LA CITÉ DE L'INDICIBLE PEUR (Jean-Pierre Mocky)

Comédie policière
Long métrage français
Réalisé par Jean-Pierre Mocky
Scénarisé par Jean-Pierre Mocky et Gérard Klein, d’après le roman de Jean Ray
Avec Bourvil, Jean-Louis Barrault, Francis Blanche, Victor Francen, Jean Poiret, Raymond Rouleau…
Année de production : 1964

En 1963, Jean-Pierre Mocky sort son cinquième long métrage et connaît pour la première fois un énorme succès populaire avec Un Drôle de Paroissien et ses presque 2,4 millions d’entrées. Pour son film suivant, il décide de changer de genre et acquiert les droits de La Cité de l’Indicible Peur, un roman du belge Jean Ray. Le livre (que je n’ai pas lu) se déroule dans une bourgade écossaise d’apparence tranquille mais qui est le théâtre de meurtres inexplicables. Le personnage principal est un enquêteur malgré lui qui va révéler les sombres secrets des habitants, dont un trafic de faux billets…

Jean-Pierre Mocky a déplacé l’action dans un petit village du Cantal et fait du héros un policier un peu naïf, simple sans être simplet, à la poursuite d’un faux-monnayeur condamné à mort qui a profité d’une panne de la guillotine pour s’enfuir. Le brave Triquet est incarné par Bourvil, qui poursuivait là sa collaboration avec Mocky après Un Drôle de Paroissien en s’impliquant dans la production. À la recherche de son « ivrogne frileux, chauve ou portant perruque et détestant le cassoulet », Triquet va surtout déterrer, souvent par accident, les cadavres des villageois les plus influents…intrigue mettant l’accent sur une critique de l’hypocrisie de la bourgeoise, thème régulier de la filmographie du réalisateur…

Dès les premières minutes, La Cité de l’Indicible Peur s’impose comme un film inclassable, avec son humour absurde et sa pittoresque galerie de personnages. Presque tous les acteurs de l’histoire sont affublés d’un tic ou cultivent une obsession…la démarche bizarre de Bourvil, les bruits de bouche de Jean Poiret, l’accent ridicule du voyeur campé par Francis Blanche, le culte que voue l’employé de mairie joué par Jean-Louis Barrault à une « Bête » qui terroriserait la région. Autant d’éléments, de gags visuels ou auditifs, qui participent à l’aspect décalé de cette enquête pas comme les autres…

Le décor s’y prêtant bien (la ville et ses environs sont très bien mises en valeur par le directeur de la photographie Eugen Schüfftan), Mocky brouille aussi les pistes en faisant basculer le récit dans le fantastique…mais un fantastique qui ne s’éloigne jamais d’un ton délirant cultivé par les furtives apparitions très Z de la fameuse « Bête », croyance se heurtant au scepticisme de Triquet. Tout ceci donne une oeuvre à part dans la production française de l’époque…tellement que ses producteurs n’ont pas su comment la vendre…

Contre l’avis de Jean-Pierre Mocky, le titre a été changé en La Grande Frousse (voir l’affiche qui illustre ce billet), un prologue a été ajouté et dix minutes ont été coupées. Le film a fait un flop et Mocky a pu récupérer les droits au début des années 70, redonnant à La Cité de l’Indicible Peur son montage et son titre d’origine.

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