LE TRÔNE DE FEU (Jess Franco)

REALISATEUR

Jesus « Jess » Franco

SCENARISTES

Jess Franco, Enrico Colombo et Michael Haller, d’après une histoire de Harry Alan Towers

DISTRIBUTION

Christopher Lee, Maria Rohm, Hans Hass Jr, Leo Genn, Margaret Lee, Maria Schell, Peter Martell, Howard Vernon…

INFOS

Long métrage italien/espagnol/allemand
Genre : histoire/horreur
Titre original : Il trono di fuoco
Année de production : 1970

Entre 1968 et 1970, Christopher Lee a tourné dans 5 long métrages supervisés par le producteur Harry Alan Towers et réalisés par le stakhanoviste tâcheron Jesus « Jess » Franco, en commençant par la reprise du diabolique Fu Manchu dans les deux plus mauvais films d’une série débutée en Angleterre, Le Sang de Fu Manchu et Le Château de Fu Manchu. Les tournages s’enchaînent et Christopher Lee y voit l’occasion de reprendre son rôle emblématique de Dracula pour une version voulue plus proche des écrits de Bram Stoker (Les Nuits de Dracula), déclamer du Sade (Les Inassouvies) et incarner un controversé personnage historique (Le Trône de Feu).

Le résultat n’a pas été à la hauteur de ses attentes, surtout quand il se rend compte que Les Inassouvies (dans lequel il n’a qu’un petit rôle) est en fait un film érotique et que Le Trône de Feu est lardé de scènes de nu et de tortures, ajoutées et parfois improvisées au cours de la production. Christopher Lee se brouilla alors avec Harry Alan Towers et Jess Franco et il ne retournera sous la direction de ce dernier qu’à la fin des années 80, dans deux films d’action à très petit budget, Dark Mission, Les Fleurs du Mal (avec Brigitte Lahaie !) et La Chute des Aigles (avec Mark Hamill !).

Dans Le Trône de Feu, Christopher Lee est George Jeffreys, le « Juge qui pend ». Figure historique, Jeffreys exerça une justice sauvage sous le règne de Jacques II (de 1685 à 1688), afin de décourager toute forme de rébellion au sein d’un pays qui comptait de nombreux partisans de Guillaume d’Orange, le gendre exilé du précédent roi. Christopher Lee en fait un personnage complexe, hypocrite, paranoïaque, à la présence physique imposante. Il est à la tête d’une solide distribution (on peut dire tout ce qu’on veut des films de Franco…et j’en dis souvent beaucoup de mal…mais le bonhomme a souvent travaillé à cette époque avec de très bons acteurs, grâce à son producteur Harry Alan Towers) : on retrouve ainsi Leo Genn (Moby Dick, Quo Vadis, Les 55 Jours de Pékin…) et Maria Schell (Gervaise, Les Frères Karamazov, La Colline des Potences…). Il y a aussi la jolie autrichienne Maria Rohm, épouse de Harry Alan Towers et l’une des actrices fétiches de Franco (et pas la plus mauvaise).

Bien sûr, on est dans un film de Jess Franco et qui dit film de Jess Franco, dit le comédien suisse à l’incroyable trogne Howard Vernon, présent dans plus de 40 longs métrages de Franco, jusqu’aux séries Z les plus pitoyables. Howard Vernon a aussi tourné pour Woody Allen, John Frankenheimer ou encore Fritz Lang, mais c’est pour le pan nanardesque de sa filmographie et son association avec le cinéaste ibérique qu’il est surtout reconnu. Et dans Le Trône de Feu, Jess Franco lui a confié comme à son habitude un rôle de méchant bien bis, un bourreau à la mine patibulaire tout droit sorti des pages d’une BD trash Elvifrance.

Jess Franco a avoué s’être inspiré d’une production Universal des années 30, La Tour de Londres avec Basil Rathbone et Basil Karloff, mais Le Trône de Feu suit surtout les traces de films comme Le Grand Inquisiteur avec Vincent Price (1968) et La Marque du Diable avec Herbert Lom (1970), qui ont pour toile de fond les mascarades judiciaires des soi-disant « procès de sorcières » et les violentes descriptions des châtiments infligés par les tortionnaires sur de pauvres jeunes femmes.
Le Trône de Feu ne sait pas souvent sur quel pied danser : la reconstitution historique (toutes les scènes impliquant Christopher Lee, un poil plus soignées que le tout-venant des réalisations de Franco), le film d’aventures mollasson (les batailles des rebelles, très mal filmées), le film d’horreur sadique (les scènes de tortures, gratuites et mal intégrées au reste du métrage) et la dose de nu et d’érotisme, passage obligé du cinéma de Franco (ici complètement sordide, avec une scène saphique complaisante et beaucoup trop longue).

L’histoire part donc un peu trop dans tous les sens et manque souvent de cohérence, ce qui est accentué par un montage français amputé paraît-il d’une dizaine de minutes. Au final, s’il fait partie des titres les moins fauchés de la très, très longue carrière de Jess Franco (plus de 200 films !), Le Trône de Feu vaut surtout pour son contexte historique et son personnage principal, interprété par un Christopher Lee habité.