L'ART DU VERTIGE (Serge Lehman)

C’est dans la même partie.
Lehman postule que la science-fiction, au-delà des critères de définition, est une expérience de lecture qui conduit à une révélation (mythe, mystère, épiphanie, il cite plusieurs exemples qui selon lui ressortissent de la même chose). Cette révélation, grosso modo, c’est le sense of wonder, qui est lié au fait que la science-fiction produit des images (fruit de l’expérience sensorielle). Et ces images sont de l’ordre de la métaphore, mais des métaphores prises au pied de la lettre, en quelque sorte.
Je trouve ça épatant d’une part parce que ça propose un « critère » qui fonctionne bien en vue de définir la science-fiction dans son éventail le plus large (et donc ça répond à sa question initiale), mais aussi parce que ça propose un socle à d’autres réflexions, ça ouvre d’autres pistes.

Jim

C’est aussi ce que j’ai compris.

La première fois que je l’ai entendu émettre cette définition, c’etait à la faveur de la captation video d’une conference qu’il avait donnée il y a une quinzaine d’années, et qu’il cite d’ailleurs comme un jalon important dans sa reflexion sur le genre… Et j’ai ete bluffé. Il affine bien sûr les choses ici, prend le temps de peser les mots, mais l’intuition de base etait déjà là, cette idée de litteralite de la métaphore ou de l’image en SF. C’est brillant.

Bah je sais pss. Les écrits datent d’avant la conférence.

Bon, j’ai fini la bête. C’est plutôt sympa à lire, une fois la digestion des 100 premières pages faite. La suite en découle en partie, ce qui, en revanche, par moment, peut donner un effet de répétition (mais bon, comme faut me répéter souvent, ça ne me dérange pas).
Cette deuxième partie ressemble en grande partie à une volonté de réhabiliter la SF en France, et je trouve son analyse de la situation assez pertinente et semble vouloir rétablir la vérité (et puis, indirectement et gentiment, le reste du monde de la littérature se prend quelques scuds légitimes)
Ce que j’aime bien aussi, c’est qu’on a aussi une sorte d’autobiographie partielle, mais intéressante et qui sert complètement son propos. Il doit avoir une sacrée bibliothèque, et si on doit mettre un peu de perso, je me rends compte que j’étais vraiment seul dans mon coin à être en phase avec la SF, si bien que je manquais d’échange, de connaissance, de partage… sur le sujet dans les années 90.
Et je comprends aussi que je suis né en plein cœur d’un bouillon de culture de SF, et ce que je pensais être là depuis tout temps ne l’était finalement pas tant que ça, mais caché et tapi dans l’ombre des librairies.

Pour revenir à Lehman, je trouve aussi qu’on comprend mieux, ou du moins qu’on sent mieux, certaines choses au sein de ses œuvres après la lecture de ce bouquin.

Tu trouves qu’il y en a beaucoup ? Pour le moment, quand il y en a, je trouve que c’est pour servir le récit, que ça une fonction à chaque fois. Pas pour le plaisir de mettre du sexe.

Il me semble que je parlais au niveau de sa théorisation de la fantaisie.

Dans mon souvenir il articule la nécessité du sens of wonder en lien avec une forme de déperdition vitale qui le touche à puberté. Il me semble que là il aurait pu faire un lien avec la sexualité qui fait retour à la puberté et qui le confronte à une jouissance qui n est pas la bonne.

Peut être que c’est plus une de tes obsessions qu’une des siennes ?

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Ce n est pas tant une obsession qu une question de circonscrire l objet dont il parle.

Moore ne fait pas l impasse sur la dimension sexuelle de l imaginaire par exemple.

Je notais que Lehman la faisait, lui.

Et que sans doute, s il ne la faisait pas certain paradoxe de son approche théorique s eclairerait de façon plus satisfaisante.

Peut être inconsciemment. Peut être que sa réflexion ne s’oriente pas dans ce sens.
La SF contient beaucoup de sexe ?

Je crois que Nemo ne parle pas du sexe en tant que contenu, mais du sexe en tant que satisfaction / jouissance / expérience.

Lehman parle de la SF comme une expérience esthétique, qu’il fait tourner autour de la notion de sense of wonder. Et sans l’opposer, il la met en balance avec la puberté.

Jim

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En centrant sur le sens of wonder et la topologie Lehman permet de se passer de la de la distinction sf/ fantaisie.

Et il eclaire le sens of wonder par une tentative de récupération vitale liée à une perte, un insupportable qui se joue pour lui à la puberté.

On retrouve là la forme objet perdu/objet retrouvé du desir chez Freud. Il parle bien de sexe in fine mais sans le nommer.

Il fait bien, parce que j’aurais tout confondu, comme le faut si bien remarquer Jim.

Dans une interview, Bajram faisait un distinguo intéressant : la fantasy comme littérature psychanalytique, et la SF comme littérature politique. La distinction atteint rapidement ses limites, mais j’y vois quand même une approche intéressante.

Après, je ne sais pas si c’est ton cas mais il ne faut pas à mon sens focaliser sur une expression que Lehman reprend plusieurs fois, à savoir que « l’âge d’or de la science-fiction, c’est douze ans ». Je ne sais plus à qui il attribue cette citation, que Howard Chaykin utilise aussi (dans une postface à Hey Kids, Comics!, notamment). Cependant, il me semble que Lehman dépasse le seul constat d’un trouble esthétique (le mystère / l’épiphanie dont il parle) lié à l’enfance / l’adolescence pour expliquer que ce trouble perdure. Alors oui, il y a l’absence, le manque, le raté, qu’il associe à sa dépression personnelle, et l’édification de la théorie a des vertus thaumaturges chez lui, mais je crois Lehman suffisamment intelligent pour bien distinguer ce qui relève de l’intuition personnelle et ce qui ressort de la théorie.

Jim

Je ne sais pas à qui Lehman l’attribue, mais :
https://www.quoteinvestigator.com/2020/10/14/golden-age/

Tori.

Je suis en train d’écrire le meilleur des SF. Tellement que je ne le publierais pas, même en auto-édition ! :crazy_face:

Disons que cela donne les coordonnées de l experience : il faut bien que quelque chose soit perdu pour que l experience apparaisse sous la forme d un îlot sauvegardé.

Je ne dirais pas donc que 13 ans est le plus bel age mais plutôt qu il y a un âge à partir duquel l experience devient possible dans la forme qu il décrit

En tout cas les noms (du père) ont un poid certains chez tolkien.

On retrouve cela dans une forme plus moderne dans got.

Le nom oblige, astreint, il est à porter à nouveau, etc…

Normal, puisque c’est douze… :wink:

Tori.

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Un 16 ans d’age, c’est pas mal aussi.

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