Le coin des histoires courtes

Quelques mois plus tard, dans Menace #7, daté de septembre 1953 (on s’approche donc de la sinistre année 1954 qui verra la publication de Seduction of the Innocent et la suite d’auditions sénatoriales qui inquiéteront tout le monde et finiront par donner naissance, indirectement, à la Comics Code Authority et au fameux sceau qui apparaît sur les productions de janvier 1944), Stan Lee récidive avec un récit intitulé « The Witch in the Woods ».

S’il s’en est pris aux censeurs, et en premier lieu à Fredric Wertham, dans « The Raving Maniac », Lee se penche cette fois sur la figure du parent. Le récit s’ouvre sur un garçon qui lit un comic book d’horreur, quand surgit son père, visiblement ulcéré par de telles lectures, et prenant à son tour la fonction de « sorcière dans les bois », de croquemitaine malgré ses bonnes intentions paternelles.

Le père conseille plutôt à son fils de se plonger dans les contes classiques, et entame avec son rejeton, pas réellement convaincu par l’initiative, la lecture de Hansel & Gretel.

Pour Stan Lee, c’est l’occasion de se pencher sur un autre aspect de la charge anti-comics : l’éducation. Et à travers ce thème, ceux du rôle parental et de la transmission. En effet, une partie des attaques évoquent l’analphabétisme supposé que la bande dessinée répandrait, à opposer à l’édification des jeunes esprits promue par la découverte des contes et des classiques de la littérature. On retrouve donc la dialectique culture haute / culture basse, culture officielle / culture populaire.

Sauf que, bien sûr, l’affaire, bien connue de ceux qui connaissent le conte, se passe mal. Cruauté, vengeance, mort, sadisme sont au menu des aventures des deux mioches perdus en forêt. Et le père, sous le regard goguenard de son fils, redécouvre le conte avec ses yeux de grandes personnes et semble traumatisé, dans l’état qu’il voulait épargner à son fils.

Pour illustrer ce petit récit parabolique, qui s’articule autour d’un raisonnement proche de celui du « Raving Maniac », Stan Lee s’associe donc à Joe Sinnott, que les lecteurs de ma génération connaissent surtout pour son travail d’encreur sur Fantastic Four. Sinnott est un dessinateur académique assez classique, discret mais d’une grande compétence. Il dessine les cinq pages de « The Witch in the Woods » dans un style détaillé, hachuré et arrondi qui n’est pas sans rappeler celui de Maneely, ce qui fait que les deux récits composent un diptyque à l’ambiance comparable et cohérente.

Jim

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