REALISATEUR
Joseph L. Mankiewicz
SCENARISTE
Philip Dunne, d’après le roman de R.A. Dick
DISTRIBUTION
Gene Tierney, Rex Harrison, George Sanders, Edna Best, Natalie Wood…
INFOS
Long métrage américain
Genre : comédie/romance/fantastique
Titre original : The Ghost & Mrs Muir
Année de production : 1947
L’Aventure de Madame Muir, c’est l’aventure d’une jeune femme du début du XXème siècle qui décide, après le décès de son mari, d’aller de l’avant et de se façonner son propre destin. Lucy Muir s’est mariée trop jeune, trop tôt et si elle adore sa petite fille, elle sait au fond d’elle-même que sa vie maritale n’a pas été celle dont elle rêvait. Pour échapper aux conventions d’une société étriquée, et à son oppressante belle-famille, Lucy quitte Londres et emmène sa fille et sa servante vivre au bord de la mer…
Lucy Muir, c’est la très belle Gene Tierney, la Laura de Otto Preminger, que Joseph L. Mankiewicz, futur réalisateur de Eve, Cléopâtre et Le Limier, avait déjà dirigé dans son tout premier film, Le Château du Dragon en 1946. Gene Tierney avait débuté le tournage en jouant son personnage de manière légère, presque comme une héroïne de screwball comedy, genre particulièrement en vogue dans les années 30/40. Joseph L. Mankiewicz lui a conseillé d’adopter une autre approche, heureuse initiative qui a permis de donner plus de profondeur à cette « Emma Bovary » londonienne, l’actrice déployant une belle gamme d’émotions tout au long d’un récit tour à tour drôle, intrigant, romantique, cruel et émouvant.
L’Aventure de Madame Muir, c’est l’aventure d’une jeune femme confrontée au surnaturel. Comme elle n’a plus beaucoup d’argent, Lucy Muir loue un cottage pour une bouchée de pain parce qu’on le dit hanté. Et le premier soir, Lucy rencontre le fantôme du capitaine Gregg, un marin bougon décédé suite à un accident stupide. Lucy décide de rester et une drôle de relation s’installe entre la veuve, qui a toujours rêvé d’une vie d’aventures, et le spectre, qui a baroudé depuis son plus jeune âge. Lucy ira même jusqu’à écrire les mémoires du capitaine, un livre dont le succès lui permettra de s’installer à demeure…
L’irruption du fantastique se fait de manière simple et élégante. Aux effets spéciaux, quasi-inexistants, Joseph L. Mankiewicz préfère les mouvements de caméra, les effets de montage et la beauté de la photographie de Charles Lang, aux contrastes admirables, pour souligner les apparitions du capitaine Gregg, auquel Rex Harrison apporte beaucoup de sympathie sous des dehors frustes.
La première partie du long métrage est baignée par une atmosphère souvent malicieuse et alors que les sentiments se renforcent entre Mme Muir et son fantôme, une réplique amène à se demander si l’héroïne ne vivrait pas un rêve éveillé…
L’Aventure de Madame Muir, c’est l’aventure d’une vie. Une vie qui, comme toutes les vies, n’est pas exempte d’erreurs, comme lorsque Lucy s’entiche d’un écrivain de livres pour enfants (incarné par George Sanders) qui se révélera être une déception de plus. La dernière partie de l’histoire inspirée par le livre de la romancière britannique R.A. Dick (de son vrai nom Josephine Leslie) verse alors dans une mélancolie déchirante.
Oui, il y a un doute quant à la vraie nature du capitaine Gregg, mais au final le scénario ne tranche pas, ce qui renforce autant la tristesse contenue du destin de Lucy Muir que l’infinie tendresse de ses derniers moments. Un dernier plan qui devient réel parce que l’on y croit, tout simplement.
Sur l’une des plus belles compositions musicales du maître Bernard Herrmann, Joseph L. Mankiewicz a signé une romance fantastique d’une grande finesse. Avec en prime, l’une des plus belles déclarations d’« amour impossible » de l’Histoire du cinéma…