LE COUVENT DE LA BÊTE SACRÉE (Norifumi Suzuki)

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REALISATEUR

Norifumi Suzuki

SCENARISTES

Norifumi Suzuki et Masahiro Kakefuda

DISTRIBUTION

Yumi Takigawa, Emiko Yamauchi, Yayoii Watanabe…

INFOS

Long métrage japonais
Genre : drame/thriller/érotique
Titre original : Seijû gakuen
Année de production : 1974

Le Couvent de La Bête Sacrée est l’un des plus fameux représentants de deux courants du cinéma d’exploitation : la nunsploitation (ou films de nonnes) et le pinku eiga/roman porno. La nunsploitation insiste sur l’aspect fétichiste que peut représenter l’image de la nonne ainsi que sur les choses inavouables qui peuvent se passer derrière les murs des couvents, lieu où la répression religieuse peut faire l’objet de tous les fantasmes…et de toutes les critiques comme en témoigne le long métrage de Norifumi Suzuki, tourné dans un pays où la religion catholique est minoritaire.

Le pinku eiga (littéralement cinéma rose) était un cinéma très populaire dans la deuxième moitié des années 60 et surtout dans les années 70. Le studio qui en a fait sa spécialité était la Nikkatsu, qui a rebaptisé ses pinku eiga sous le terme de « roman porno »…mais des « pornos » soft, sous la pression de la censure. Le film dont il est question ici n’est pourtant pas une production Nikkatsu. Le Couvent de la Bête Sacrée est sorti des studios de la Toei, qui était surtout connu à l’époque pour ses films de gangsters, et notamment ses pinky violence (avec ses gangs de filles le plus souvent topless comme dans la série des Sukeban).

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Le Couvent de la Bête Sacrée est avant tout une histoire de vengeance. Après une dernière nuit où elle s’adonne à tous les plaisirs, Maya (jouée par la très belle Yumi Takigawa, dont c’était le premier film) entre dans les ordres au couvent du Sacré-Coeur. Elle y découvre un univers répressif, où chaque dérive des jeunes novices qui essayent de braver les interdits est punie de manière particulièrement perverse. On découvre alors que Maya avait un but précis : elle est à la recherche de ses origines. Elle porte la croix de sa mère, une nonne décédée dans ce couvent 18 ans plus tôt. Et Maya est prête à tout pour découvrir la vérité sur les circonstances de la mort de sa mère…et de sa naissance…

Il y a un côté bien évidemment racoleur dans ce genre de cinéma, mais les qualités de la réalisation et de la production élèvent Le Couvent de la Bête Sacrée au-delà de l’eurotrash à la Jess Franco et Bruno Mattei qui ont aussi oeuvré dans la nunsploitation. S’il est, de par son sujet, dérangeant et troublant, le long métrage de Norifumi Suzuki est aussi visuellement superbe. L’atmosphère qui se dégage des décors (on se croirait parfois dans un Hammer), le soin apporté aux éclairages, les idées de mise en scène (comme lors de la scène de torture par ronces et épines de rose)…tous ces éléments participent à la beauté formelle et à la réussite d’un film qui n’est pas juste là pour titiller le spectateur.

Il y a de la perversité (dans les traitements humiliants subis par les jeunes femmes), mais aussi quelques pointes d’humour dans Le Couvent de la Bête Sacrée, dont certaines confinent au comique involontaire (la simulation d’un cunnilingus dans un rapport lesbien entre deux nonnes fait l’objet d’un insert (!) plutôt ridicule et qui n’était pas franchement utile). Et au fur et à mesure du déroulement de l’intrigue, le ton devient encore plus sombre, ce qui s’exprime notamment par une expression de l’hypocrisie des autorités cléricales et une réflexion sur la présence de Dieu par le seul homme d’église présent (un évêque effrayant aux faux airs de Raspoutine).

Le dernier acte est d’une noirceur extrême. De l’horreur intense, aux couleurs flamboyantes. Pour beaucoup de critiques, certains plans auraient pu inspirer Dario Argento pour son Suspiria tourné trois ans plus tard. Je ne sais pas si Argento a vraiment vu le film de Norifumi Suzuki mais dans l’esthétisme des deux oeuvres, on peut en effet voir des points communs.

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Tori (sur le site)

Et puis, à l’origine, il est adapté d’un manga (dont la prépublication a commencé en 1973), scénarisé par Norifumi Suzuki et dessiné par Ryûji Sawada… Lui-même inspiré d’un film polonais de 1961 (intitulé en français « Mère Jeanne des anges »), adaptation d’un roman (polonais aussi), inspiré de l’affaire des démons de Loudun… ~___^
La fiche du manga est ici :
https://www.manga-sanctuary.com/bdd/manga/57237-seiju-gakuen/ (et sur Sanctuary, c’est Seijû gakuen 1 simple (Tôkyô Sanseisha) ).

Ah, merci pour ces précisions, Tori. Je ne savais pas qu’il y avait eu un manga avant le film…et d’ailleurs, les quelques articles que j’ai consultés pour infos ne l’ont même pas mentionné.

D’après ce que j’ai compris, le magazine (Bessatsu Asahi geinô Comic & Comic) dans lequel ce fut publié était une collaboration entre Tôei et Tokuma shoten, qui n’a pas duré : du 13 juin 1973 au 4 septembre 1974…

Au vu des dates, le projet du film et celui du manga ont dû, en fait, être lancés en même temps (le fait que le réalisateur et le scénariste soient la même personne aide aussi…).
Je n’ai trouvé d’infos (et encore, parcellaires) que sur des sites en japonais (ce blogqui parle de films adaptés de mangas, entre autres), mais j’en ai profité pour ajouter le manga à la base de données.

Tori.