Le coin des histoires courtes

tumblr_mh59chrQcr1qcy5lco1_500

Spider-Man #17 (décembre 1991)
No One Gets Outta Here Alive !
scénario: Ann Nocenti
dessin: Rick Leonardi
encrage: Al Williamson

Durant sa carrière de scénariste et d’éditrice chez Marvel dans les années 80/90, Ann Nocenti a souvent fait preuve d’une certaine originalité dans sa façon d’aborder les codes du genre et de déjouer les attentes, en proposant de nouvelles directions inédites, l’exemple le plus frappant étant certainement son run sur DD, qui tout en reprenant certains éléments éminemment Milleriens, est allé dans une tout autre voie.

Spiderman 17 page 2

Dans le cadre de la série de tête à cornes, la scénariste s’était remarquablement débrouillée pour ce qui est d’incorporer les crossovers mutants, pourtant bien éloignés de l’ambiance habituelle de la série, en s’en servant comme un tremplin vers des potentialités inédites et non pas comme une corvée inévitable, les contraintes étant ainsi souvent génératrices de créativité (il faut avouer aussi que le fait d’avoir édité les titres mutants a dû faciliter le processus).

C’est ainsi que le blackout de Fall of the Mutants a permis d’accentuer l’atmosphère de déliquescence urbaine propre à Hell’s Kitchen, accentuée par Inferno et son cortège de démons incontrôlables, tout comme Acts of Vengeance a été l’occasion de dépeindre une version alternative d’Ultron, qui reste pour moi une des plus intéressantes (sans oublier l’épisode de Mutant Massacre centré sur Dents-de-Sabre).

Spiderman 17 page 9

Lors de ce run, Ann Nocenti avait toujours le chic pour trouver un moyen de raconter une histoire bien à elle malgré les contraintes des events, se payant le luxe de s’occuper de tie-in parfois plus intéressants que les crossovers en question.
Durant la même période, Peter David avait démontré avec le mini Hulk et l’Abomination défiguré qu’il était possible de concevoir un très bon tie-in, original et touchant, à même de développer sa propre histoire annexe tout en n’étant pas trop inféodé à l’event en question, quasiment relégué au hors-champ.

Cet épisode peut être considéré comme tel, même si Infinity Gauntlet n’est pas mentionné sur la couverture, il a quand même été inclus dans l’omnibus vo. Il a ainsi fait office de pseudo tie-in au crossover, tout en étant tellement à part qu’il peut se lire indépendamment du crossover (vu la chronologie des événements, le récit semble d’ailleurs se situer avant Thanos Quest).

spider-man-17-gwen-stacy

Ce stand-alone, qui a marqué la réunion du trio qui avait si bien fonctionné sur l’arc de Daredevil qui a précédé l’arrivée de JRjr (toujours inédit en vf), reste à ce jour une perle rare un peu oubliée, à part pour les indécrottables fans de Leonardi comme votre serviteur, ce qui s’explique par le fait que ce fill-in de luxe s’est retrouvé pris en sandwich entre la fin du run de McFarlane et le début de celui de Larsen.

L’intrigue est aussi simple qu’efficace, après un accident qui prend des proportions insoupçonnés, Spidey se retrouve à affronter Thanos, pour sauver du trépas une jeune fille innocente, qui lui importe plus que sa propre survie.
La scénariste dépeint le personnage selon ses caractéristiques fondamentales, avec notamment ce mélange d’héroïsme et de culpabilité qui le pousse à ne jamais abandonner, que ce soit pour sauver des centaines de vies ou une seule, c’est ce qui compte le plus pour lui (comme à la fin de Ends of the Earth). À propos de l’excellence de la partie graphique, il n’est pas étonnant de voir que la paire Leonardi/Williamson a été réunie peu après sur la série Spider-Man 2099 de Peter David, qui a donné lieu à des planches toutes aussi sublimes.

Leonardi avait déjà a eu l’occasion d’illustrer la version du personnage de l’univers 616, notamment lors des premiers épisodes avec le symbiote, et dans ce cas-là il s’est montré tout aussi à l’aise, avec son trait souple, dynamique et tout en rondeurs, qui s’accorde à merveille avec la représentation de ce personnage bondissant qu’est le Monte-en-l’air. Au cours de l’épisode, le dessinateur a également fait preuve de sa grande maîtrise de la narration et du storytelling (s’il y a bien quelque chose que j’apprécie chez lui au-delà du trait, ce serait sans doute ses choix de cadrages).

Quand en plus s’ajoute à cela la finesse de l’encrage de Williamson, le résultat ne peut être que mémorable. Leonardi a été plutôt chanceux de collaborer avec cet ancien dessinateur devenu par la suite un des plus grands encreurs de la profession, une reconversion d’autant plus remarquable puisque il a toujours été très respectueux du style du dessinateur, comme s’il avait cherché à embellir plutôt qu’à altérer en profondeur.

Spiderman 17 page 29

Le passage de la scénariste sur Spidey est beaucoup moins resté dans les mémoires, alors qu’elle s’est pourtant occupée d’histoires assez chouettes, tels que l’arc « Life in the Mad Dog Ward », l’annual avec Warlock, ou encore le diptyque « Typhoid Attack », qui comme son titre l’indique lui a permis de retrouver son personnage fétiche, à l’instar de la mini-série sortie l’année suivante.