REALISATEUR
Dario Argento
SCENARISTES
Dario Argento et Daria Nicolodi
DISTRIBUTION
Jessica Harper, Stefania Casini, Flavio Bucci, Miguel Bosé, Alida Valli, Udo Kier…
INFOS
Long métrage italien
Genre : horreur
Année de production : 1977
Suzy Bannion, une étudiante américaine dont le rêve est de devenir danseuse étoile, se rend en Allemagne pour intégrer une école de ballet renommée. Arrivée à Fribourg par une nuit sombre et orageuse, elle est témoin d’un étrange événement, une élève s’enfuit de l’établissement en prononçant des paroles qu’elle ne comprend pas à cause du bruit environnant avant de s’enfoncer dans la pénombre. Elle sera retrouvée le lendemain, morte dans des circonstances atroces.
Progressivement, Suzy va se rendre compte que l’école n’est qu’une façade derrière laquelle se cache quelque chose de beaucoup plus sinistre…et surnaturel…
Cette présence sinistre, elle se fait ressentir dès les premières notes de musique du générique pour ne plus nous lâcher jusqu’au final. Fruit de la collaboration entre Dario Argento et le groupe de rock progressif Goblin (déjà auteur de la bande originale du précédent opus d’Argento, Les Frissons de l’Angoisse), la musique de Suspiria, qui a un rôle primordial dans la narration, est de ce fait un véritable personnage de l’histoire : l’emploi de sons discordants et étranges, de chuchotements, de hurlements sur des thèmes composés à l’aide d’une grande variété d’instruments lui confère une qualité organique qui souligne la force maléfique qui ne quitte pas les pas de l’héroïne dès son arrivée en Allemagne.
La musique de Suspiria est une musique qui met mal à l’aise (d’ailleurs, Argento faisait diffuser une copie de travail pendant le tournage, afin de mettre sa distribution dans le bon état d’esprit), une musique qui fait peur, une musique qui soupire…
Si certains giallos de Dario Argento comprenaient déjà des éléments fantastiques et horrifiques, Suspiria est la première incursion du réalisateur italien dans le genre. Il a écrit le scénario avec l’actrice Daria Nicolodi, sa compagne de l’époque, qui confia qu’elle s’était inspirée d’une histoire que lui racontait sa grand-mère étant gamine, à propos d’une école de cinéma qui ne faisait pas qu’enseigner les arts.
Pour Dario Argento, l’idée lui est venue de la lecture d’un passage du livre Suspiria de Profundis de l’anglais Thomas De Quincey, où l’auteur évoque un rêve dans lequel interviennent trois funestes sœurs : Mater Suspirorium, Mater Lachrimarum et Mater Tenebrarum. Cette source non créditée sera à la base de ce qui sera rétrospectivement appelée la Trilogie des Enfers (ou Trilogie des Trois Mères) et qui sera complétée par Inferno en 1980 et La Troisième Mère en 2007.
L’autre inspiration de Dario Argento vient des contes de fées…mais pas à la Walt Disney bien entendu, plutôt ces contes terrifiants de la Vieille Europe (et ce n’est pas un hasard si l’action est située en Allemagne). Lorsque la jeune Suzy franchit la porte coulissante de l’aéroport (qui est elle-même filmée comme une menace, sensation renforcée par un bruitage saisissant), elle pénètre littéralement dans un autre monde, où un simple orage ressemble à un déluge de fin du monde, où une école de danse cache les plus noirs secrets derrière des couloirs qui semblent sans fin…
À l’origine, les protagonistes de Suspiria devaient être des gamines de 8 à 12 ans, pour renforcer ce côté « conte cauchemardesque », mais Argento dut renoncer à cette idée afin de ne pas décourager les distributeurs. Le réalisateur engagea donc des actrices plus âgées, dans la vingtaine, mais sans retoucher le scénario, ce qui explique leur comportement et leurs gamineries et renforce cette impression, sublimée par un subtil travail sur les décors, de petites filles prises au piège de quelque chose qui les dépasse et qui se referme inexorablement sur elles.
Dans le rôle principal, on retrouve Jessica Harper, révélée trois ans plus tôt par le Phantom of the Paradise de Brian De Palma, et son physique de femme-enfant innocente aux yeux de biche fait ici merveille.
Les décors, très Escher dans l’esprit, participent idéalement à l’atmosphère angoissante en faisant autant perdre ses repères aux acteurs du récits qu’à ses spectateurs. Même le temps finit par se dilater pour donner à l’ensemble ce rythme si particulier. Dario Argento a également effectué un travail saisissant sur les couleurs comme l’a fait l’un des ses maîtres, Mario Bava (Le Corps et le Fouet, Le Masque du Démon…), avant lui.
Le rouge ne se retrouve pas que dans les éclairages flamboyants. Les scènes gores, si elles sont peu nombreuses, sont terriblement efficaces, et la première d’entre elles, placée au début du film, a marqué les esprits des fans du genre de façon durable…
…tout comme cette musique entêtante…cette musique qui susurre des paroles aussi inintelligibles qu’effrayantes…cette musique qui soupire…