincre l’Empereur retiré de retourner à la forteresse où il est en résidence surveillée, pour ainsi dire.
L’intrigue politique mérite bien plusieurs lectures : en effet, si les dialogues et les récitatifs sont assez explicites, la profusion de noms désignant les clans et les forces en présence est dans un premier temps assez déstabilisante, et c’est la plongée dans la lecture qui permet d’y voir plus clair.
Cela dit, d’une certaine manière, le scénario de Furuyama et la mise en scène de Taniguchi démontrent assez vite que l’évocation historique, au sens factuel du terme (l’histoire « événements / batailles », pour reprendre l’expression d’un copain prof d’histoire) n’est pas le fond du récit. Du moins, pas directement. Les récitatifs prennent le temps d’expliquer qui sont tels et tels personnages ou groupes, décrivant en creux la société japonaise de l’époque, mais aussi d’évoquer les grandes écoles d’arts martiaux et notamment d’escrime, permettant un parallèle entre la philosophie qui sous-tend telle ou telle technique et l’évolution des doctrines politiques du pouvoir.
Le récit donne également la part belle à l’action, et notamment aux scènes de sabre. Et là, Taniguchi est proprement impressionnant. En regardant l’ours de mon édition (la première, dont je montre la couverture), je note que le copyright japonais date de 1992, ce qui place le récit à peu près un an avant les récits courts compilés dans L’Orme du Caucase. Et effectivement, les scènes d’ouverture et de fermeture manifestent le même trait calme et lisse et le même souci de la composition sobre. Mais Taniguchi fait aussi la démonstration de son talent pour les scènes d’action, recourant à des mâchoires crispées à la Otomo et à toute une gamme de traits de vitesse qui guident l’œil et renforcent le dynamisme. Dans certaines cases, une encre plus grasse et un trait plus rond m’évoquent parfois Goseki Kojima, dessinateur de Lone Wolf & Cub, ou carrément Ishinomori : un traitement plus expressionniste et moins réaliste. Impressionnant.
On peut aussi lire ce Livre du vent comme un long duel à rebondissement entre Jûbeï et le ninja Yashamaro, qui s’affrontent trois fois dans le récit, jusqu’à l’échange final. Le traitement des deux bretteurs, entre l’escrimeur avide de paix et le mercenaire obsédé par sa mission, est assez bien rendu.
Pour ma part, je note cependant que si je me fais, lentement mais sûrement, à la lecture en sens oriental, cette nouvelle compétence est mise à l’épreuve ici dans les planches sans dialogues, où mon œil, instinctivement, remonte en haut à gauche. Si bien que les scènes de baston, j’ai dû me forcer à les lire le plus calmement et lentement possible, les habitudes occidentales revenant au galop quand je ne suis pas guidé par les bulles. Dernier petit bémol : le lettrage utilise une police où les « i » ont des empattements, et franchement, ce n’est pas très joli.
Mais autrement, voilà un album d’une grande richesse, qui permet une lecture au premier degré… ou plus profonde !
Jim
La critique par ivan isaak est disponible sur le site!
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Kaze no Sho Perfect Edition
Japon, 1649. Les partisans de l’Empereur et ceux du Shôgun s’affrontent dans une guerre sans merci autour d’un manuscrit : Les Chroniques secrètes des Yagyû. Ce dernier contient des secrets capables de faire trembler le shôgunat des Tokugawa qui règne sur le pays depuis plus de trente ans. Yagyû Jûbei, un escrimeur légendaire, a pour mission de trouver ce manuscrit et d’empêcher ainsi le Japon de sombrer dans une guerre civile. On ne présente plus Jiro Taniguchi, cet artiste dont le nom s’est rapidement répandu à travers le monde. Avec un catalogue d’oeuvres incroyable, le mangaka a su marquer l’esprit de bon nombre de lecteurs. Le Gourmet Solitaire, Le Sommet des Dieux ou Le journal de mon père ne sont qu’une infime partie de sa bibliographie. Mais dans ce florilège de titres inoubliables, l’auteur a aussi proposé des oeuvres sortant du cadre qu’il propose habituellement. C’est le cas avec Kaze no Sho, réalisé conjointement avec Kan Furuyama. Ce one shot nous plonge à une période charnière du Japon qui s’apprête à connaître de nombreux troubles. Se concentrant sur le célèbre samouraï Yagyû Jûbei, Kaze no Sho est un récit richement documenté, qui suscite une réflexion sur l’un des conflits politiques majeurs de l’histoire du Japon, tout en faisant la part belle à l’action, grâce à ce guerrier qui a inspiré tant de récits.
- ASIN : B0C4Y1DTWJ
- Éditeur : Panini (15 novembre 2023)
- Langue : Français
- ISBN-13 : 979-1039119825
- Poids de l’article : 505 g
- Dimensions : 15 x 25.6 x 21 cm
Il a tout dit, Monsieur Lainé. Vraiment, parce que ce qui est rigolo, c’est que j’ai ressenti un peu les mêmes choses que toi. Le démarrage a été un peu dur, avec cette profusion d’informations politiques, de personnages, de précision sur les écoles de combats… je ne connais pas du tout l’histoire du Japon, et ses spécificités en terme de dirigeants, et ça m’a un peu compliqué la tache.
cela étant dit, ce livre est pour moi une sorte de chaînon manquant, puisque du peu que j’ai pu lire en manga ou voir en animé, il m’a aidé à comprendre certaines choses, à saisir des influences, des spécificités issues des mangas.
Et puis une fois le vocabulaire et les personnages maîtrisés, c’est du bonheur à lire. J’en aurais même bien pris plus, de cette histoire du Japon légèrement romancé pour l’occasion.
Déjà, c’est quand même très joli, fignolé, détaillé, notamment au niveau des décors. Et puis je pense que je retrouve un côté Usagi Yojimbo dans l’ambiance (sauf que chez Usagi, je n’avais kamais pensé que certains scénar’ pouvaient être issus de faits réels)/
Avec le recul, c’est effectivement très riche pour qui connait peu la culture japonaise. Et puis je trouve aussi que n’est pas forcément dans les lieux communs,
Bref, pas déçu du tout par cette lecture.
Tu n’as plus qu’à les relire, maintenant que tu le sais.
Ça ajoute de la saveur, quand tu lis Usagi yojimbo en connaissant les références (historiques ou folkloriques) ou même ce que signifient les mots japonais utilisés (sans parler des références cachées dans les noms des protagonistes).
Tori.
Eh eh eh… pas sûr que j’ai autant de réf, quand même.