J’ai lu un bon tiers du volume…et je suis bluffé !!
C’était pas forcément les épisodes de « Superman’s Pal Jimmy Olsen » que j’attendais le plus dans cette saga, et pourtant je me suis fait cueillir. En plus de me faire voir sous un angle nouveau beaucoup de sagas morrisoniennes ultérieures comme « Seven Soldiers » et « Final Crisis » (littéralement infusés au folklore, et plus important, aux thématiques du « Fourth World », notamment tout l’aspect dynastique et inter-générationnel), je découvre aussi Kirby redoutablement intelligent dans sa manière de porter un regard sur sa carrière jusqu’à ce point : pour qui voudra bien se livrer à l’exercice, les références se feront savoureuses.
Exemple : le premier méchant dégommé par Jimmy Olsen (qui en impose ici en espèce de super-Rick Jones…), c’est un avatar transparent du Docteur Fatalis, j’ai l’impression. Comme si Kirby prévenait qu’on allait bientôt passer à une catégorie supérieure de vilain (Darkseid est déjà dans les coulisses dès le premier épisode du volume). D’autre part, difficile de ne pas voir dans le Jimmy Olsen géant et verdâtre l’avatar d’un certain Titan Vert, tout comme le Gardien Doré évoquera un autre porteur de bouclier célèbre.
Kirby démultiplie ses créations antérieures dans une folle danse kaléidoscopique, la densité de ces épisodes permettant d’introduire autant de concepts et de personnages que le cerveau fertile du King saura en produire. Inclure dans cette sorte de tentative de méta-série terminale sur le genre super-héros des versions de ses travaux antérieurs, voilà qui semble faire sens.
L’émerveillement est total, il y a un effet grisant à découvrir au sein d’un même volume la somme de ces concepts tous plus fous les uns que les autres, de la légèreté adolescente des « Forever People » au côté sentencieux et froid des tribulations d’Orion (quel souffle incroyable dans la conclusion du premier épisode des « New Gods » !!)…
On a tellement dit et lu sur ce « Quatrième Monde » et pourtant on a pas fini d’en épuiser la richesse.
Un point qui m’a particulièrement intéressé ici, et qui aurait de quoi faire dresser les cheveux d’horreur à tout fan de Kirby, c’est la façon dont l’éditorial de DC faisait retoucher le visage de Supes, pas assez reconnaissable sous le crayon de Kirby (qui ne dessinait pas la boucle de cheveux en S, par exemple). Le personnage se promène ainsi dans les planches de Kirby, avec cette drôle de ganache qui semble mal assortie au reste (et pour cause).
Au final, et même si ce n’était pas dans les intentions initiales de Kirby (qui j’imagine se serait bien passé de ces retouches), j’adore ce rendu « involontaire ». Il est raccord avec la réflexion que Kirby semble entretenir avec le perso, représentant d’une génération antérieure à celle de ses lecteurs, une sorte de Superman « à la papa », volontiers paternaliste et même plus parfois, quand Jimmy représente quant à lui la fraîcheur de la rébellion adolescente (pop, beat, hippie, on appelera ça comme on voudra).
Il est du coup pertinent de voir Supes comme un étranger à l’univers de Kirby, comme un perso qu’il ne se serait pas approprié, car représentatif d’un type d"énergie différente que celle que le King exprime ici.
J’ai vu des avis de lecteurs américains déplorant que Superman vienne ici faire de l’ombre aux créations originales de Kirby ; perso je ne suis pas du tout de cet avis : sans compter qu’il cimente ainsi l’ancrage de ses créations dans la cosmogonie DC, Kirby livre aussi une expression intéressante de la tension générationnelle qui recoupe aussi bien les persos que les archétypes fictionnels qu’ils représentent (ados contre adultes, super-héros contre dieux, âge d’or contre âge d’argent, etc…).
Brillant !!!